Avant 3 ans, on éveille. Après 3 ans, on surveille...
Le Gouvernement s’intéresse soudain à la petite enfance avec l’idée reprise du rapport Tabarot de créer des jardins d’accueil pour les moins de 3 ans. Mais aussi avec le projet d’opérer une surveillance du comportement des bambins dès l’âge de 3 ans pour les ficher comme potentiels futurs délinquants.
"Donnez-nous des jardins..."
Les jardins d’éveil seraient des structures intermédiaires entre les crèches et l’école maternelle. Cette idée est apparue parmi d’autres dans le rapport sur le "développement de l’offre d’accueil de la petite enfance" de la députée Michèle Tabarot en juillet 2008.
Mais dans leur rapport, deux sénateurs, Pierre Martin (Somme) et Monique Papon (Loire-Atlantique), ont décidé d’en faire la pierre angulaire de la réforme de l’offre d’accueil de le petite enfance. La démarche part d’un bon sentiment : l’école maternelle étant trop fatigante pour les tout petits (d’après l’étude menée par les sénateurs, elle ne respecterait pas le rythme et les besoins de l’enfant). Mais elle aboutit vite à des propositions qu’à gauche on juge peu républicaines, puisque l’école maternelle est gratuite et ce ne sera pas le cas des jardins d’éveil appelés à en compenser les manques. Par ailleurs, la création de ces nouvelles structures reposerait sur le volontariat local, ce qui risquerait de creuser des différences entre les territoires, notamment entre les collectivités riches et celles qui n’ont pas les moyens de développer une telle politique.
Plus tendancieux, le rapport des sénateurs, très orienté, exploite des données d’études comparées avec les pays étrangers pour affirmer que la scolarité dès la maternelle entraîne un retard scolaire en primaire.
Enfin, la création de ces jardins d’accueil est aussi le moyen trouvé pour alléger l’encadrement des crèches et ainsi aller dans le sens du ministre Xavier Darcos qui avait déclaré en septembre : "Est-il logique que nous fassions passer des concours bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ?", avant de rectifier : sous les critiques : "On ne touchera pas à l’organisation de la maternelle". Il semble que le gouvernement ait trouvé la parade : on ne touche pas aux maternelles mais on ne les développe pas davantage et on aurait recours aux jardins d’éveil, des structures allégées en encadrement. Les deux sénateurs évoquent un ratio de 1 adulte pour 15 enfants alors que le rapport Tabarot avait déjà suscité le scepticisme avec la proposition de 1 adulte pour 12. Coupes claires mais promesse tenue : "On ne touchera pas à l’organisation de la maternelle" !
Un flic à la Maternelle :
Par la voix de son porte-parole, Frédéric Lefebvre, l’UMP a relancé l’idée d’une détection des troubles du comportement chez l’enfant dès le plus jeune âge. Selon Lefebvre, cette nécessité ressort de "beaucoup de rapports" qui disent qu’il faut agir dès l’âge de 3 ans pour prévenir la délinquance. On se rappelle, en effet, qu’en 2006, un rapport de l’Inserm avait servi de base au gouvernement pour un projet de détection précoce des troubles du comportement mais cela avait suscité un tollé chez les professionnels de la petite enfance, éducateurs et "psys".
Ce serait donc ici un moyen de prévention ? Pas vraiment, puisque l’on sent pointer très nettement les ministères de l’intérieur et de la justice plus que les services de la PMI des conseils généraux ou la santé scolaire. Il s’agit donc d’assurer l’ordre public au moyen de la surveillance des bambins plus que d’apporter une aide personnalisée à ces enfants et à leurs familles.
Donc, le gouvernement s’intéresse brusquement à la petite enfance mais est-ce pour son bien ?
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