Comment moderniser le dialogue social ?
Le niveau zéro de la résolution de conflit c’est l’âge de Cro-magnon, la vengeance animale : tu me gifles, je te tue ! Un peu plus évolué : le duel judiciaire ! mais la logique reste celle de l’écrasement de l’autre, il s’agit d’imposer sa solution parfois dans une relation "Win- Lost", c’est-à-dire en espérant non pas seulement gain de cause mais aussi la défaite de l’autre. Enfin la maturité dans une relation, cela consiste à comprendre et à accepter la légitimité et les droits de l’autre, ce qui implique de prêter une grande écoute à l’autre, d’accepter la négociation et le compromis.
Alors, à quelques jours des futures discussions entre les syndicats et le prochain gouvernement sur les retraites, le service minimum, les heures supplémentaires (...), les mises en garde et les appels à la vigilance de la part des principaux syndicats laissent présager d’un été particulièrement caniculaire.
Partant de là, la montagne risque d’être très longue à gravir et pour atteindre le sommet si le chemin le plus court va sans nul doute d’un sommet à l’autre, il faut aussi avoir de très très bonnes jambes. La ligne droite n’est donc pas forcément la voie la plus rapide pour la recherche d’un compromis et le succès partagé.
Alors pour imaginer des solutions nouvelles qui garantissent des bénéfices mutuels, il faut d’abord accepter la situation telle qu’elle est : "L’accord sur le désaccord" comme le formulent les médiateurs. L’accord sur le désaccord c’est comprendre que la construction d’un nouvel équilibre économique est un impératif nécessaire à satisfaire pour faire face à la révolution démographique, mais c’est comprendre réciproquement pourquoi la préservation des régimes spéciaux de retraite cache peut-être des revendications cachées liées au pouvoir d’achat ou encore à une certaine prise en compte de la pénibilité du travail.
Entre les deux parties, les distancions se sont ancrées, parfois aggravées dans le temps, au fil des confrontations précédentes et des négociations non abouties. Que n’a-t-on pas entendu parler pendant la campagne tant à gauche qu’à droite de l’appel à un syndicalisme rénové tout simplement moderne ?
Pour sortir de là, il faut trouver des solutions imaginatives allant au-delà du duel entre ego, poser la négociation de façon rationnelle en reconnaissant l’autre et sa légitimité. Ces chemins de la négociation sont bien décrits dans l’ouvrage de W. Ury, R. Fisher, B. Patton : "Comment réussir une négociation ?", lecture particulièrement didactique sur les codes et méthodes pour préparer et dérouler une négociation en fonction des positions initiales de chacun, parfois endiguées par des affects personnels, par la volonté des parties elles-mêmes de ne pas vouloir résoudre le conflit. Les auteurs promeuvent une "négociation raisonnée" plutôt qu’une "négociation de position" où chacun se cranponne sur la défensive de la revendication de ses intérêts et n’a de volonté que de distordre la partie adverse. Les auteurs nous proposent plusieurs clés pour dénouer les conflits :
- que faire si l’autre partie a des critères d’équités différents ?
- doit-on se montrer équitable si l’on n’est pas obligé ?
- que faire si les personnes constituent elles-mêmes les problèmes ?
- peut-on / doit-on tout négocier ? Y a-t-il des circonstances où il est préférable de ne pas négocier ?
- comment adapter son approche en fonction de la personnalité, de l’environnement culturel de l’autre partie ?
- comment tester ses suggestions sans prendre de risques ?
En lisant ce matin l’interview paru dans les Echos, du leader de FO, Jean-Claude Mailly, on voit pointer l’affrontement direct, c’est démocratie sociale contre démoncratie politique, nous dit-on, et de prétendre catégoriquement "le service minimum : il n’est pas question de négocier". Le leader FO lançant un avertissement de principe contre la légitimité politique.
En partant sur les positions d’un dialogue d’affrontement, il semble que nous n’ayons donc pas fini de débattre de la question : "Comment moderniser le dialogue social en France ?" Pourquoi ne peut-on pas imaginer de prendre ces chemins de contournement ? Il s’agit d’un travail de raison condition sine qua non pour aboutir à un diagnostic partagé et à des compromis de réforme. D’autres y sont arrivés, regardons comment l’Allemagne ,la Finlande ou encore le Danemark ont réussi à construire une relation adulte entre syndicat et patronat. Comment pouvons-nous, nous aussi, y parvenir ?
Cela passe sans doute par des syndicats plus représentatifs, peut-être par une prise de pouvoir directe des salariés comme cela est le cas aujourd’hui pour Airbus, cf. l’article paru dans Libération aujourd’hui : "Chez Airbus, les salariés volent la grève aux syndicats" : c’est le syndicalisme 2.0. moderne et sans tabou pronant une indépendance et une liberté d’expression totale.
Nous avons le sentiment que le vieux monde est derrière nous, il reste tout à imaginer pour apporter les changements nécessaires et construire une vision moderne et équilibrée entre une plus grande et nécesaire libéralisation du travail et des besoins de garanties sur les protections sociales.
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