Comme par enfantement…

La procréation spontanée en amont de la marée humaine
De la séduction à la procréation / surpopulation en passant par l’absence des pères…
« Si dans tes yeux je vois demain / Malgré les guerres, malgré les armes / Si dans tes yeux s'éclaire le matin / Malgré les drames, malgré les larmes / Si dans tes yeux je vois la vie / C'est que tu es mère, sœur ou fille / Tu tiens la vie au creux de ton âme / Mère, sœur ou fille, tu es femme. » Hervé Desbois
Dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, donner la vie est une énorme responsabilité. Un couple devrait être terrifié devant la décision de produire un être humain supplémentaire et ne pas le faire sous le seul et unique prétexte monstrueusement égoïste que l’enfant donne un sens à la vie de ses parents. Cet attendrissant bébé, objet de toutes les admirations alentours, de toutes les émotions les plus lénifiantes et irresponsables, deviendra aussi un adulte qui devra manger un peu chaque jour cette tartine de merde qu’est la vie organisée en société. La décision d’engendrer doit être non seulement mise en perspective avec la place économique que cet enfant pourra occuper, mais aussi avec sa compatibilité dans l’équilibre de moins en moins durable des écosystèmes. La procréation surnuméraire et parasitaire de l'homme n'est pas la vie, c'est la mort du vivant par une prise de pouvoir d’une espèce tyrannique revendiquant l’entièreté planétaire. Dans le Mahâbhârata, livre sacré de l'Inde, il est dit quelque chose d’éloquent : « Quand on commence à préférer ses enfants à ceux des autres, c'est que la guerre est proche ». Bienheureux les stériles ! Ce qu’il faut dénoncer, maintenant, c’est le processus en amont, ou comment la séduction naturelle est devenue un piège politico-sociétal. Comment aussi notre conquête irresponsable de Gaia passe par une passivité génitrice que le système s’évertue à entretenir par un refus forcené de l’émancipation de la femme. Dans son orgueilleuse démence et pour envahir sa Planète, l’homme doit nier la femme, disposer de son corps et de sa vie. Faute de vivre dans une société qui les respecte, partout victime de ce complot démographique, mères, filles, épouses, compagnes en sont parfaitement mais silencieusement conscientes. Il n’est que de s’en référer aux sociétés dogmatiques du voile sous toutes ses formes, anciennes ou actuelles, de notre arrière grand-mère portant fichu à la messe à l’épouse bâchée de la burqa des actuels islamistes. Il en va de même de l’épouse juive rasée et porteuse d’une perruque. Il n’est que constater l’insatiable désire de perpétuation des héritiers des grandes familles. Et toujours, c’est la progéniture masculine qui sera louée ! Parce qu’elle sera apte à reproduire le schéma, à poursuivre l’infernale cycle de la dictature masculine planétaire.
En citant les plus grands, on se sent soudainement moins seul :
« La vie est infernale, inadmissible. Je n’ai pu, à aucun moment, me sentir à l’aise dans ce monde de malheurs et de mort. » Eugène Ionesco
« Dans nos sociétés surpeuplées, et où, pour la majorité des êtres humains, la misère et l’ignorance règnent, je crois préférable d’arrêter une vie à ses débuts que de la laisser se développer dans des conditions indignes. » Marguerite Yourcenar
« Le raz de marée d’une surpopulation famélique menace notre planète d’éclatement. Des enfants, pour quoi ? » Gisèle Halimi
« Qu’y a-t-il de plus obscène qu’une femme portant dans son ventre un futur cadavre ? » Roland Jaccard
« Grossesse : Quelle femme, si les femmes étaient « sensées », accepteraient pour une minute d'épilepsie une maladie d'une année ? » Roland Jaccard
On peut être femme sans être mère, et surtout on peut être homme sans être père, parce que l’envie de procréer, autoritairement instaurée comme un droit divinement masculin, émane de la gent mâle. Et c’est d’autant plus cynique que trop nombreux sont les impérieux procréateurs qui n’assument pas, qui ne font que concrétiser leur laconique désir d’amour par une éjaculation soi-disant honnête et sincère, mais prennent ensuite la poudre d’escampette.
