Comment déguiser votre enfant pour la fête de l’école ?
Etre parent d’élève, ce n’est pas de tout repos. Jadis, quand on privilégiait l’apprentissage de l’écriture et du calcul, les sorties scolaires étaient rares, les animations encore moins nombreuses, au plus une par trimestre, mais le plus souvent une unique fête scolaire à la remise des prix. Désormais, le corps enseignant s’ingénie à développer en permanence des activités ludiques au grand désavantage de l’orthographe et de la géographie. Autres temps, autres mœurs pédagogiques. En tant que parents, vous voilà confrontés à de nouveaux casse-têtes et parmi ceux-ci, les fêtes costumées et autres carnavals. D’abord¸ il va falloir trouver un accoutrement adéquat et pas trop moche, les femmes sachant de moins en moins coudre de nos jours, cela ne va pas être évident de fabriquer quelque chose de présentable avec de la satinette, de la dentelle et du papier crépon. Et puis, en cette période de récession économique, ces petits déguisements d’un jour vont encore plus amputer votre budget déjà mince. Mais, si la Commission pédagogique, n’a pas choisi un thème imposé par consensus après plusieurs réunions byzantines de parents et que le choix est libre, vous allez faire face à toute une série d’interdits et de contraintes et vous exposer à des récriminations ou des représailles, sans parler de poursuites judiciaires si vous avez fait le mauvais choix.
Il est évident que vous allez bannir d’emblée les uniformes d’officier SS et les pyjamas à rayures avec un numéro inscrit au feutre bleu sur l’avant-bras de votre gamin. Dans la foulée, éliminez aussi toute connotation religieuse, pas de Jésus, de Moise ou d’Abraham et encore moins de Mahomet caricatural ou non. Mais pour tout le reste, posez-vous les questions qu’il faut pour ne pas froisser quiconque ou mettre votre gosse dans une situation insupportable pouvant déboucher sur des sévices et des mesures de rétorsion. Prenez votre temps avant de fixer un choix. La mode étant à l’actualité et aux chanteurs, vous pouvez faire de vos enfants des petits Johnny Halliday, des Shakira ou Justin Bieber, ou encore des présentateurs de télé. Mais c’est tomber dans la facilité vulgaire (ou la vulgarité facile ?). Mieux vaut coller au domaine social, ça ne demandera pas d’efforts surhumains au niveau des costumes, tout étant dans la banderole et l’accessoire. Vous avez le choix entre chômeur de longue durée, fonctionnaire gréviste, producteur de légumes. Dans ce dernier cas fournissez vos gamins en haricots verts ou petits pois pour lancer dans la cour de l’établissement scolaire comme s’ils étaient devant une préfecture bretonne, évitez le chou-fleur, car il n’est pas certain que l’assurance scolaire fonctionne en cas de blessure lors de la projection de ce légume un peu lourd. Syndicaliste en colère peut être une très mauvaise option si les bambins détruisent la salle de classe en simulant le saccage du bureau du patron par un jet d’ordinateurs et de paperasse administrative par les fenêtres de l’établissement. Licencié économique serait l’idéal. Mais comment travestir l’enfant pour le rendre crédible et immédiatement reconnaissable ?
Pour rester dans le milieu professionnel, l’éducation nationale misant sur une relance des métiers manuels, vous n’aurez pas de problèmes majeurs à déguiser vos enfants en, plombier, maçon, peintre en bâtiment, infirmière ou garagiste. Par contre n’envisagez surtout pas, policier ou gendarmette, surtout si vos petits sont scolarisés dans un quartier sensible et que les grands frères de leurs camarades de classe ont déjà fait un détour par la case prison. Sinon, vos enfants risquent de passer par l’infirmerie avant la fin de la fête. Juge d’application des peines, peut entrer dans le cadre d’une sensibilisation à la loi et à la justice pénale. Tout cela entre très bien dans le nouveau cadre de morale laïque à l’école, sauf si le petit déguisé avec la toge du magistrat a du mal à articuler et butte sur les mots. Si jamais le gamin répond à la question : en quoi es-tu déguisé ? Il répond : Juge d’application des pines, vous allez vous retrouver mis en examen pour violences sexuelle sur enfant !
Pour ne pas froisser les minorités visibles et religieuses, ne tentez surtout pas un costume de Gaulois (Astérix, si l’enfant est fluet, Obélix, s’il est plus enveloppé) et encore moins de croisé ou de templier. Certains parents et tous les enseignants vont hurler à la stigmatisation ou à la provocation lepéniste. Pour ne pas alimenter le sexisme, bannissez tout ce qui pourrait marquer une trop grande différence entre filles et garçons. Ainsi pas de Princesse ou de fée, ni de Prince, même s’il est de LU. Aucun ustensile qui évoque les jouets guerriers, donc pas de chevalier, pas de mousquetaire, de cow-boy ou d’indien. Si vous choisissez délibérément toréador ou chasseur, c’est que vous cherchez l’affrontement. Bombe humaine, il n’en est pas question, même si la cartouche de butane scotchée autour de la taille de l’enfant est vide. Pas question non plus de maquiller et farder votre fille comme une pute du Bois de Boulogne ou de la rue Saint Denis ; en langage scolaire, on appelle cela une mini-Miss. Le désir de parité, voulant promouvoir les filles dans les activités jusqu’à présent dominées par les garçons, vous pourrez tenter Calamity Jane ou Jeanne Hachette, mais surtout pas Jeanne d’Arc, ni de femme pirate à cause du bandeau sur l’œil ; bande d’inconscients, vous voulez vous faire traiter de frontiste ? Essayer scaphandrière, c’est sans risque, en dehors de la suffocation si vous n’avez pas prévu de ventilation. Seront aussi déconseillés pour les filles, les accoutrements de Shéhérazade ou de danseuse du ventre si de nombreuses mères viennent voilées chercher les gamins. Les islamistes rigoristes n’appréciant guère ces dérives orientales qui n’ont rien à voir avec l’islam pur et dur. S’il y avait encore un apprentissage sérieux de l’histoire et de la poésie, vous auriez pu tenter Apollinaire en poilu de 14, avec une bande Velpeau tachée de mercurochrome autour du crâne et une capote bleu-horizon, mais désormais personne ne comprendrait l’allusion. Enfin, pour ne pas couvrir de ridicule votre progéniture, ne tentez surtout pas des tenues de hot-dog ou de maxi-burger, de bouffon du Roi, même s’ils vont tous chez McDonald et que le terme est connu dans les cours de récréation.
De prime abord, cela paraissait anodin cette activité scolaire, mais de nos jours plus rien ne l’est. Déguiser un gosse pour une fête qui n’est même plus de patronage demande réflexion et concertation. Attention, vous n’aurez pas droit à l’erreur et le moindre dérapage se fera au préjudice de l’enfant. Sans compter sur la hargne du corps enseignant toujours prêt à s’indigner, faire un rapport à l’académie et exercer presto son droit de retrait au moindre couteau en caoutchouc. Méfiez-vous comme de la peste des autres parents qui peuvent se montrer vindicatifs s’ils se sentent atteints dans leur honneur ou leur particularisme ethnique, physique ou social. Un bon conseil, si vous avez un avocat, passez lui un coup de fil avant de choisir un déguisement. On n’est jamais assez prudent !
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