Bruxelles : un crash aérien aux relents communautaires
La sortie de piste, dimanche dernier à Zaventem, d’un Boeing 747 cargo n’a pas fini de soulever des questions. A commencer par celle-ci : jusqu’à quand les ministres flamands mettront-ils en péril la vie des citoyens pour préserver la tranquillité de leurs électeurs ?
La compagnie Kalitta Air, habituée de l’aéroport de Liège-Bierset, figure en bonne place parmi les candidates à la « liste noire ». Avec sept incidents sérieux au cours des quatre dernières années et une flotte d’avions vieillissants, elle n’en est pas moins l’un des fournisseurs réguliers de l’armée américaine et de la CIA. Est-ce là la raison de sa présence insolite et de son escale inhabituellement longue (24 heures) à Bruxelles dimanche dernier ? La surveillance permanente de l’épave par des soldats américains depuis l’accident a pu laisser penser qu’il y avait des armes parmi les 76 tonnes de fret à destination de Bahrein. A l’ambassade américaine, on préfère parler de « courrier diplomatique », bien qu’il s’agisse-là d’une étrange façon de le transporter - même si l’appareil avait été affrété par DHL.
Plan de dispersion linguistique
Au-delà de la nature du vol et de sa cargaison, ce qui interpelle le plus est que l’avion éventré se soit immobilisé à quelques mètres de la ligne TGV Bruxelles-Cologne et d’une série d’habitations. Selon la formule consacrée, on a frôlé la catastrophe. Une catastrophe que les riverains de l’aéroport de Bruxelles-National prédisent de longue date. Plus précisément, depuis l’instauration en 2003, par le ministre flamand Bert Anciaux, du « plan de dispersion » des vols - initialement prévu pour mieux en répartir les nuisances sonores. Ce plan consiste essentiellement à utiliser comme piste principale la « piste de secours », dite 02/20, plus courte de près d’un kilomètre que la piste principale 07/25. Mais voilà : cette piste-là fait décoller les avions au-dessus des banlieues… flamandes ! Alors que la piste de réserve, affectée à cet usage depuis un demi-siècle, propulse les appareils vers les communes francophones de l’est de Bruxelles…
Des condamnations sans effets
Les plaintes des riverains se comptent par millions ; sans effet concret jusqu’ici, malgré une décision du Tribunal des référés de Bruxelles du 14 décembre 2004, reconnaissant que la piste 02/20 est utilisée de manière excessive et dangereuse causant d’importants préjudices aux requérants (les habitants de l’Est bruxellois) et ordonnant de revenir à la situation antérieure. Le ministre des Transports de l’époque, Renaat Landuyt, était allé en appel au nom de l’Etat belge : sans succès, le juge d’appel se montrant encore plus sévère. En effet, l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 17 mars 2005 ordonne que la piste 02/20 redevienne une piste alternative et secondaire, par la cessation de son utilisation excessive, illicite et abusive, et la limitation de son utilisation à certaines conditions de vent. Mais surtout, la Cour prévoit une astreinte de 25 000 euros par infraction (avec un plafond de 1 250 000 euros, ce qui démontre à quel point le Tribunal s’attendait à être suivi…). Depuis, l’Etat belge a été condamné 21 fois, mais refuse de payer les astreintes dues aux riverains malgré des frais d’avocat qui s’élèvent à près du double des montants en jeu… Aujourd’hui, l’utilisation de la fameuse piste 02/20 de 2 984 mètres a entraîné l’accident que l’on sait, tous les experts s’accordant à dire que, sur la piste longue, le 747 de Kalitta Air aurait pu s’arrêter sans encombre après sa panne de deux réacteurs au décollage. L’obstination aux relents communautaires à utiliser une piste plus courte, en pente, comportant plusieurs obstacles, recouverte d’une couche de gomme liée aux fréquents atterrissages et aux équipements de guidages moins performants, aurait pu devenir la « chronique d’un désastre annoncé ». Le fait d’avoir échappé au pire de justesse suffira-t-il à ramener les responsables à la raison ?
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