Burkini : l’étoffe de la discorde
Après le foulard revisité par les marques de prêt-à-porter, voici le burkini, négation même des plaisirs de la plage et de l’été.
C’est le feuilleton médiatique de cet été 2016 déjà bien chargé en tensions et en drames. Un objet entre dérision et exaspération. Oublié l’échec du corridor humanitaire en Syrie. Oubliées les manœuvres militaires de Poutine en Crimée. Non, la menace vient de nos plages, avec ces musulmanes un peu trop zélées qui ont décidé de tester un nouvel article de mode : le burkini. Ce néologisme est la contraction de deux termes vestimentaires on ne peut plus antagonistes : la burqa et le bikini. Avec la première, les femmes cachent tout ; avec le second, elles montrent tout – ou presque. Deux visions antithétiques de la condition féminine se téléscopent ainsi. Même si, dans le burkini, les contraires ne s’équilibrent guère, car on est manifestement plus près de la première que du second.
Ce constat établi, force est de convenir que cette nouvelle offensive de la pudeur dans l’espace public pose quelques questions. Car la plage est un territoire juridiquement dévolu au dénudement partiel – et parfois total – des corps. Le droit français, si sourcilleux avec la nudité publiquement affichée, fait ici une exception. Et comme l’on s’en doute, le chemin fut long pour parvenir à cette relative tolérance. Car la pudeur – pour ne pas dire la pudibonderie – n’est pas qu’une vertu musulmane. Dans nos contrées longtemps dominées par la morale judéo-chrétienne, elle eût longtemps force de loi, particulièrement quand elle concernait le corps des femmes. Les historiens auront beau jeu d’exhumer les images des costumes de bain de nos aïeules dont la longueur n’avait pas grand-chose à envier à l’objet du scandale actuel. On peut aussi rappeler que les musulmanes françaises n’avaient pas, jusqu’à ces dernières années, ce genre de préventions. Quand elles allaient sur une plage, elles n’exhibaient peut-être pas leurs seins, mais elles portaient des tenues de bain qui étaient, grosso modo, celles de la norme du moment. Simplement, elles avaient cette autre forme de pudeur qui consiste à garder ses convictions religieuses pour la sphère privée. Car on doit vivre à Rome comme les Romains…
Alors pourquoi une telle « évolution » ? Pourquoi une telle ostentation du vêtement communautaire là où la règle est justement de ne pas porter de vêtement ? Pour signifier qu’elles sont de meilleures musulmanes que les autres ? Pour essayer de rallier des indécises à leur vision anachronique de la femme ? Car autrement, pourquoi aller sur une plage sans pouvoir profiter de ses deux principaux plaisirs : la douceur du soleil sur la peau et une légèreté sans entrave dans l’eau ? Quitte à paraître ridicule aux yeux des derniers apôtres de la tolérance à tout crin, on ne peut pas éliminer l’hypothèse d’une dérive intégriste, discours tacite qui cherche à tester la sensibilité française. Celle-ci a été trop éprouvée, ces derniers mois, pour faire encore des concessions qui sont autant d’entorses à une laïcité sûre d’elle-même. Avaliser ce type de comportements ne pourrait, à terme, qu’accroitre la ségrégation sociale et remettre en cause le principe de mixité.
C’est ce qui a entrainé la plupart des villes de la Côte d’Azur à édicter des mesures prohibitives vis-à-vis du burkini. A celles qui protestent contre cette interdiction, on peut leur rétorquer qu’il n’y a aucune obligation à fréquenter les plages, l’été. Et que l’on peut tout aussi bien, si l’on veut rester couverte des pieds à la tête, se satisfaire de l’herbe des jardins publics.
Jacques LUCCHESI
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