Chronique ordinaire d’un chômeur du 21e siècle
Rapide résumé de la situation :
Au chômage suite à une rupture conventionnelle pour cause de déménagement 600 km plus loin.
Une nouvelle vie et un projet de création d’une entreprise d’électricité.
Décision remise en question face à la situation économique actuelle rendant toute velléité du genre franchement suicidaire et à la complexité administrative d’une telle tâche. Entre le statut d’auto-entrepreneur qui vous laisse vivre avec 3 clopinettes et celui d’artisan qui vous enfonce six pieds sous terre à coups de fiscalité, le choix fut vite réduit à néant.
Période au statut de créateur d’entreprise durant laquelle le Pôle Emploi s’est bizarrement fait porté pâle. Aucune nouvelle, pas de suivi, obtention péniblement d’une mini-formation, (maxi prix pour le contribuable), qui ne donna guère plus de renseignements que ceux acquis par une recherche personnelle, bref, une paix royale !
10 mois et un échec plus tard, il fallut se rendre à l’évidence que le retour au statut de simple demandeur d’emploi était inévitable.
Recherche très active par tous les moyens possibles. Les artisans n’embauchent pas, ils sont pris à la gorge. Les grosses entreprises qui passent des annonces ne répondent pas aux candidatures qu’elles reçoivent. Rien de nouveau sous le soleil....
Restent les sociétés d’intérim. Rien de transcendant là non plus mais.... Mais il y a malgré tout plus d’ouvertures de ce côté. Un nouveau problème se pose : Bruxelles a décidé qu’il était désormais obligatoire d’être détenteur d’une "habilitation" pour exercer divers métier dont celui d’électricien et ce, quel que soit votre degré de qualification et/ou votre temps d’expérience.
La situation est donc extrêmement claire : Pour bosser, il faut ce fichu papier.
Direction Pôle Emploi afin de régulariser ce point. Ils semblent les mieux placés pour fournir le chemin à suivre sur la manière d’accéder à ce billet pour le Nirvana !
Passons sur les difficultés à contacter un conseiller par téléphone ou par mail, ce qui s’avéra sans succès et déplacement directement à l’agence locale pour simplement obtenir une date d’entretien ; 1 heure de route A/R et donc d’essence, pour ce faire.
Entretien obtenu, re-belote la semaine suivante.
Et c’est là que ça se corse !
D’un statut qui n’embêtait aucun conseiller, ce dernier se contentant de vous ignorer, vous passez alors à celui d’un numéro supplémentaire dans la longue liste d’attente des "10% en plus en un an dans la région, alors vous savez, hein !...", dixit la conseillère.
Nouvelle conseillère, il ne s’agit pas d’entretenir le moindre rapport humain de suivi, ça serait sans doute trop dangereux....
Nouvelle conseillère, pas sympa du tout, du tout. C’est pas possible, ils les choisissent exprès !
Rapide exposé de la situation, explication limpide du problème rencontré, question sur la possibilité d’un accès à une formation délivrant cette habilitation.
- "Bon alors, vous changez de statut ! Vous n’êtes plus créateur d’entreprise. Vous êtes demandeur d’emploi !"
- "Oui, c’est cela. Je cherche, je veux travailler mais je suis bloqué parce que je n’ai pas l’habilitation me permettant d’être embauché, ne serait-ce que par une boite d’intérim. Donc, je viens pour que vous m’aidiez à résoudre ce problème."
- "Quand on cherche du boulot on accepte n’importe quoi !"
- "Qu’est-ce que vous voulez dire ? Que je devrais changer totalement de secteur ?"
- "Ben oui !"
- "Si je devais en arriver là, je le ferais, mais ce n’est pas mon but premier. Je souhaite travailler dans ce que je connais et je viens vous voir pour cette histoire d’habilitation et savoir également si vous avez des postes qui correspondraient à mon profil."
Coup d’oeil sur son écran
- "Non, il n’y a rien pour vous. Il vous faudra voir un psychologue à Lorient (120 km), pas de place actuellement plus près. Ça peut durer plusieurs jours, je ne sais pas exactement."
- "Pardon ????? Pourquoi faire ?"
- "Vous devez voir une personne spécifiquement désignée qui fera le point avec vous afin de savoir si vous êtes capable de faire ce travail. Ça fait quand même plus d’un an que vous n’avez pas travaillé."
