Cancer : pas sérieux !
Mais quel délire a soudain saisi la presse à propos du cancer ?
Une palanquée de journaux se sont fait écho, de manière complètement insensée, d’une étude de l’Inserm (.pdf de 142 Ko), L’Express allant jusqu’à choisir comme titre : Le cancer n’est plus une malédiction !
Il est vrai que l’étude en question prête à confusion.
Ce n’est en aucun cas une étude générale sur le cancer (combien de personnes en sont touchées, combien de personnes en meurent, quels sont les facteurs déclenchants, et toutes ces sortes de choses).
L’étude de l’Inserm porte sur une question très délimitée, qu’on pourrait, en gros, formuler ainsi : 10 ans après le diagnostic d’un cancer, les personnes affectées constituent-elles un risque majoré ?
D’ailleurs, l’introduction du document est très claire sur son objet, expliquant : “Les contrats d’assurance proposés sont assortis de « surprimes pour risques aggravés ». Il est donc apparu essentiel d’effectuer une mise à jour des connaissances sur l’espérance de vie des patients soignés à un moment donné pour un cancer.”
Et la réponse à la question est : oui, dans les années qui suivent, le cancer constitue un « risque aggravé », mais dans une assez faible mesure (une aggravation d’environ 2 %). Ce constat servira probablement aux autorités pour demander aux assurances de modérer les surprimes qu’elles appliquent aux personnes ayant été soignées pour un cancer. Et c’est très bien ainsi.
Ce qui est effarant, c’est l’interprétation qui en ressort dans de nombreuses publications, qui laissent penser que le problème du cancer est derrière nous. Contresens ! Car, enfin, la surmortalité à dix ans ne dit rien du nombre de personnes affectées et de patients décédés ! En poussant les choses à l’extrême, si, dans un groupe de 100 malades, tous décèdent dans les trois premières années, la surmortalité à dix ans, dans le groupe considéré, sera ... nulle. Faudra-t-il pour autant conclure que « le cancer n’est plus une malédiction » ?
Par ailleurs, quand bien même la lutte contre la maladie serait plus efficace que dans le passé (elle l’est, à l’évidence, tant mieux, et merci ;-), cela n’enlèverait pas grand chose à son côté "malédiction". Les traitements sont lourds, coûteux pour la société, et éprouvants pour le malade.
L’étude de l’Inserm, il est vrai, n’est pas exempte de bizarrerie. La définition du concept de surmortalité annuelle est ainsi étrangement contradictoire : sa définition comme « l’excès de risque (en pourcentage) de décéder par rapport à un individu n’ayant pas présenté de cancer » est contredite par l’exemple qui en est donné : « Une surmortalité annuelle de 1 % entre 9 et 10 ans signifie ainsi que parmi 100 personnes chez lesquelles on aura diagnostiqué un cancer 9 ans plus tôt, une seule mourra dans l’année des suites de ce cancer. »
Mais c’est surtout une étude sur un point très partiel, qui ne saurait remplacer l’indispensable travail d’évaluation quantitative et le nécessaire effort de réflexion et de recherche sur les causes. Et il n’est pas sûr, pas sûr du tout, que la conclusion soit qu’on en a fini avec le cancer et qu’on peut ranger au placard principe de précaution, lutte contre les pesticides et autre dispositif REACH.
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