L’homme amoureux peut être un oiseau de malheur. Le séducteur prend la femelle au piège des sentiments et du désir charnel. C’est peut-être tout ce qui nous reste de naturel. Éjaculer et jouir n’est pas davantage réfléchi que respirer, manger, déféquer ou dormir. Ce n’est rien de plus que du biologique, sauf que l’acte est recyclé dans les normes sociales et sacralisé par la conservation de l’espèce. L’amour chez les humains n’est finalement rien d’autre que la période de l’accouplement que l’on observe chez les papillons, les oiseaux, les mammifères ou les gastéropodes. À ceci près qu’elle dure toute l’année, et quasiment toute une vie ! Il faut ici apprendre deux mots : parade et pariade. Chez certains animaux, la parade nuptiale est le comportement ritualisé formant prélude à l’accouplement. La pariade est la période de cette ritualité, la fameuse saison des amours durant laquelle le mâle se fait galant, beau parleur, charmeur, séducteur, bourreau des cœurs et autres synonymes de pacotille. Pareille parade sexuelle et soumission de la femelle courtisée, tout autant effarouchée que surexcitée par la danse nuptiale du mâle, le plus souvent paré pour l’occasion d’une livrée exubérante, est imposée par la nécessité de survie de l’espèce impliquant une fertilisation maximale. En temps de pariade, la décapotable rouge avec lequel le « p’tit con » parade devant une belle un peu trop crédule, le bouquet de fleurs du coq humain, etc., ont un même signifiant que la crête colorée du triton mâle, la roue du paon, le déploiement étonnant des plumes du coq tétras ou de l’oiseau-lyre… La femelle de l’oiseau-lyre construit un nid très simple où elle y dépose son œuf. Mais elle est la seule à couver pendant plus de cinquante jours et elle est aussi la seule qui aide le poussin nouveau-né. Un jour mon prince viendra…, et il m’abandonnera avec un polichinelle dans le tiroir.
Le problème est que nous ne sommes pas des tritons ou des tétras, que nous sommes dotés de cette stupide myopie écologique qui fait que nous faisons notre malheur en ravageant tout, que nous serions même intrinsèquement et implicitement munis d’une dotation anature, que le machisme humain est surenchéri par un cortège d’artifices pernicieux que sont le dogme religieux, ses croyances et ses conventions, l’humanisme qui nous porte au pinacle, la médecine qui nous fait vivre bien trop longtemps, le commerce des armes et le capitalisme consumérisme qui a besoin d’effectif, etc. Et que finalement nous expulsons le triton et le tétras au lieu de « vivre avec », que nous détruisons un milieu qui est aussi et inconditionnellement le nôtre. Il ne faut donc pas être très rusé pour percevoir que ce petit moment d’immense naïveté qu’est l’amour aux roucoulades de sapiens mâle est lourd de conséquences. Et que pour limiter justement ces conséquences du lapinisme masculin, on ne peut compter que sur la partenaire qui ne doit pas accepter ce rôle hasardeux de poule pondeuse. Le féminisme, et particulièrement l’écoféminisme, sont nés de cette salutaire réaction de froide et salvatrice lucidité. Une preuve qui fait office d’aveu est qu’il n’existe pas d’attitude symétrique et que la masculinité n’est pas un mouvement de résistance et ne vise qu’à défendre la forteresse, tout simplement parce que nos civilisations sont orchestrées, organisées, pétries par les hommes, a fortiori les lois et y compris celles religieuses. Ce sont ces humains de sexe viril qui s’adonnent au sexisme comme ils s’adonnent au spécisme, qui minimisent les femmes, réduites à être objets de convoitise, de fantasmes, des idées figées héritées de cultures étriquées et caduques, et dont ils sont dépositaires, aux sujets de la famille, de la société, de l’ordre du monde. On sait où tout ce concept nous mène, c’est le sujet même de ce livre d’analyse critique. Chaque fois que la femme veut s'échapper de ce funeste schéma, elle est récupérée et rattrapée par le complot d'une société machiste. En Afrique et dans les pays musulmans, c’est évidemment pareil et bien davantage. Les hommes y sont encore moins fidèles qu’ailleurs et la multiparité est de leur initiative. La femme s’y soumet par la force des choses, par un ignoble rapport de force. On connait la dose de malheur qui règne dans la plupart de ces pays où le « mari » de passage est l’artisan d’une excroissance démographique. Partout, la femme est victime de cette testostérone agressive et amoureuse, et reste trop souvent seule à pousser la poussette, l’étalon ensemenceur allant fertiliser ailleurs, au gré de ses amours fantasques de petit chef de quelque chose.