- "Mais c’est mon métier depuis plus de 15 ans, je crois être capable..."
- "C’est cette personne qui en décidera. Vous devez en passer par là pour accéder à cette formation."
- "Je ne peux pas, comme ça,me déplacer à mes frais à Lorient ni y passer plusieurs jours ! N’est-il pas possible d’être sur liste d’attente pour avoir une place dès qu’il s’en libère une plus près ?"
- "Non, pas de liste d’attente. Vous devez nous contacter par téléphone pour savoir où ça en est."
- "Par téléphone je tombe sur un central d’appel qui ne pourra pas répondre à ma question tant que celle-ci ne vous aura pas été retransmise..."
- "Dans ce cas, envoyez un mail"
- "J’ai déjà tenté de vous contacter par mail. On me répond que je dois me rapprocher de mon conseiller par téléphone !"
- Et ben, dans ce cas là ! Déplacez-vous régulièrement à votre agence !"
- "Mais, Madame, je n’habite pas à côté, je ne peux pas me déplacer à tous bouts de champs ainsi !"
- "C’est à vous de relancer et de faire le nécessaire par tous les moyens. Vous n’êtes pas le seul demandeur, je ne peux pas m’occuper de vous et penser à vous selon vos exigences."
Retour à la maison complètement écoeuré. L’impression de n’être qu’un "salaud de pauvre" et se dire qu’on est dans une impasse.
Plusieurs jours pour s’en remettre, se révolter intérieurement, puis dans un instant de coup de gueule, appeler à nouveau, attendre le jour du rendez-vous, reprendre la voiture et rencontrer un autre conseiller pour y voir plus clair.
Autre conseiller, facile ce n’est jamais le même, entretien plus cordial mais réponse équivalente. Il faut voir un psychologue !
Une histoire de fou ! C’est le cas de le dire !
- "Pouvez-vous m’expliquer pourquoi je dois voir un psychologue ?"
- "C’est la procédure pour savoir si vous avez les capacités acquises dans votre domaine vous permettant d’accéder à cette formation.Je vous inscris pour cet entretien dans 15 jours."
- "Et pourquoi la conseillère que j’ai vu précédemment, n’a-t-elle pas pu me prendre un rendez-vous comme vous le faites aujourd’hui ?
- "Il semble que ce jour-là, il y avait un problème informatique qui ne permettait pas de le faire"
- "Elle ne m’a rien dit de ce genre..."
- "Ah ! Je ne sais pas..."
L’informatique a bon dos chez les ordures....
Arrive enfin le jour chez le psy ! C’est un peu : "Nicolas au Pôle Emploi" "Martine va chez le psy"....
Annexe du Pôle Emploi de Quimper. Attente à l’accueil qu’une personne vienne vous accompagner dans le bureau où se déroulera l’entrevue. Toutes les portes sont fermées à clefs, seul un badge peut les ouvrir d’où la nécessité d’un accompagnant.
L’entretien se déroule de manière hallucinante. Un condamné d’office, oubliée la présomption d’innocence, on vous fait la totale.
Après un rapide bonjour, attaque directe par l’étude serrée et minutieuse du CV :
- "Vous avez fait telles et telles études.... Une formation sur l’automatisme. Qu’est-ce que vous avez appris exactement durant cette formation ?"
- "Oui... Heu... Il s’agissait d’apprendre comment fonctionnaient les systèmes automatiques sur les machines"
- "Bien.Vous avez travaillé dans l’entreprise Bidule pendant 1 ans.... Pourquoi avez-vous arrêté ?"
- "Je n’ai pas arrêté Madame. J’ai continué dans la même société qui avait simplement fusionné avec une autre à l’époque."
- "Et pourquoi avez-vous arrêté ?
- "J’ai arrêté parce que l’entreprise a fermé."
- "Vous avez travaillé en intérim, vous faisiez de la détection-incendie. Pourquoi avez-vous arrêté ?"
- "Oui, intérim et détection-incendie. J’ai arrêté parce que j’ai trouvé du travail en CDI."
- "Vous étiez compagnon électricien dans cette société. C’est quoi compagnon ?"
- "Je ne sais pas Madame, c’était ainsi que ma qualification était notée sur mon bulletin de salaire."
- "Vous aviez des responsabilités dans cette entreprise ?"
- "Pas au départ...."
- "Alors vous n’aviez aucune responsabilité dans cette entreprise ?"
- "Si, mais plus tard."
- "Pourquoi n’aviez-vous pas de responsabilités ?"
- "Comme dans toute entreprise, pas durant les premiers mois, ensuite j’étais totalement autonome."
- "Et pourquoi avez-vous arrêté ?"
- "L’entreprise a fait faillite, Madame."
- "Et dans l’entreprise suivante, vous aviez des responsabilités."
- "Oui."
- "Pourquoi l’avez-vous quittée ?"
- "Je ne l’ai pas quitté, j’ai été transféré vers une entreprise annexe et associée"
- "Et pourquoi êtes-vous parti ?"
- "Parce que j’ai déménagé en Bretagne."
- "Pourquoi avez-vous déménagé ?
- "Pour l’amour du pays, Madame. Vous pouvez m’expliquer pourquoi je dois avoir cet entretien, s’il vous plaît ?"
- "C’est soit dû au fait que vous êtes inscrit depuis trop longtemps, soit parce que votre recherche d’emploi n’est pas assez active."
- "Certes, je ne pouvais pas chercher du travail alors que j’étais en création d’entreprise, ce qui était notre projet premier."
- "Ah ! Oui ! C’est qui nous ? Et pourquoi avez-vous abandonné cette idée ?"
- "Nous, c’est moi et ma femme. Nous n’avons pas abandonné le projet mais l’avons mis en attente. La situation économique comme les nouvelles lois et fiscalités sur les entrepreneurs ne nous permettent pas de prendre le risque de nous installer à notre compte pour l’instant."
- "Mais votre statut n’a pas été changé au niveau de Pôle Emploi !"
- "Mais si, ma conseillère l’a noté sur son ordinateur !"
- "Non. Pourquoi est-ce qu’elle ne l’a pas fait ?"
- "Je ne sais pas, c’est son truc, pas le mien."
- "La formation est à Brest"
- "Il n’y a rien de plus proche ? J’avais vu qu’il y en avait à Quimper."
- "Non, Pôle Emploi ne paye pas pour ce centre, il faut aller à Brest ! Alors on fait quoi ?"
- "Ben, inscrivez-moi, je n’ai pas d’autre choix".
- "Très bien, je vous inscris mais à la seule condition que vous fassiez une évaluation en milieu de travail".
- "Qu’est-ce que c’est ?"
- "Vous devez travailler dans une entreprise durant un temps donné de 10 jours afin que le responsable de la société évalue vos compétences et capacités professionnelles."
- "Mais, vous avez mon CV sous les yeux ! J’ai travaillé 15 ans dans ce métier, je ne crois pas avoir besoin de cela. Ce n’est pas un arrêt d’un an et demi qui m’enlève mes compétences en la matière !"
- "C’est la condition sine qua non. Vous savez, vous n’êtes pas le seul à être confronté à cette exigence !"
- "Peut-être, mais je n’en vois pas la nécessité."
- "C’est à prendre ou à laisser. Vous êtes inscrit pour le 26 novembre, vous devrez avoir effectué cette "EMT" avant."
A noter que cette évaluation de 10 jours est payée à raison de 2 euros/h à l’employeur qui lui, par contre, ne doit strictement rien à ce "salarié-stagiaire" (il semble que certains patrons indélicats en usent et en abusent allègrement). Vous bossez donc 10 jours gratuitement, en imaginant que vous puissiez trouver une entreprise acceptant de tenir ce rôle (c’est pas gagné...). Il faut compter 10 jours supplémentaires avant le début de ce stage pour permettre à Pôle Emploi de traiter le dossier.
Dans les conditions actuelles, il reste 26 jours avant le début de la formation à Brest et il ne sera pas possible de commencer en entreprise avant le 10 novembre au minimum. Le calendrier est plus que serré !
D’autre part, si l’entreprise qui vous évalue estime que vous n’êtes pas compétent, cela laisse le droit à Pôle-Emploi de vous radier de ses listes.
Enfin, comment l’entreprise peut-elle vous évaluer sur un travail pour lequel une habilitation est obligatoire, alors que vous ne l’avez pas ? C’est le chat qui se mord la queue.
Voilà, dans le détail, l’absurdité totale et obtuse d’un système qui broie celui qui veut travailler comme la moissonneuse écrase le plan de maïs mûri.
Dégueulasse !
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