Comment la communication a tué la relation...
Il est devenu un lieu commun de dire que les "outils" de communication n’ont jamais été si nombreux, et que pourtant la "communication" ne s’est pas améliorée ! Alors...

Faisons d’abord une distinction qui éclairera le propos entre COMMUNICATION et RELATION. Convenons que la communication désigne la transmission de messages, d’informations, de consignes ; tandis que la relation concerne les liens que des individus tissent entre eux, à l’occasion d’une transmission, ou indépendamment de toute transmission.
Une communication sera de qualité si elle permet au message d’être entendu, compris, intégré, approprié, exécuté, mémorisé, y compris débattu. Dans cet objectif, les entreprises depuis plus d’une vingtaine d’années ont encouragé, organisé, des "stages de communication" ou de "prise de parole". Ainsi à différents niveaux d’encadrement, les responsables ont appris à structurer un message, le mettre en forme et l’illustrer (animations, camemberts, projections à partir de Power Point...) en ayant le souci du "feed-back"... Beaucoup se sont exercés à "regarder" un auditoire (technique du regard qui balaie l’assistance... mais sans regarder vraiment hélas !) à intégrer une "blague" dans un discours, à sourire au "bon" moment, à travailler la voix, la posture, la gestuelle... pour devenir un bon orateur.
Acharnés à transmettre, ces étudiants communicants s’appliquent à travailler la FORME de leur communication, pour convaincre les interlocuteurs ou l’auditoire. Tendus vers cet objectif qui génère un certain trac, ils sont fragilisés dès qu’interviennent un imprévu "technique" qui les déstabilise, ou des objections/questions de l’auditoire qu’ils ressentent souvent comme une agression personnelle : ils sont donc peu enclins à accueillir les remarques et à échanger calmement sur le fond du propos. La communication sur le sujet est ainsi fortement compromise.
Attachés à soigner leur IMAGE d’orateur, qu’ils se mettent en fait en enjeu personnel, ils sont tournés vers eux-mêmes tout au long de leur prestation, oubliant de se soucier des individus en face, de prendre en compte leur compréhension, opinion, réaction, ressenti... et donc la relation est également compromise.
Ainsi, nombre de réunions de travail virent "au vinaigre" ou à l’ennui. Improductives, elles sont en outre très dépensières non seulement par la logistique qui les accompagne, mais par l’inflation des moyens et outils de communication qu’utilisent les communicants pour valoriser leur intervention : une forme de concurrence entre cadres communicants s’installe dans les entreprises, chacun tentant de faire au moins aussi "bien" voire mieux évidemment, que ceux qui l’ont précédé.
Une relation sera de qualité si les individus en présence se sentent respectés, écoutés avec intérêt, appréciés, pris en compte ; et que du moment partagé, quel qu’en soit l’objet (réunion de travail, entretien, fête, discussion...) chacun ressorte satisfait humainement. A l’inverse, on peut observer que beaucoup croient (inconsciemment) se valoriser en dévalorisant l’autre, par l’ironie, le mépris ou le jugement. Mais si l’on considère avec un peu d’indulgence ce besoin si fréquent de se faire valoir au détriment de l’autre, on comprendra qu’il trouve sa source dans le manque de confiance en soi !
Or il n’y a pas besoin d’être "bon" pour être en relation, mais d’être soi-même, authentique, imparfait, dans le respect et dans l’échange : ce que l’application consciencieuse et stressée de techniques de communication ôte à tout orateur.
S’il est louable d’apprendre à mieux communiquer, il est indispensable de retrouver la capacité à entrer en relation à l’autre sans peur et sans égocentrisme.
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