Voici des années que j’ai fait de la dénatalité mon modeste étendard. Si plus de 80 % des messages de sympathie que je reçois provient de lectrices, voire d’admiratrices comme on dit, c’est bien que les femmes se reconnaissent dans ce discours qui leur évoque à l’oreille qu’elles ne sont pas seules dans leur ressentiment. La femme est moins pondeuse que l'homme n'est lapin. La sensibilité féminine permet d’être du côté des plus faibles, de tendre à une reconnaissance humaine et toute écologique du désastre. Borné par ses ambitions, dopé par les millions de spermatozoïdes dont il se retrouve porteur au quotidien, le genre porteur de testicules est dans l’incapacité de faire preuve de cette humilité. La femme est l’avenir de l’homme, disait le poète homosexuel… Elle pourrait l’être par son esprit de mesure, par ses attentions naturelles qui tendent à soigner et non à détruire, mais encore faudrait-il qu’elle puisse sortir de sa cage culturelle. L’homme fait la guerre, la femme reste au foyer, n’est-ce pas ?
Vivre en phallocratie
Une amie m’écrivait : « Lorsque j'étais très petite fille, les clientes de ma grand-mère qui était couturière, me demandaient un peu stupidement : - Et plus tard que veux-tu faire ? Après mes réponses de vouloir faire du piano, de souhaiter chanter et danser, venait presque toujours le fameux : - Et tu veux te marier quand même ? Invariablement, je répondais, peut-être, oui mais ce serait avec quelqu'un qui ne serait pas comme les autres, et puis il serait souvent en voyage, et d'énumérer les métiers de ce très lointain futur différent... Enfant et même adulte nous ignorons que pour qu'un rêve se réalise dans toute sa plénitude, il doit être perfectionné et chouchouté, sinon plutôt que du bonheur il ne nous amène que des bribes et beaucoup de douleurs... »
Attention, danger !
Attention à l’effet dichotomique et sexiste du premier âge, aux jouets décidément virils du petit garçon à la chambre bleue, fatalement domestiques et maternels pour la petite fille à l’alcôve rose.
Attention à l’incitation sentimentale des presque vieux parents, désireux de voir se poursuivre le modèle, et qui voudraient entendre babiller et jouer des petits-enfants tant désirés dans le jardin ornemental.
Attention au machisme, à commencer par celui du patriarcat intolérant, relayé par son épouse soumise au modèle. Dans le machisme, ce n’est pas le degré qui compte, mais son existence même. Plus ou moins machiste, c’est comme plus ou moins esclavagiste ou tortionnaire.
Attention à la maman mauritanienne qui gave de force sa fillette parce que les hommes du pays préfèrent les grosses… C’est une métaphore, mais toutes les mamans sont mauritaniennes par le fait qu’elles souhaitent marier leur fille, au plus vite et au meilleur parti. Il est exceptionnel de rencontrer une mère admirative de sa progéniture saphique, célibataire ou révolutionnaire. Le point de vue est un peu moins conventionnel, plus réfléchi à l’égard du fils. C’est une main sexiste invisible qui s’abat sur la condition féminine, jusqu'au stade de la mutilation. Excisées de mère en fille… Excision et infibulation touchent encore 140 millions de femmes dans le monde. Toutes excisées, parce qu’en Occident, l’excision est mentale.
