Aménagement du rythme scolaire : Les conséquences négligées du système
Fin mai, Luc Chatel dévoilait ses intentions de remodeler le rythme scolaire des élèves de collèges et lycées avec comme projet un aménagement en mi-temps sportif : cours le matin et sport l’après-midi. Derrière l’enthousiasme général de l’opinion se cache pourtant bien des contraintes qui rendent ce vœu du ministre de l’Education Nationale pas si évident.
Le sport en sauveur des maux de l’éducation ?
De la bouche du ministre comme de celles de beaucoup d’observateurs, le sport serait la solution à tous les maux de l’éducation nationale et aurait des « vertus éducatives reconnues. » Il contribuerait au défoulement, à l’épanouissement, à la détente et au respect des autres. En plus de cela, l’activité sportive régulière réglerait, ou en tout cas serait une solution non-négligeable au problème de l’absentéisme, des violences, mais aussi du surpoids de nos petits français. « Un esprit sain dans un corps sain » viendrait conclure la célèbre formule.
De ce point de vue là, les quelques 11 400 établissements de second degré signeraient sur le champ sans la moindre hésitation. D’autant que le principal du lycée Jean-Vilar de Meaux, qui expérimente ce système depuis janvier, vante ouvertement les vertus du sport sur la classe en question, lui attribuant de meilleurs résultats que les autres.
Un modèle allemand discuté et des résultats jamais démontrés
Seulement voilà, la réalité est loin de cette vision simpliste de la réussite grâce à une omniprésence du sport. Tout d’abord, aucune étude n’a jamais démontré l’impact sportif sur la réussite des élèves, comme le rappelait Eric Charbonnier de l’OCDE dans Le Monde. Les modèles allemands, que la France fantasme tant, et anglais, qui adoptent déjà un aménagement semblable, ont accouché de résultats en baisse. De plus, le modèle français actuel n’est pas comparable à celui de l’Allemagne qui encadre mieux et plus tôt ses élèves pour former de meilleurs ouvriers et ingénieurs, quand la France néglige ses filières professionnelles. Ce modèle germanique tant désiré est d’autant plus incertain qu’il soulève le débat au sein de ses propres rangs.
Enfin, l’enthousiasme du directeur du lycée de Meaux quant aux résultats de sa classe expérimentale cache surtout le fait que les élèves concernés avaient tous opté volontairement pour une option EPS, nous rappelait Ouest France.
Une politique anti-intellectualiste
Problème plus grave, ce système met sur la touche l’aspect intellectuel de ces futurs élèves-sportifs lorsqu’arrivés au terme de leur cycle du second degré, le Bac (de plus en plus donné à tous et inutile) en poche. Ces futurs diplômés constitueront tout autant de « bacheliers incultes qui feront tapisserie à l’université » comme le soulignait Eric Zemmour sur RTL. Avec 1060 heures de cours en moyenne par an, la France veut rejoindre ses voisins (925 en Angleterre, 883 en Allemagne) et poursuit sa politique « anti-intellectualiste. »
Eric Charbonnier rappelait également que le sport n’était pas l’unique solution à l’épanouissement des élèves : « Pourquoi imposer du sport et ne pas proposer aussi d’autres activités comme le théâtre ou le dessin ? » Il est vrai que la carte culturelle est étonnement mise de côté sur ce sujet.
Le problème du financement du projet
« Cela ne coûtera rien » nous laisserait presque entendre Luc Chatel, s’appuyant sur les trois heures dues à l’UNSS par les profs d’EPS, et sur les partenariats avec différentes associations sportives. Pourtant, l’expérimentation seule va déjà nécessiter une aide de 5000 euros aux 100 établissements concernés. Si le projet portait ses fruits, l’extension de ce modèle au reste des lycées et collèges provoquerait une explosion des dépenses publiques. Beaucoup de sites manquent cruellement d’aménagements sportifs dignes de ce nom, le financement de ceux-ci n’est donc pas négligeable et demanderait un effort étatique colossal. Et qui va payer ? Le contribuable consentant.
Au final, le ministre de l’Education Nationale joue sur l’attente de l’opinion et la popularité de cette mesure plus que sur le résultat final et les conséquences qui en ressortiront. Qu’importe la baisse du niveau intellectuel des petits français. « Les élèves ont trop d’heures de cours » se plaignait Philippe Tournier, secrétaire général du SNEPDEN dans L’Express.
Dirigeons nous donc gaiement vers l’abrutissement des écoliers et des lycéens, avec un niveau intellectuel des bacheliers toujours plus faible, et toujours plus d’illettrisme à l’entrée en 6ème (15%). En route vers la formation d’incultes au chômage. Incultes et chômeurs… oui mais dans un corps saint s’il vous plaît !
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