CoViD-19 – 16 Macron, médecins : et nous ?
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Douze jours que je n’ai rien écrit à propos de la CoViD19 : quel soulagement. Je pensais que cela me manquerait, ce vide m’a reposé. Malgré tout on n’échappe pas à cette ambiance anxiogène entretenue par le pouvoir et par les médias qui, pour l’un nous vomit dessus ses injonctions parfois délirantes, le plus souvent incohérentes et au final inconsistantes, pour les autres il semblerait qu’il n’existe plus rien d’autre dans le monde à l’exception de quelques affaires sordides qui ne relèvent pas l’image de la société : crimes, disparitions, viols et incestes, parfois une allusion peinte en aquarelle à un des nombreux délires législatifs du gouvernement comme la loi Sécurité Globale ou celle pour le Renforcement des principes de la République. Heureusement, malgré une connaissance très modeste de la langue anglaise je peux m’échapper de temps en temps sur CNN ou la BBC, et « mon italien » me donne un assez bon accès à la RAI.
Cependant nous voilà rattrapés par l’hydre médiatique qui nous expose, comme on tartine de confiture une tranche de pain, les déboires du Conseil Scientifique qui a été créé par E. Macron mais qui semble, aujourd’hui, déplaire à son entourage. Serait‑ce qu’il ferait de l’ombre à Jupiter au moment où celui‑ci amorce sa course pour un second quinquennat ?
Hier, 17 février, France Télévision sous les plumes de Fabien Magnenou et Clément Parrot, publiait sur son site : « Covid-19 : où sont passés les avis du Conseil scientifique ? Alors que l’expansion des variants continue d’inquiéter, le collège d’experts n’a plus publié d’avis depuis plus d’un mois. Le Conseil scientifique continue pourtant de se réunir et d’envoyer des notes au gouvernement. L’avis de recherche a été lancé samedi 13 février. Voilà un mois qu’on n’a aucune nouvelle du Conseil scientifique, en pleine période d’incertitude dans la gestion et l’évolution de l'épidémie". Dans une série de méssages publiés sur Twitter, la docteure en biologie et vulgarisatrice scientifique Tania Louis tente de comprendre pourquoi aucun avis rédigé par les experts n’a été publié sur le site du ministère de la Santé depuis un mois. […] Hormis l’exécutif, qui les reçoit, personne ne connaît le contenu des travaux réalisés ces quatre dernières semaines par les experts. »
Le Conseil Scientifique s’est‑il fait plus discret face aux attaques répétées des membres de la majorité présidentielle ? Il semble qu’il n’a pas cessé son travail, mettant partiellement E. Macron à l’abri de critiques en autoritarisme. Il continue, nous dit la presse, à produire des « notes », donc à informer le chef de l’État et le gouvernement ; mais ces notes ne sont rendues publiques que si le gouvernement le décide. Ainsi, certaines notes ont été publiées sur le site du ministère de la santé pas d’autres, que cachaient ces dernières qui puisse être si terrible pour le gouvernement ou pour les Françaises et les Français ? Belle entame au principe que c’était donné le candidat Macron qui voulait réconcilier les Français avec leurs gouvernants. On ne peut pas imaginer que le Conseil soit à l’origine de ce changement dans la mesure où non seulement il répond aux demandes gouvernementales, mais aussi des parlementaires et peut s’autosaisir. La question est importante car éminemment politique et dessine une stratégie de gouvernance de type autoritaire car le code de la santé public est clair les avis du conseil scientifique sont publics : « Le comité [le conseil] rend périodiquement des avis sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-15 à L. 3131-17, ainsi que sur la durée de leur application. Dès leur adoption, ces avis sont communiqués simultanément au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat par le président du comité. Ils sont rendus publics sans délai. Le comité est dissous lorsque prend fin l’état d’urgence sanitaire. Le comité peut être consulté par les commissions parlementaires sur toute question concernant les sujets mentionnés à la quatrième phrase du premier alinéa du présent article. » En décembre le ministère de la santé a affiché deux notes (note d’éclairage sur les fêtes de fin d’année, et note d’alerte sur le variant détecté au Royaume‑Uni), depuis plus rien.
