BIGAFAM, ou les réseaux sociaux à l’ère de la post-vérité
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Le concept de post-vérité serait d’apparition récente (2004 selon wikipédia), et régale aujourd’hui à merveille nos éditorialistes ou autres experts en correcte-politique...
Élu mot de l’année en 2016 par le dictionnaire d'Oxford, ce terme élégant (pour ne pas dire pudique) désignerait la supplantation des faits et de l’analyse par les émotions et les opinions… ou dit plus prosaïquement, l’art de la propagande et du marketing politique 2.0, à savoir comment faire passer le faux pour le vrai, le faux pour l’info, l’infox pour l'intox, les "vérité alternatives" pour des fake news, vous n’ y comprenez plus rien, c’est le but recherché, et tout ceci à des fins de maintien de l’ordre établi ou à venir. C’est souvent insidieux, le mensonge s’établissant la plupart du temps par omission, mais suffisamment pour renverser le monde entier à son injuste cause.
Les domaines d’application sont ainsi nombreux : télévision, radio, internet, commerce, travail, sport, politique, cinéma et réseaux sociaux bien sûr...
« Je ne supporte plus mes amis Facebook. Ils postent des selfies, des remerciements, des analyses géopolitiques. Ce ne sont pas juste les publicités et les sites qui essayent de nous voler notre attention. Tout le monde s’y met : le but lucratif, ce sont des likes. […]
Sur les réseaux sociaux, les choses insignifiantes prennent une dimension cruciale. Chacun défend son bout de gras et son obsession du jour, que ce soit la méditation transcendantale, le véganisme ou le théâtre. […] Je suis aux prises avec une machine à incitations et pressions à prendre parti, à m’intéresser à tel fait, telle actualité, telle œuvre d’art pour l’oublier une minute après. Avec la sensation désagréable de m’éparpiller en mille morceaux.
Les algorithmes nous maintiennent dans une douce prison de conformisme. Sur mon mur, tout le monde ne parle que féminisme et fêtes techno. Et tout est fait pour que cette portion ridiculement réduite et balisée du monde semble en être la totalité.
Au bout de deux jours, j’ai l’impression qu’internet est la principale cause de notre décadence future. »
Comment-je-suis-devenue-une-megere-apres-cinq-mois-sans-internet, Alice Maruani, journaliste à l’Obs, oct 2018
Et dans cette « ère » d’autoroute vers le lien asocial et la non-information, que le gros des troupes semble emprunter inexorablement, à coups de péages automatiques hors de prix, il semble que plus les scientifiques démontrent l’impasse vers laquelle la machine industrielle nous mène, plus elle tend encore plus à accélérer, comme si hâter notre fin était devenue la seule et unique solution possible à ce cul-de-sac civilisationnel...
Il serait par exemple tout à fait normal de vous faire voler vos comptes facebook par millions pour les délivrer tranquillement à l’ « ennemi » (Affaire Canbridge Analytica, piratage de masse d'usagers, ...), ou bien de voir votre page facebook un peu trop politisée supprimée un beau matin pour cause de non-conformité ?
Pas grave ! tous sur instagram !
Ta mère est sur Instagram ?
He ben paye ta face de plouc sur snapshiot !
Les zéros sociaux, inventés par des geeks en mal de reconnaissance, récupéré par des ogres de post-barbarie…
Il faut voir ces hordes de mort-vivants marchant dans les rues rivés sur leurs objets onaniques. Comme si le monde entier était maintenant soumis à la dictature de leur pouce tremblant....
César l’avait inventé, 2000 ans plus tard, mark "Zugerberk 1er", Oscar à Hollywood*, l’a fait ! Aujourd’hui si t’as pas tes 50 likes sur ton mur, va plutôt te suicider en direct sur périscope, et tu seras célèbre pendant au moins un bon petit quart d’heure... *The Social Network, David Fincher
Post-liberté, ou l’art de faire croire à tout un chacun qu’il maîtrise le monde, alors que lui-même est ultra-dominé par le tourbillon infernal du « regret technologique ».
Oui, parce qu’après le progrès, il y a évidemment le regret, comme régression, tout ça n’est qu’une question de temps cyclique, et plus tu iras loin, et plus tu reviendras en arrière, peut-être même jusqu’ à l’état antérieur d’amibe, ou bien de trilobite…
« le constat désormais très répandu qu’au lieu d’amener les internautes à échanger leurs points de vue et bâtir des théories nuancées, utopie qui a porté la démocratisation d’Internet dans les années 1990, l’émergence des réseaux sociaux et des algorithmes de recommandation a au contraire amené une radicalisation des points de vue, une exacerbation des tensions en ligne, et une impossibilité chronique à se faire entendre et respecter. »
Comment les réseaux sociaux accentuent l’enfermement dans ses idées, Le monde,24/04/2018
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Yoogle ! se fout d'notre gle !, ou BIGAFAM1 mon amour
Rézos sociaux, ces instruments de liberté asservissante que tu crois posséder mais qui te possèdent depuis le commencement, en soufflant sur la flamme de tes désirs écartelés…
Tu crois parler au mon-de, mais c’est le de-mon qui te tend la main en brouillant les cartes de tous les territoires intérieurs qu’il t’a engloutis, alors qu’il te faisait miroiter la découverte de nouveaux continents…
Qu’es-tu devenu, toi qui te voyais dans les plus hautes sphères, qu’es tu en train de devenir avec ton casque sur les oreilles et les yeux, comme si la réalité t’étais devenue par trop insupportable ?
As-tu laissé s’embraser ton autodafé personnel ? Où est cette connaissance que tu avais emmagasinée depuis l’aube de l’humanité ?
Ô mon veau ! tu fais partie sans retour possible de ces foules immenses formatées pour la consommation, composées d’individus divisés pour être manipulés, de ces internautes planqués derrière leurs écrans-miroirs protecteurs, prélude à un soft- totalitarisme2 assisté par ordinateur, promettant, en attendant un inévitable blackout télécommunicationnel3, le mirage « du tout tout de suite », où chacun pourra « jeter » ou se faire « jeter » à tout moment sans le moindre discernement - vies privée, professionnelle et politique comprises- par la force d’un simple clic, que BIGAFAM sera un des premiers à faire à notre place.
1( Big Brother + GAFAM (Google Amazon Facebook Apple Microsoft))
2 En référence par ex. à « Bienvenue dans le pire des mondes »
Le triomphe du soft totalitarisme, Natacha POLONY, Le Comité ORWELL. On pensera aussi à l’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité, et sur la facilité de l’être humain, en certaines circonstances, à se transformer en bourreau.
3 Les nouvelles technologies, par ailleurs polluantes et émettrices de gaz à effet de serre, sont en majorité fondées sur des ressources non-renouvelables et largement non-recyclées, dont les stocks mondiaux (métaux et terres rares par exemple) sont contrôlés par quelques pays et ont déjà commencé à dépérir pour certaines. Il n’ y a pour le moment pas de solutions alternatives, alors que la consommation est en forte croissance. Surtout, elles nécessitent toute l’infrastructure industrielle du monde moderne, qui selon de plus en plus de scientifiques éminents serait au bord de l’effondrement. (A lire : bastamag, Quand-le-monde-manquera-de-metaux)
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