Dans la trop longue liste des violences faites aux femmes, souvenons-nous du supplice des petits pieds infligées aux fillettes chinoises. Le pied est en Chine la partie du corps la plus érotique et pendant plus de mille ans, les mères chinoises ont enveloppé, jour et nuit dès le plus jeune âge, les pieds de leurs filles de bandages excessivement serrés afin de les rendre aussi petits que possible (quelque 15 cm). Initialement pratique du harem impérial, la mode du petit pied avait gagné toutes les classes sociales. De cette douloureuse atrophie dépendait le prestige de la famille, seule la jeune fille ayant des petits pieds pouvait espérer un mari qui fasse honorable. Il est consternant de retrouver de tels mauvais traitements chez les peuples premiers. Par exemple, il n’est pas évident pour une jeune fille de certaines ethnies dites « primitives » des savanes de la vallée du Rift (berceau de l’humanité dans le Sud-est éthiopien), comme celles pastorales des Mursi ou des Suri, de se soustraire à cette tradition qui veux que toute femme soit porteuse de l’ornement labial inférieur (les fameuses femmes à plateau). Après extraction des incisives inférieures, la lèvre est perforée et une cheville de bois mise en place. L’orifice est agrandi d’année en année par l’introduction de cylindres de plus en plus grands, jusqu’à la mise en place d’un grand disque d’argile décoré de gravures. Le but de cette mutilation labiale était de rendre inesthétiques les femmes pour les protéger des razzias esclavagistes. Pourquoi se poursuit-elle ? Elle est accompagnée du percement de l’hymen et l’opération intervient avant l’âge de dix ans. Même soumission à l’abjecte barbarie masculine pour la femme Padang de Birmanie et du Nord de la Thaïlande, ces femmes-girafe porteuses d’un collier-spirale de métal, qui reçoivent leur premier anneau de torture dès l’âge de cinq ans, lequel sera régulièrement remplacé par un plus haut au fur et à mesure de leur croissance. En étirant le cou de plus de trente centimètres, le cruel harnachement provoque l’affaissement du haut du thorax. Il s’agit, encore et toujours, d’une parade de pudeur, voire de marquer la femme du sceau de son propriétaire, la rendre moins attrayante aux yeux des autres tribus afin qu’elle ne se marie pas à l’extérieur. Fut un temps, le gouvernement de Birmanie cherchait à décourager la perpétuation de cette tradition afin de donner une image plus occidentale du pays. Mais la pratique génère un tel commerce touristique que son maintien n’est plus remise en cause : le plus grand village Kayan de Naï Soi reçoit quelque 1 200 touristes stupides à l’année et perçoit ainsi une taxe unitaire d’entrée de 250 baht (5,5 euros) qui autorise de « voir les femmes-girafe ». S’il faut établir une échelle des valeurs dans l’outrage sexiste, comment évaluer et classer ces consternantes traditions par rapport au port du niqab ou de la burkha, probablement source d’érotisme par oppression, aux stades suprêmes du sadisme que sont l’excision au Mali, la lapidation en Afghanistan, l’immolation d’une femme tadjik… ?
Attention donc aux gardiennes du machisme. Il me souvient une maman arabo-berbère de l’Atlas marocain, dont les filles n’étaient pas scolarisées, reprenant le discours du mari-père alors qu’il était absent, et me signifiant que les filles qui vont à l’école deviennent des putains. Encore aujourd’hui, en des villages reculés, l’adolescente un peu éprise de liberté est traitée de petite pute par les dames d’un autre âge. Chez les Mursi ou les Padang cités plus avant, les femmes qui ne sont ni à plateau, ni girafe, n’ont « aucune valeur ».
Attention à une société qui fait tout autant une fieffée promo de sa conso débridée par la femme-objet, lubrique et fellatrice, exhibée sur les affiches du grand marché aux esclaves libres, que par celle de la maman résignée, garante et médaillée d’une patrie cautionnée par un record de taux des naissances. J’ai à ce sujet une anecdote déplaisante qui accrédite cette double vision machiste de la femme stigmatisée par la formule toute méditerranéenne : « Toutes des putes, sauf ma mère, ma sœur et ma femme. » Une jeune femme de ma connaissance, mariée à un publicitaire sans vergogne comme ils le sont tous, et désireux de pérenniser son noble nom, a dû divorcer parce qu’elle refusait d’avoir un enfant. Cerise sur le gâteau, le prétendu père en puissance est atteint d’une maladie dégénérative et transmissible, et sa femme aurait dû accepter l’éventualité de se consacrer à un enfant-légume. Attention donc au mari classique et réac, tellement fier de l’état du monde et auto-satisfait qu’il entend utiliser un ventre pour assurer sa succession dynastique, ainsi que l’ont fait ses aïeux dans la plus totale et criminelle inconscience.
Attention à la tradition de cet amour mièvre et à l’eau de rose, véhiculé depuis si longtemps par un romantisme sans ambition, une littérature de kiosques de gares et un cinoche de carton-pâte. La jeune fille à marier et à ensemencer est la victime du séduisant héros avec lequel tout sera idéal, finalement sapeur-pompier chez France-Télécom et faisant de sa compagne, au mieux une femme à triple journée et violée à l’intérieur du mariage, au pire une fille-mère et intérimaire, avec enfant à la crèche. Dans un tel cadre entretenu et cautionné par l’entourage, surtout familial, avec sa pression au quotidien, le choix de vie est illusoire et la femme occidentale n’est alors pas plus libre que dans le sombre format du mariage forcé du monde islamique le plus obtus.
Attention aussi au droit de cuissage hiérarchique dans le monde du travail, la persécution avec chantage sexuel ou non du patron, du directeur, voire même d’un collègue jaloux et envieux du poste. Condescendance, fausse courtoisie dénigrement, blagues lourdes, obstruction, exclusion, sont trop souvent le quotidien de la femme au travail. À ce registre de la discrimination dans l’entreprise, s’ajoute la disparité des salaires et des retraites (en moyenne 40 % de moins !), ainsi qu’une priorité flagrante, à compétences égales, en faveur candidatures masculines pour les postes supérieurs. Pourtant, c’est en 1972 qu’une loi prévoyait déjà l’égalité des salaires, puis en 1983 la loi Roudy celle de l’égalité professionnelle.
Les grands décideurs aux postes de la gouvernance suprême ne souhaitent pas s’embarrasser de femmes… Regardez la composition des chambres des députés, des congrès et conférences internationales : ces assemblées brillent encore et toujours par un machisme rampant et une trop modeste représentation féminine. Dans l’infini tableau des inégalités hommes-femmes, le pays France ne compte que 18 % de femmes députées à l’Assemblée nationale et 22 % de sénatrices au Sénat. Au sein des 27 gouvernements des États membres de la Communauté européenne, on ne dénombre que 114 femmes pour 454 ministres, soit 25 %. (Source : Fondation Robert Schuman, juillet 2009).
Aux États-Unis et en Angleterre, c’est avant la Première guerre mondiale que s’exprimaient déjà les suffragettes. En France en 1936, pour défendre la cause des femmes la célèbre journaliste Louise Weiss empêcha un cheval de prendre le départ à Longchamp devant le président de la République. Elle fut plus tard élue au Parlement européen. La France misogyne, traditionaliste et conservatrice, comme elle l’est toujours, a été l’une des dernières nations modernes à accorder le droit de vote et l'éligibilité aux femmes, juste avant l'Italie, la Grèce et d'autres petits pays.
Il convient de s’indigner du manque d’équité de l’appareil judiciaire quand il s’agit de juger un délit dont la victime est une femme, des prud’hommes pour un harcèlement sexuel frustré ayant donné lieu à un licenciement abusif jusqu’au pénal et aux assises pour les agressions sexuelles ou le viol. En Occident, les tournantes importées et les crimes d’honneur figurent au tableau des faits divers et bénéficient trop souvent de jugements relâchés lorsqu’il s’agit d’un tribunal sans parité.
Il ne fait aucun doute que la libération de la femme passe par l’éducation, mais faut-il encore rester sur ses gardes pour séparer le bon grain de l’ivraie dans les connaissances officielles transmises depuis la maternelle jusqu’à l’université.
Dans les pays les plus rétrogrades, notamment dans ceux musulmans où les femmes sont souvent isolées, voire enfermées, le droit au travail participatif est aussi un moyen d’émancipation. On peut ainsi s’en référer à l’émergence d’innombrables coopératives féminines, surtout dans le domaine agraire et artisanal, ainsi qu’à l’avènement du microcrédit qui repose en grande partie sur la confiance faite aux initiatives des femmes. Hélas, quand on y regarde de plus près, on constate que les ficelles sont le plus souvent tirées par des hommes, que les travailleuses sont exploitées et bernées, qu’une bourgeoisie fourbe, citadine et parfois néocolonialiste, n’est jamais loin derrière. La récupération du labeur et des connaissances traditionnelles des femmes du Sud se fait de concert avec les alibis du commerce équitable, de l’écotourisme, du développement durable et d’une déviance du concept bio.
Franchir tous ces handicaps pour une vie nullipare ou primipare n’est pas une mince affaire, même pour une femme moderne et décidée à ne pas s’en laisser compter. Il y va d’une vraie conspiration en faveur de la procréation à grande échelle et le complot dénataliste est déjoué d’avance.
« Le raciste et le nationaliste xénophobe, le moralisateur des ligues de vertu ou le macho prennent pour des idées ce qui n'est que fantasme : l'immigré-délinquant-par-nature, le pêcheur-débauché, la putain ou la femme-inférieure-soumise sont, à leur insu, comme le diront plus tard Nietzsche et Freud, des traductions et des travestissements des désirs, des fantasmes, des manifestations de l'inconscient, des travestissements ou symptômes des instincts du faible et des mécanismes de défense du névrosé. » Eric Blondel
Le sexisme religieux en filigrane…
« J'implore à genoux le Seigneur / De me rendre la paix du cœur / Mais zut c'était la pénurie / Pour les personnes sans zizi / Mon stock n'est pas pour les commères / Tu peux retourner voir ta mère / Me dit tout à trac l'Eternel / Qui n’a que faire des femelles. » Brigitte Fontaine
« Les femmes n'ont qu'à se souvenir de leur origine, et sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu'elles viennent d'un os surnuméraire où il n'y avait de beauté que celle que Dieu y voulut mettre. » Bossuet
« Sois béni, Seigneur notre Dieu, Roi de l'Univers, qui ne m'as pas fait femme. » est une des prières que tout bon Juif doit prononcer chaque matin.
« Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme vous le voulez et œuvrez pour vous-mêmes à l’avance. » Le Coran, sourate 2, verset 223
« Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises. Vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre la désobéissance ; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand. » Ibid., sourate 4, verset 38
« Si donc la femme n'est pas voilée, qu'elle se tonde aussi ! Mais si c'est honteux pour une femme d'être tondue ou rasée, qu'elle se voile ! Car l'homme n'est pas obligé de se voiler la tête : il est l'image et la gloire de Dieu ; la femme est la gloire de l'homme. » Le Nouveau Testament, Saint-Paul, Lettre aux Corinthiens, 11.6
« Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur ; Car le mari est le chef de la femme comme Christ est le chef de l’Eglise, qui est mon corps, et dont il est le Sauveur, Or, de même que l’Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leurs maris en toutes choses. » Nouveau Testament, Éphésiens 5, 22-24
« Néanmoins, elle sera sauvée par la maternité. » Nouveau Testament Ibid., 1 Timothée 2, 15
Et Raoul Vaneigem de nous rappeler dans son ouvrage De l’inhumanité de la religion : « Enfin à ceux qui verraient dans le bouddhisme une religion moins brutale et plus ouverte au sentiment d'émancipation, il n'est pas inutile de rappeler quelques préceptes de la Précieuse Guirlande des avis au roi, que le Dalaï-lama ne dédaigne pas de citer et d'approuver dans son ouvrage, Comme la lumière avec la flamme : L'attirance pour une femme vient surtout / De la pensée que son corps est pur / Mais il n'y a rien de pur / Dans le corps d'une femme / De même qu'un vase décoré rempli d'ordures / Peut plaire aux idiots / De même l'ignorant, l'insensé / Et le mondain désirent les femmes / La cité abjecte du corps / Avec ses trous excrétant les éléments, / Est appelée par les stupides / Un objet de plaisir. »
Dictature masculine : quelle misogynie pour quel monde ?!
« Il y une chose pire encore que l'infamie des chaînes, c'est de ne plus en sentir le poids. » Georges Bauer
On oublie trop souvent que le sens premier du mot con désigne le sexe de la femme. Dans la langue française, ce vocable a été institué en insulte suprême, quotidienne, dépréciative et de haute vulgarité. Merci pour Elle !
En France, il fallu attendre la révolution pour que la femme bénéficie du même droit d’héritage que le sexe masculin, 1863 pour qu’elle accède aux études secondaires, 1874 pour qu’elle soit dispensée du travail dans les mines, 1908 pour le droit de divorce, 1938 pour la capacité juridique, 1944 pour le droit de vote, 1965 pour ouvrir un compte un banque, 1967 pour la contraception, 1971 pour l’égalité des salaires, 1974 pour l’IVG (sous certaines conditions…), 1992 pour la protection des violences conjugales.
Dans le Monde, une femme sur trois est victime de violence physique. En France, plus de 2 millions de femmes sont frappées par leur conjoint. Pour une femme sur dix, son propre foyer est un lieu plus angoissant et dangereux qu’un train de banlieue ou un parking désert. Six Françaises décèdent - chaque mois - sous les coups, et 60 par an rien qu’à Paris. En Cisjordanie, 52 % des femmes font l’objet de sévices conjugaux, 30 % au Royaume-Uni, 29 % au Canada, 22 % aux États-Unis, 21 % au Nicaragua… Sur 9 000 femmes battues en Algérie (2004), les trois quarts l’ont été dans leur propre famille, non seulement par leur époux mais très souvent par leurs frères ou leurs pères.
Machisme du père, des grands frères, du fiancé, du mari, du juge, du flic, du patron, du petit chef, du conducteur au volant, le machisme est une manifestation extrême de la virilité, pour laquelle on peut toujours plaider les effets coupables de la testostérone. « Il y a tant d'obstacles sur le chemin des dames », titrait un quotidien du Burkina Faso. Confortée par le poids des traditions et des religions, s’appuyant sur la prétendue infériorité biologique de la faible femelle, cette constante sociétale revendiquée par le monde viril est une des grandes plaies de l’humanité. Un machiste ne peut que professer des idées conservatrices, obtuses, partiales, dans l’objectif de ménager ses privilèges. Le machisme estime que le rôle de la femme respectable est de demeurer à la maison pour ne jouer que son double rôle annihilant de sage épouse et de bonne mère. Paradoxalement, l’homme s’octroie une sexualité parallèle, interdite à la femme, sauf et curieusement quand elle est sa maîtresse qui par ailleurs peut être mariée… à un autre machiste. Il n’y a donc pas de solidarité parmi les machistes, mais une féroce et mâle compétition. Ce rôle de mère et d’épouse est tellement conforté par la plupart des religions inégalitaires, notamment par le dogme patriarcal catholique, que la permanence du schéma peut se reproduire par les soins de la femme qui transmet elle-même le machisme au garçon et une notion d’infériorité admise à la fille (cas de la Mama italienne). Dès l’enfance, le choix des jouets, puis des lectures, est essentiel dans ce type d’éducation. Phallocratie, racisme, spécisme, ces déviances plutôt liées à la culture monothéiste de la terreur sont moins lisibles dans l’identité des peuples indigènes. Non instrumentalisée, elle n’est alors qu’une loi biologique de la domination masculine. C’est sous le joug colonial qu’elle triomphe et qu’elle revêt une signification sociétale et politique difficile à éradiquer. N’est-il pas ambigu que nos sociétés prétendent tout mettre en œuvre pour lutter contre ces discriminations que sont le sexisme et l’homophobie, tout en tolérant des pouvoirs religieux parallèles qui enseignent la soumission de la femme et l’homosexualité comme maladie ? Au nom de nos lois féministes et antihomophobes, la justice ne devrait-elle pas poursuivre les livres saints en vue d’expurger leurs textes rétrogrades et pernicieux qui incitent à ces discriminations ? « Droits » de la fillette subsaharienne gavée telle une oie pour avoir « toutes ses chances » sur un marché du mariage qui la veut dodue ; « droits » de la même fillette excisée pour ne pas rencontrer le plaisir, infibulée en gage de virginité, cédée comme esclave quand en prime elle est Noire ; « droits » de l’adolescente mariée de force au vieil homme polygame le plus offrant ; « droits » de la musulmane voilée, bâchée, emmurée au foyer ; « droits » de la femme maghrébine ou africaine, bête de somme pliée en deux sous des charges de bois ou de marchandises ; « droits » de l’Afghane lapidée ; « droits » de l’Iranienne pendue pour sauver l’honneur de la famille bafouée ; « droits » de la femme exécutée pour refus de soumission au Yémen ; « droits » de la femme brûlée vive en Irak, en Inde, à Kaboul, à Marseille ou dans la banlieue parisienne ; « droits » de l’Indienne non désirée et reléguée dès sa naissance ; « droits » de la latine ou de la musulmane soumise au machisme du père, du grand frère, puis du mari ; « droits » de la femme veuve ou divorcée qui ne vaut plus rien ; « droits » de l’épouse contrainte au viol conjugal, de la travailleuse proie facile au chantage sexuel ; « droits » de la femme partout battue, violée, humiliée, raillée, désobligée. Au nom de dieu et de la testostérone, le sort fait à la femme relève d’un purgatoire. Les extrêmes se rejoignent et, sans s’appesantir sur la dimension fétichiste sous-tendue, on peut dire que la vision de la femme en islam n’a rien à envier à celle de la pornographie danoise. Sauf que dans ce dernier cas, l’actrice est habituellement consentante pour participer à l’image que l’on veut montrer, au nom des fantasmes érotiques d’un produit exutoire et éminemment capitaliste de la sexualité masculine. L’Allemagne de l’Est n’avait, à ce sujet, aucune leçon à recevoir de l’Ouest.
Alors, pourquoi donc encore tant de courtisanes et si peu de misandrie en échange ? Parce que le sexisme ordinaire est victime d’une tolérance sociale, y compris des femmes. Lorsqu’elle ne passe pas à la trappe et qu’une femme se laisse confier un poste en vue, y compris dans les médias, il est toujours décidé par un homme et, d’une manière ou d’une autre, la candidate est reléguée au second plan. La décision finale restera masculine. Le jour de sa liberté rendue, l’homme dira à la femme ce qu’elle doit faire… En Occident et au quotidien le sexisme ne relève plus d’une criante discrimination, ni d’une inégalité trop flagrante pour lesquelles il existe des lois. Il est insidieux et s’exprime par des signes subtils, une humiliante condescendance, un paternalisme gluant, de minuscules blessures qui maintiennent la plaie, une attitude générale rampante qui infantilise les femmes sans qu’elles sachent comment y faire face.
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