Corse, indépendance et Riacquistu
On me demande souvent mon opinion sur les mouvements indépendantistes.
Il faut reconnaître qu'à l'origine, l'idéologie du mouvement était noble.
Un récapitulatif succinct et non-exhaustif des évènements s'impose :
En 1914, une revue politique et culturelle voit le jour : A Cispra qui affirme que "La Corse n'est pas un département français. C'est une nation qui a été conquise et qui renaîtra". En 1920, création de la revue "A Muvra". En 1923, celle du Partitu Corsu d'Azione qui demande la reconnaissance du peuple et de la langue corse et la réouverture de l'université de Corte.
Depuis la fin du XIXème siècle, la Corse continue de se dépeupler en cumulant une situation démographique inquiétante ainsi qu'un retard immense en termes d'industrie et d'infrastructure.
Dans le années 50 surviennent deux chocs qui vont bouleverser la société corse : l'effondrement de l'Empire colonial français qui représentait l'un des principaux débouchés pour les Corses (la fin de l'Empire prive la jeunesse Corse des perspectives de ses aînés et entraîne le retour forcé d'un certain nombre d'entre eux sur l'île. Situation qui entraîne l'apparition de mouvements régionalistes, tentant de redonner des perspectives à un peuple en manque de repères). Puis le second choc est l'arrivée de rapatriés des anciennes colonies africaines, auxquels l'État octroie des terres de manière abusive dans la plaine orientale.
Nombreux sont alors les Corses à prendre conscience du déclin démographique et du délabrement économique de l'île. Les premiers mouvements apparaissent, comme le Front régionaliste corse. Ces mouvements sont à l'origine d'un important renouveau de la langue corse et d'un travail de promotion des anciennes traditions culturelles corses.
1962 est une date cruciale pour les nationalistes corses. La France négocie la paix (accords d'Evian) avec le FLN algérien, après huit ans de guérilla sanglante. Sur plus d'un million de pieds noirs, 17 000 français implantés en Algérie viennent s'installer en Corse. Parmi eux se trouvaient des vignerons ayant perdu leurs terres et qui ont reçu des subventions de l'État pour acquérir une superficie nécessaire à la culture du vin. Les mouvements estiment que leurs revendications sont ignorées et considèrent le traitement que l'État réserve aux rapatriés des colonies comme un signe de mépris. Arguant que la Corse fait figure de terre vierge où il n'est pas besoin de consulter la population locale sur les rapatriements et critiquant les soutiens financiers ou les aides (création de la Société de mise en valeur agricole de la Corse (SOMIVAC) reçus par les nouveaux arrivants.
L'affaire d'Aléria et la naissance du FLNC
"Dans une situation qu'elle estime fermée, l'Action Régionaliste Corse (ARC) décide de choisir des moyens d'actions plus radicaux.
Le 21 août 1975, une vingtaine d'entre eux, emmenés par Edmond Simeoni, dirigeant de l'Azzione per a rinascita di a Corsica (ARC), occupent la cave Depeille, du nom d'un exploitant d'origine pied-noir installé dans la plaine orientale, près d'Aléria. Équipés de fusils et d'une mitrailleuse, ils veulent enfin attirer l'attention du public sur la situation de l'île et notamment sa situation agricole. Ils dénoncent la mainmise sur une partie des terres de la plaine orientale de quelques familles « pieds-noirs ». Le ministre de l'intérieur Michel Poniatowski envoie 2 000 CRS et des gendarmes mobiles épaulés de véhicules blindés légers, et ordonne l'assaut le mercredi 22 août vers 16 h. Deux gendarmes sont tués au cours de l'affrontement. Le conseil des ministres suivant, le mercredi 29 août, ordonne la dissolution de l'ARC. La tension monte rapidement dans Bastia et des échauffourées éclatent en fin d'après-midi. Elles se transforment en émeutes à la nuit tombée et de nombreuses fusillades ont lieu : un CRS sera tué et de très nombreux blessés.
Cette affaire marque le début de la radicalisation des mouvements nationalistes, dont les revendications évoluent pour exiger l'indépendance de l'île, et forcent les gouvernements successifs à prendre en compte la « question corse ».
