Anglomanie dans la publicité et les services
On trouve souvent, dans la publicité écrite et télévisuelle, une petite phrase écrite en anglais. Ce « slogan d’assise » (ou « base-line ») se trouve fréquemment en bas à droite, sous la marque du produit. Sur des sites Internet commerciaux, le nom de certains services proposés est également en anglais. Pourquoi cet usage de l’anglais est-il si courant ?
Voici une liste de « slogans d’assise » (en gras le texte anglais, en italiques le texte en français -s’il a été traduit). Pour découvrir le texte en français, il faut un regard acéré et inquisiteur (ou de très bonnes lunettes), car il est écrit en petits, très petits caractères. Le texte anglais est en caractères nettement plus lisibles.
Publicités dans Télérama (décembre 2005) :
- Membership rewards American Express
- Better sound through research Bose
- Wave Music System Bose
- Don’t touch my Breil Touche pas ma montre Breil Breil
- You can Bien sûr, vous pouvez Canon
- Around the world Autour du monde Carlsberg
- Invent Hewlett Packard
- Flower by Kenzo Kenzo
- United against ugliness Unis contre le moche Lancia
- Fresh Belgian Chocolates Leonidas
- Designed to move you Logitech
- At the heart of the image Au coeur de l’image Nikon
- Your digital play ground Votre terrain de jeu numérique Packard Bell
- Sense and simplicity Du sens et de la simplicité Philips
- Like.no.other Incomparable Sony
- Think. Feel. Drive. Penser. Ressentir. Conduire Subaru
- Volvo for life Volvo
Ces slogans vantent le produit, valorisent l’acheteur en le flattant...
Services proposés sur Internet.
Sur le site d’Air France http://www.airfrance.frwww.airfrance.fr/
A la rubrique « Voyageurs fréquents », on trouve Petroleum Club et Flying blue.
- Petroleum Club est « une exclusivité Air France et KLM au service des professionnels du gaz et du pétrole ». Pas de traduction. On traduit facilement Club du Pétrole.
- Flying blue est une offre de fidélité qui « vous propose plus de 18 000 vols par jour, 900 destinations, plus de 100 partenaires et autant d’occasions de gagner des miles. ». Pas de traduction ... En anglais, blue signifie : bleu, triste, funeste ; en anglais familier : indécent, obscène ; en américain : rigoureux, puritain ; en américain familier : saoûl. Quelle est la bonne traduction ? On ose espérer que c’est Vol bleu !
On gagne des miles ? Les miles dont il est question ne sont pas des unités de longueur, mais des Miles-Prime (ou Miles-Prime), c’est-à-dire des points qu’on gagne et qui sont fonction de la distance parcourue, du prix du billet, de la classe de réservation et de voyage. Pour profiter des miles-prime, il nous est proposé « Décollez vers la destination de votre choix. Louez une voiture, réservez votre séjour à l’hôtel ... »
Miles-prime juxtapose un mot anglais et un mot français. En effet, si on regarde sur le site, prime désigne un gain gratuit. Mais peut-être veut-on jouer sur une ambiguïté... Prime en anglais signifie : premier, fondamental, excellent, splendeur, perfection. Il ne signifie jamais prime (bonus).
Sur le site de la SNCF
http://www.voyages-sncf.comwww.voyages-sncf.com/info_resa/fidelite/smileFid.htmlsmileFid.html
On trouve une exclusivité Internet, gagner des S’Miles ! Pas de traduction ... En anglais on utilise -‘s, mais pas s’- (?) Il faut faire un peu d’esprit : smiles signifie - sourires - et miles - mile (1,609 kilomètre). Souriez, vous gagnez des miles. Plus précisément des kilomètres gratuits, qui dépendent de plusieurs facteurs, comme à Air France.
Sur le site de France Télécom
http://www.francetelecom.frwww.francetelecom.fr/fr/
On trouve une offre Business Everywhere, Business Secrity, Business Machine to Machine, Fleet Management pour les entreprises. Pour les particuliers, on propose une Livebox, un abonnement Family Talk.
Comment analyser ces choix ?
Est-ce à dire que pour être de son temps, il faut manipuler la langue de Shakespeare ? Où est-ce qu’il est de bon ton que la cible désignée soit destinatrice d’un petit mot sympathique en anglais ? Finalement, ces slogans qui accompagnent les publicités ont-ils une efficacité réelle, ou relèvent-ils d’une mode due à la mondialisation ? L’anglais permet-il de donner à la marque une image jeune, dynamique, internationale et technologique ? La fonction sémantique de la langue anglaise est-elle réduite à néant ? La fonction symbolique prime-t-elle ?
Les slogans accompagnant la marque d’un produit existent depuis très longtemps :
- Je sème à tout vent chez Larousse
Plus récemment :
- Ici. Là-bas. Pour vous. Pour demain, chez Gaz de France
Ces slogans d’assise en français me paraissent beaucoup plus suggestifs pour un francophone. L’association de jeux de mots, ou le mélange de langues chez Air France et la SNCF, suppose une complicité linguistique ou une mode : il est de bon ton de lire ou de parler l’anglais sans comprendre.
Chez France Télécom, on peut admettre l’anglais dans les propositions aux entreprises, mais le Family Talk me paraît abusif.
Pour terminer, un petit clin d’œil à la langue anglaise que j’aime bien. J’ai parlé des slogans, n’est-ce point un mot anglais ? Mais si. Il est apparu, avec sa signification actuelle, dans les dictionnaires français à partir de 1930. Si on remonte plus loin, ce terme a été emprunté au gaëlique, et désigne le cri de guerre de troupes écossaises ou irlandaises (XVIe siècle). Je pense que la publicité a délaissé ce passé guerrier.
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