Bien sûr chacun, le conseil scientifique et l’Élysée, assure qu’il n’y a pas de problème ; du côté de la présidence de la République on garantit qu’"Il se réunit tout le temps, sans interruption, et la communication reste fluide avec Élysée, notamment via la conseillère santé". Selon les informations de France info, deux réunions ont ainsi été organisées la semaine dernière entre l’Élysée et le Conseil. Certes les experts du Conseil scientifique continuent, plus rarement toutefois, à intervenir dans les médias mais ils ne le font qu’à titre personnel. Comment expliquer ce changement ? Nous sommes en présence d’un véritable revirement de la communication du président de la République, voire de la stratégie de gestion de la crise. Alors qu’il faisait, dans chaque discours, référence aux avis du conseil scientifique, voilà qu’il ne l’évoque plus. Il n’y fait plus référence lui qui disait le 12 mars dernier lors de sa première allocution télévisée consacrée au Covid-19, en même temps qu’il déclarait la France en guerre, « Un principe nous guide pour définir nos actions, il nous guide depuis le début pour anticiper cette crise puis pour la gérer depuis plusieurs semaines et il doit continuer de le faire : c’est la confiance dans la science. C’est d’écouter celles et ceux qui savent. » Alors ? L’explication nous vient de son entourage qui nous annonce que "Le président a développé une expertise de compréhension et d’analyse, qui lui permet de questionner sans cesse les experts". Questionner sans cesse les experts c’est ce qu’il faisait mais les avis publics permettaient aux citoyens d’être informés, ils ne le sont plus. Or, parmi les citoyens certains, nombreux, disposent de connaissances et de compétences scientifiques qui leur permettent de comprendre ce que disent les membres du conseil scientifique et d’analyser la stratégie du gouvernement ; peut-être est-ce cela qui a gêné E. Macron : que les citoyens disposent d’informations scientifiques qui leur permettraient de mettre en doute sa gestion de la crise. Quant au fait qu’il a « développé une expertise de compréhension et d’analyse » personne ne le mettra en doute tant son génie est flamboyant et qu’on le sait capable de devenir un épidémiologiste en même temps qu’un virologue hors pair en quelques semaines alors que pour le commun il faut 10 ans d’études post‑baccalauréat. Bref, Jupiter est bien Jupiter.
C’est là que le bât a blessé le mollet du monarque : les scientifiques apparaissaient comme ayant le dessus, comme dirigeant à la place du politique, d’ailleurs déjà 14 mai 2020 l’eau commençait à se troubler et £e Monde titrait : « Entre le conseil scientifique et l’exécutif, une relation aigre‑douce. Les quatorze scientifiques nommés au début de l’épidémie pour conseiller le gouvernement nourrissent les critiques de “gouvernement des experts”, mais se voient aussi reprocher leur trop grande émancipation dans les médias. » Serions‑nous en présence d’une bataille d’image, voire d’ego ? Pourtant Olivier Veran, roue de secours après le départ de Mme Buzyn, affirmait dans cet article du Monde : « Derrière toute décision que nous prenons, il y a des blouses blanches », alors qu’un responsable de la majorité présidentielle enchérissait : « Beaucoup de gens ne croient plus les politiques, donc justifier toutes nos décisions par un avis des autorités sanitaires nous redonnent du crédit ».
Voilà, Jupiter a failli être dépassé, étouffé par la science. Certains ont craint un gouvernement des experts, aujourd’hui ils lui préfèrent un gouvernement des ignorants et des imbéciles ; tant mieux ceux-là ne font pas d’ombre à Jupiter ! Donc le politique (il serait plus exact de dire le président) a repris la main (du moins le croit‑il) aux extraordinaires capacités cognitives et intellectuelles d’E. Macron dont un ministre nous dit, sur France Info, que « Son niveau de connaissance et de compréhension des enjeux est impressionnant »", et un autre d’ajouter sur France Inter récemment : « Désormais, le Conseil scientifique n’est plus premier dans l’arbitrage ». Après tout que le président de la République décide il n’y a rien d’anormal à cela, les citoyens le paient pour cette fonction, mais qu’il le fasse en les tenant éloignés de l’information c’est plutôt antidémocratique. Il est bien du rôle du président de la République de prendre des avis, de confronter, de synthétiser et de décider des actions d’autant qu’il doit prendre en compte aussi les aspects économiques, sociaux, psychologiques et scolaires de la société frappée par l’épidémie. Personne ne lui contestera ce rôle qu’il a assez peu exercé de façon visible jusque‑là ; la gestion de la crise ressemblait plutôt au Muppets Show avec sa kyrielle de discours déclamés par des marionnettes dociles. Il fallait bien qu’il protège son avenir politique.
