Autisme : les failles de l’Eldorado belge
Des insuffisances françaises en matière d’éducation spécifique, de structures appropriées, est né à la frontière belge un marché florissant : l’accueil de ces laissés-pour-compte du système que sont les autistes.

A l’origine de ces insuffisances, on peut le rappeler, trente ans de guerre ouverte entre psychanalystes et "cognitivistes", dont les premiers sont restés largement vainqueurs puisque l’essentiel des structures françaises s’inspire encore de leurs théories. Un temps précieux a ainsi passé pour les parents à ressasser l’histoire présumée de leur enfant depuis sa conception, voire en deçà, et pour ce dernier à l’entendre ressasser. En pure perte, le plus souvent, car peu importe que la théorie chère à Bettelheim de la "mère frigidaire", inconsciente tortionnaire de son embryon, soit ou non vérifiée. Sauf à chercher la rédemption dans un sempiternel mea culpa d’ailleurs inutile à sa victime, elle juge en général plus constructif de réparer au maximum le dégât, d’où qu’il vienne, ce à quoi cinquante ans de psychanalyse se sont révélés impuissants.
A 18 ans, case départ sans bagage
Voilà pourquoi, à diagnostic de départ égal, un autiste français et un québecois, par exemple, arrivent à l’âge adulte avec d’impressionnants écarts d’autonomie en faveur du second. Or, les jeunes Français étant renvoyés de leurs centres médico-psycho-pédagogues à l’âge adulte, sans avoir acquis la capacité de se mener eux-mêmes, c’est à leurs parents de trouver où les caser désormais, aux frais d’un Etat qui aurait fait cette économie en leur donnant les moyens de réduire leur dépendance.
Ce parcours du combattant peut durer des années. Face à cette lacune française pointée par le reste du monde, des Belges, à notre frontière commune, ont ouvert de nombreux centres parfois remarquables, impulsés au début par la reine Fabiola : la Pommeraie, l’Albatros... Pourvus d’ateliers d’artisanat, d’où sortent des objets vendus au marché local, de structures sportives, ils offrent à leurs occupants des perspectives, un cadre amical, le bien-être d’une vie sociale encadrée, et mettent à leur service les dernières trouvailles spécifiques, qui remplacent ou soulignent une parole défaillante et font progresser.
Un créneau lucratif
Leurs listes d’attente, interminables, sont à l’origine de la récente ouverture de dizaines de structures conçues sur un même modèle, du moins en apparence, à la seule intention des jeunes adultes français. Car - autre aberration de notre système - si l’accueil manque en France, en revanche l’Etat français est plus généreux que son voisin. C’est ainsi que de jeunes Belges voient passer leur tour au profit de ceux qui auront dû s’exiler pour trouver un accueil !
Dans certains "lieux de vie" l’évidence est criante de la motivation pécuniaire. On prend plus de pensionnaires que ne peuvent décemment encadrer les éducateurs, souvent trop jeunes et précaires pour protester ; à de nouveaux ateliers on préfère de nouveaux locataires, auxquels sont refusées des vacances qui feraient baisser le prix de journée ; on se passe des services essentiels d’un orthophoniste, d’un psychologue... Les week-ends voient tout le monde enfermé sous la garde d’un ou deux stagiaires, sans activités, y compris de cuisine car on a rogné aussi sur les locaux et la pitance... Qu’un parent se plaigne - ce qui ne saurait être fréquent, compte tenu de l’inquiétude qu’inspire un avenir sans toit -, on donnera au prochain de la liste la place de son rejeton...
Rappel au devoir de l’Etat
Pas plus que les Français, les Grecs ou les Papous, les Belges ne se ressemblent tous, ni ne sont irréprochables. Souvent vue par les parents concernés comme un Eldorado, la frontière franco-belge connaît ses tares et ses déficiences. Puissent nos autorités ne plus se décharger sur elle de leurs devoirs, une partie de notre pays ira mieux - partie de moins en moins négligeable, puisque, un enfant sur cent cinquante étant aujourd’hui touché par le syndrome, rares seront bientôt ceux qui n’en auront pas dans leur entourage.
J. de Pardailhan
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON