Combien pour une vie humaine ?
Marseille, le 22 mai 2008, une voiture double brusquement et percute une moto qui glisse sur le trottoir et fauche une femme de 33 ans et ses deux enfants de 4 ans et 4 mois, tués sur le coup. Mohamed, qui marchait devant, voit mourir sous ses yeux toute sa famille.
C’est un drame et une perte inestimable pour cet homme, mais son avocat, Me Marc Ceccaldi réclame 45 millions d’euros de préjudice. C’est un chiffre très élevé mais aussi très précis, et ce n’est pas un choix anodin. Il s’agit de la somme reçue par Bernard Tapie et sa femme en réparation du préjudice morale dans l’affaire du Crédit Lyonnais en 2008 (ce montant record étant cette année remis en cause puisque Christine Lagarde est accusée d’avoir avantagé Bernard Tapie dans cette affaire). Mais cette somme exorbitante est très loin des sommes reçues pour un préjudice lors de la perte d’un proche, celle-ci tourne plutôt aux alentours de 25 000 euros. Mais c’est justement là que ça coince pour les avocats de Mohamed, qui peut juger du prix d’une vie ? C’est pourquoi ils adressent un message au juge qui va évaluer le préjudice de leur client : « Vous ne pouvez pas considérer que perdre sa femme et ses enfants en une fraction de seconde, fait du comportement fautif de deux chauffards, représente un préjudice inférieure à celui subit par ces gens dont l’image a été souillé par une hypermédiatisation de leur affaire ».
Il faut dire que le paiement de dommages et intérêts lors de la perte d’un être cher est soumis à un barème plutôt étonnant et un peu effrayant : par exemple le préjudice du conjoint en cas de perte de l’autre conjoint est de 20 000 à 25 000 euros, le préjudice d’un enfant en cas de la perte de un de ces parents varie s’il est mineur, s’il était déjà orphelin ou s’il vivait au foyer et peut aller de 11 000 à plus de 25 000 euros ; et il y a aussi le préjudice du parent pour la perte d’un enfant, des grands-parents, des frères et sœurs, et ainsi de suite. En clair, un tableau bien défini, avec des conditions bien précises, comme si selon les cas la douleur ou la gène peut fluctuer de 6 000 à 20 000 euros mais ne dépasse tout de même pas 25 000 euros.
Quelle est alors la valeur du drame qu’à vécu Mohamed ?
Selon ses avocats, ce barème n’est pas viable et ils affirment que « les magistrats ont l’obligation de réparer au cas par cas, faire du sur mesure là où le barème propose une réparation standard, nous on ne veut pas de réparation standard ».
Depuis cet accident, Mohamed vit reclus chez ses parents et n’assistera pas à l’audience. Mais il attend beaucoup de ce procès, et surtout de la peine à laquelle seront condamnée les deux chauffards (les deux conducteurs roulaient sans permis et au dessus de la vitesse autorisée). Le représentant du parquet, Emmanuel Merlin, a requis 4 ans de prison ferme dont 2 avec sursis pour la conductrice de la voiture et 2 ans dont du sursis pour le conducteur de la moto, avec interdiction de repasser le permis de conduire pendant 3 ans et obligation d’indemnisation des victimes. On peut déjà avancer que ces peines ne satisferont pas la famille des victimes et on attend désormais la réponse du juge quant à la demande des 45 millions d’euros des avocats. Cette demande va-t-elle remettre en cause tout le fonctionnement des indemnisations ?
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