Cancer : une autosatisfaction contestable
Le président de la République s’est réjouit du bilan du plan cancer qu’il avait lancé en 2003. Tous vos quotidiens et hebdomadaires ont relayé cette satisfaction, partagée par nombre de cancérologues. Aucun média n’a fait l’effort d’analyser ce bilan. Tous se sont contentés de reproduire sans recul les affirmations du premier des Français.
Certes,
des progrès ont été accomplis en quatre ans : au total, un milliard d’euros a
été investi pour dépister la maladie, la soigner ou la comprendre. Les malades
sont mieux pris en compte. En 2003, soixante-dix mesures avaient été décidées pour
combattre la maladie : elles sont presque toutes entrées en vigueur, comme le
dépistage biennal du cancer du sein pour les femmes âgées de 50 à 74 ans,
l’interdiction de fumer dans les lieux publics ou les campagnes d’information
menées sur le mélanome.
Certes,
le chef de l’Etat a honnêtement reconnu un certain retard, notamment dans la
lutte contre les cancers liés à l’environnement, comme ceux dus à l’amiante ou
à la pollution.
Mais
qui a rappelé que, si plus d’un cancéreux sur deux survit,
cinq ans après l’annonce du diagnostic, 150 000 d’entre nous mourrons chaque
année du cancer, que 280 000 nouveaux cas sont déclarés dans la même
période et que 800 000 personnes vivent aujourd’hui avec le cancer en France ?
Que les hommes meurent deux fois plus de cancer que les femmes
(ne serait-il pas intéressant d’en étudier la raison ?) ? Que la mortalité
prématurée masculine française par tumeur maligne est la plus défavorable
d’Europe ? Que ces vingt dernières années, le nombre total des cancers a augmenté
en France de 63%, alors qu’il diminue de 1,1% par an depuis 1993 aux
Etats-Unis ?
L’on
peut sans doute se réjouir des avancées en cours. Mais comment peut-on se dire
satisfait du bilan ?
Bien
sûr, il est difficile de définir, sans une enquête approfondie, la ou les
cause(s) de cette spécificité nationale. On peut seulement d’ores et déjà faire
remarquer au moins deux choses.
Un,
que la France tarde à réagir face aux multiples agressions envrionnementales
(et donc finalement sanitaires). Deux, que le ratio prévention/traitement, dans
les investissements consacrés à la lutte contre le cancer, est ridiculement
faible. Dans le budget que l’Etat alloue à ce combat (232 millions d’euros en
2004) seuls 13 % sont accordés à la prévention. Et encore, ce chiffre concerne
pour une grande part le dépistage, c’est-à-dire les tests permettant de déceler
la maladie une fois qu’elle s’est déclarée. L’essentiel des dépenses est
réservé aux actions de traitement du cancer et non pour empêcher ou éviter
qu’il ne survienne.
Qui
plus est, nombre d’approches différentes, qui pourraient être complémentaires
des démarches techniques et médicamenteuses, sont offciellement méprisées et
combattues au lieu d’être évaluées et testées sous surveillance.
L’aberration
est telle qu’un médecin courageux, Geneviève Barbier, a publié en 2004 un livre
dont on n’a malheureusement presque pas parlé. Il s’appelle « La Société
cancérigène : lutte-t-on vraiment contre le cancer ? » (éditions La
Martinière). Dans cet ouvrage salutaire, l’auteure dénonce, chiffres à l’appui,
les silences des discours officiels et les intérêts de bien des lobbies. « La disparition du cancer, note la 4e
de couverture, serait préjudiciable à des pans entiers de notre économie »...
Que
le cancer tue encore 28 fois plus que les accidents de la route et 500 fois
plus que le sida, cela ne devrait-il faire l’objet d’articles critiques et
d’interpellations vigoureuses, et ce, d’autant plus que nous sommes en période
électorale ?
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