Quelques mois plus tard, dans la nuit du 4 au 5 mai 1976, des militants nationalistes créent le Front de libération nationale de la Corse (FLNC) à partir du Fronte paesanu di liberazone di a Corsica (FPCL) responsable du plasticage d'un bateau italien pollueur et de Ghjustizia paolina, l'organisation clandestine supposée être une antenne armée de l'ARC. Cette naissance est marquée par une série d'attentats en Corse et sur le continent. Ils tiennent une conférence de presse au Cunventu Sant'Antone di a Casabianca (Couvent Saint-Antoine de la Casabianca) à Orezza, lieu hautement symbolique puisque c'est là qu'avait été votée la Constitution corse et que Pascal Paoli avait proclamé l'indépendance en 1755. Bien que se réclamant d'un petit livre à forte connotation marxiste, la plupart des dirigeants indépendantistes sont issus des rangs de la droite nationaliste française ou de milieux « apolitiques ». Rares sont les gauchistes présents dans ses rangs. On y note un groupuscule maoïste dont le nombre de militants se compte sur les doigts d'une main et moins d'une dizaines de trotskystes dont les idées ne pèseront guère dans la formation idéologique d'une organisation armée calquée sur les modèles vietnamiens et algériens. Malheureusement, grand banditisme et nationalisme frayent ensemble, au grand dam des corses « de base » et plus spécialement des femmes qui commencent à briser l'omerta sur ce qui devient du droit commun.
la souveraineté politique de la Corse : une indépendance par rapport à l'État français, qualifié par les mouvements nationalistes d'état colonial. La levée d'un impôt révolutionnaire parallèle a été pratiquée par le mouvement dès les années 80, et continue d'être pratiquée par le FLNC Union des Combattants. Les attentats contre les structures de l'État ont été constantes : attaques contre les préfectures, les prisons, les perceptions, la présence des camps militaires, assassinat du préfet Érignac, etc. Mais plus nombreux sont les plasticages de demeures particulières appartenant essentiellement à des continentaux sans que l'on sache très exactement ce qui du crapuleux ou du politique est prépondérant.
- la promotion de la langue corse, et son apprentissage obligatoire en Corse ; ce concept est largement étendu au delà des simples nationalistes.
- la limitation des infrastructures touristiques, et des politiques promouvant le tourisme, et une substitution par un développement économique durable.
- le respect des permis de construire.
- le respect du littoral (loi littoral).
- la reconnaissance du statut de prisonnier politique pour les personnes du mouvement nationaliste corse incarcérées y compris pour celles ayant commis des actes pouvant être assimilés à des délits de droits communs." (Source : Wikipédia)
Mais entre malversations, dissenssions internes, système mafieux et assassinats aléatoires, la légitimité des contestations a fait place aux excès des intérêts individuels et essentiellement pécuniers.
On peut simplement se réjouir du fait que les résidences secondaires soient régulièrement vaporisées, évitant au littoral insulaire de ressembler aux barres de béton continentales dans les endroits touristiques...d'une laideur sans nom dans certaines régions...Heureusement que les nationalistes vengent la nature, dans leur combat. Et je pense que si j'avais été homme, fut un temps, je serai moi aussi allée volontiers et gaiement caler des pains d'explosifs dans les recoins des délires mégalomaniaques de la gerbe-sec et des vieilles pies...
Et même si je suis intimement convaicue que l'indépendance d'un point de vue fiscal et monétaire ainsi qu'une économie autonome et autarcique pourraient être mises en place dés à présent (en s'inspirant notamment du système suisse et en surtaxant énormément les résidences secondaires), je pense que cela ferait surtout le jeu des pro nouvel ordre mondial en sapant les bases d'une nation qui se devrait unie et souveraine.
Langue
Le paradoxe insulaire
Je ne peux en parler finalement qu'à titre personnel, mais lors de mon arrivée dans l'île et bien que sang mélée, et quand j'ai voulu apprendre la langue de Paoli, je me suis heurter à un mur de cynisme et de moqueries. Il m'a clairement été fait comprendre que si je voulais apprendre, je ne devais pas m'essayer à l'exercice avant d'avoir une maîtrise parfaite...maîtrise que je possède dorénavant bien plus que certains de mes détracteurs de l'époque...des natifs pur jus...parfois un peu trop consanguins mais nous passerons sur ces détails.
Je me dois en outre de souligner deux points fondamentaux :
- Lors du premier carnage inutile mondial, les corses ont payés un plus lourd tribut que les continentaux, les pères de famille de cinq enfant se se vu mobilisés lorsque leurs compatriotes continentaux étaient exemptés, pendant longtemps certains villages de l'intérieur n'ont été peuplés que de femmes, enfants et vieillards, les forces vives du village ayant péri dans les bains de sangs du front (front sur lequel la majorité d'entre eux ne pouvaient pas comprendre les ordres leur disant d'aller se faire étriper car ne comprenant pas la langue et ayant deux fois plus de chance que les autres d'y rester car bénéficiant de deux fois moins de permissions...).
- Il y a seulement quelques décennies, les écoliers parlant corse étaient très sévèrement punis (y compris s'ils parlaient entre eux dans la cour de récré).
Le paradoxe Biancarelli
Heureusement et contrairement au vecteur musical (Les Muvrini ayant sapé pour des décennies l'intérêt que pourrait avoir des musicophiles continentaux pour nos chanteurs îliens...en musique, c'est souvent la merde qui s'exportent le mieux (de nombreux exemples notamment au Québec avec les Garou, Céline Dion et consorts)), littérairement parlant, d'excellents auteurs ont réussi à faire exporter leur talent outre méditerranée. Jérôme Ferrari a été récemment primé du Goncourt. Et Marcu Biancarelli connaît une notoriété grandissante. Ils sont tout deux de merveilleux critiques de la Corse et de ses habitants. Cette terre où valeurs claniques et tribales perdurent aurait pu s'en sortir en privilégiant tout ce qu'il y a de nobles dans ces systèmes sociétaux, mais, à l'inverse, elle n'en a su garder que l'esprit vengeur et borné, érigeant la stupidité de la vendetta (qui en son temps, faut-il le rappeler, a décimer des villages entiers pour des histoire d'orgueil...mal placés) en vertu suprême. Marcu Biancarelli écrit ses livres exclusivement en corse...et paradoxalement, il est plus facile de trouver un de ces ouvrages dans la langue de molière que dans celle de Paoli...
Le paradoxe de la jeunesse corse
Corse...une île où l'on ne sais plus quoi dire. Après les puérils "I Francesi Fora" et "A Drogue Fora" - avec un ribeddu qui tire à la kalach sur une feuille de cana...je ne pensais pas qu'une plante si bénéfique puisse provoquer autant de haine - , tout ce que la jeunesse corse réussit à babiller c'est "Basta a viulenzia"...très joli, mais cela nous mène où ? Signe symptomatique d'une jeunesse qui ne sait plus à quel sein se vouer, les mamelles d'état et du nationalisme étant atrophiées de puis belle lurette et ne distillant plus qu'un breuvage rare et amer. J'aurai aussi pu me contenter de mettre sur ce blog : "Vive la paix dans le monde"...je ne crois pas que cela aurait beaucoup fait avancer le débat...Trop de maux et pas assez de maux pour un peuple en mal être à la recherche de repère, entre société pastorale et société de consommation.Peut être du au fait que les corses sont minoritaires chez eux et majoritairement ailleurs que sur l'île...le paradoxe de l'immigration appliquée à l'île...
Pour terminer,
Il est en tout cas tout à fait normal que les corses se soient toujours sentis spoliés de la part d'un état colonisateur qui la traite comme une république bananière. Entrant malgré eux dans le jeu du cercle vicieux immobilier et se retrouvant à pactiser avec le diable en vendant la terre de leurs ancêtres devenue très rentable...après on ne doit pas tous avoir la même conscience je me dis parfois.
De toute façon, l'indépendance totale est une utopie, notre chère France colonisatrice ne laissera jamais perdre une île ayant une situation tellement géostratégique dans le bassin méditerranéen (Base militaire de Solenzara).
Le peuple corse mettra longtemps encore a se remettre de ces nombreux traumatismes. Le paroxysme de la perversité de l'état colonial étant de demander à ses habitants de mourir (à l'époque) ou travailler (de nos jours) pour une nation dont ils ne reconnaissent pas la légitimité de l'autorité. Et en cela je leur donne mille fois raison. Une autorité, quelle qu'elle soit doit pour se justifier générer plus d'avantages que de contraintes à ceux qu'elle entend diriger.
El Lobo
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