Il reprend la main, soit mais dans une ambiance d’une rare vulgarité. Comment peut‑on admettre qu’un ministre dans un journal (l’Obs) commentant une intervention télévisée du président du conseil scientifique, puisse déclarer : « Il est quand même incroyable, Delfraissy ! Il préconise l’autoconfinement des personnes âgées, mais dans ce cas, qu’il se l’applique lui-même » ; alors pourquoi Roselyne Bachelot ne se confine pas ; elle est née en 1946 alors que Jean‑François Delfraissy a vu le jour, seulement, en mai 1948. La grossièreté, marque du niveau culturel des ministres macroniens et d’une grande partie des députés de la majorité, l’emporte désormais sur le respect dû aux citoyens et va à l’encontre de la sagesse politique attendue et manifestée par Philippe Gosselin, député LREM, sur France Info : « On voulait que le Conseil scientifique ne soit pas simplement un organe utile au gouvernement, que la représentation nationale ne soit pas écartée », « L’intérêt, c’est d’avoir un accès à ce comité, pourquoi pas à un certain nombre de notes qui ne sont pas publiées », ajoute-t-il, tout en regrettant « un ensemble de signaux qui ne dressent pas beaucoup de perspectives ». C’est dans ce cloaque politique qu’avait été décidé, en opposition de l’avis du conseil scientifique, le déconfinement le 11 mai 2020, on en sait les conséquences. E. Macron a eu, pour l’instant, plus de chance avec les fêtes de fin d’année et le variant anglais, les recommandations du conseil scientifique ont été battues en brèche et la situation semble donner raison à Jupiter.
Voilà, le conseil scientifique ne peut pas être dissout avant la fin de l’épidémie, ses membres ne peuvent pas être renvoyés dans leurs pénates d’autant que certains doivent leur nomination au président du Sénat ou au président de l’Assemblée nationale, aucun n’a le courage de démissionner face aux offenses (Didier Raoult l’avait fait mais en raison de son désaccord avec les autres membres). Le conseil demeure mais le Prince le décore de quatre nouveaux membres : un vétérinaire, un gériatre, un pédopsychiatre et encore un infectiologue. Cela va‑t‑il changer la face des choses, la gestion jupitérienne en sera‑t‑elle améliorée ? Sans doute pas car le Prince conserve pour lui l’analyse économique tout orientée vers la satisfaction des besoins avides des financiers, et refuse de voir les sciences sociales et humaines entrer dans l’arène de la réflexion (sociologues, psychologues, psychosociologues, pédagogues…) alors qu’elles pourraient lui parler des gens, des personnes là où les médecins ne savent (et encore) que parler des malades, les mathématiciens de modèles abstraits et les économistes de bourses et de banque. L’anthropologue Lætitia Atlani Duault, spécialiste de l’anthropologique critique de l’aide humanitaire, et le sociologue Daniel Benamouzig consacre ses recherches en sociologie économique et en politique de santé notamment sur les transformations institutionnelles et aux savoirs économiques et gestionnaires, quelles que soient les qualités de ces deux chercheurs, ils font bien pâle figure au regard des besoins de la population française étouffées par cette crise sanitaire.
On ne dissout pas le conseil scientifique, bien au contraire on augmente le nombre de ses membres, donc on le conforte en même temps qu’on le bafoue. Cette politique sociale du peu d’E. Macron pour qui rien c’est quand même quelque chose. Et, là maintenant le chœur des citoyens est prié de se taire, de satisfaire du peu d’informations qu’on lui donne et des mensonges sur les chiffres de vaccinés, de morts, de malades.
Aujourd’hui le discours politique ambiant, et officiel, consiste à dire que « Le président a pris un risque, il va peut-être en récolter les fruits » déclarait un responsable de LREM. Le drame c’est que nous sommes obligés, pour ce qui est de risque, d’être d’accord avec lui car sinon c’est nous qui serons malades et mourrons, quant à la récolte des fruits qu’il réfléchisse, ce n’est pas encore gagner car il y a 15 longs mois avant l’élection présidentielle et les rancœurs augmentent de jour en jour chez les citoyens.
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