David contre Goliath dans l’éducation supérieure
Paris et sa grande banlieue monopolisent à quelques exceptions près les meilleures grandes écoles et prépas, toutes filières confondues. Pour la première fois depuis que des classements de prépas existent, c’est le Lycée Saint Jean de Douai, située dans une ville du Nord de 40 000 habitants, qui a été classée première prépa de France dans la voie économique (préparation aux concours des écoles de commerce).
L’hypertropisme de Paris et sa banlieue est manifeste dans le système des grandes écoles. Les grandes écoles les plus reconnues sont pratiquement toutes situées à Paris ou dans sa proche banlieue : Polytechniques, Centrale, Mines, Télécoms, HEC, ESSEC, ESCP, l’École Normale Supérieure. Il n’y a que l’ENA qui déroge à cette règle, avec son implantation à Strasbourg. Les meilleures prépas se situent à quelques kilomètres, voire à quelques centaines de mètres des écoles pour lesquelles ils forment leurs élèves à réussir le concours. La concentration des meilleures prépas de France se concentre même sur deux arrondissements de Paris (5ème et 6ème) et Versailles. Cela entraîne une assez forte consanguinité (au sens figuré comme au sens réel) des étudiants de ces lycées prestigieux. Dans les classements des meilleures prépas d’ingénieurs (filières MP, PC, PSI) des prépas aux écoles de commerce, et des prépas littéraires, les 10 premières places sont ravies en moyenne par 8 établissements de Paris ou Versailles. Les établissements de province sont rarement situés plus haut que la 5ème place. Or, pour la première fois depuis l’existence de classements, une prépa de province a réussi a être la première dans sa catégorie (préparation des bacheliers ES au concours des écoles de commerce), comme le montre le lien ici. Ces classements montrent le taux d’intégration des élèves aux écoles les plus prestigieuses de leur filière et sont acceptés par les lycéens (et leurs parents) comme un bon indicateur du niveau d’une prépa.
Cette nouvelle donne de l’espoir à tous ceux qui déplorent l’immobilisme dans le système des grandes écoles. Vue de l’extérieur, la reproduction sociale est très élevée (ainsi que l’endogamie des élèves !), les meilleurs lycées recrutent à tour de TGV en province les élèves les plus doués. En regroupant la grande majorité de la future élite à Paris, le système des grandes écoles favorise un système de pensée centré sur Paris, sur une vision de la France déformée.En comparaison, l’élite américaine est formée sur des campus disséminés aux 4 coins du territoire (même si les meilleures écoles graduates se concentrent sur la côte Est, dans la Silicon Valley, Los Angeles, et à Chicago).
La prépa Saint Jean a réussi à se hisser à la première place des classements nationaux par une pédagogie originale et iconoclaste, qui est décrite par son directeur ici. Cette réussite exceptionnelle peut donner des idées à ceux qui souhaitent une plus grande décentralisation. La région lyonnaise a de grands atouts qu’elle peut développer pour favoriser ses grandes écoles (qui hélas, sont encore considérées par les élèves comme d’un second niveau face à leurs consoeurs parisiennes). Marseille et ses alentours est la ville la moins représentée : une prépa de bon niveau, mais aucune grande école de bon niveau. La ville se prive de ressources importantes. Un des rôles d’une ville est d’attirer à elle la jeunesse créatrice.
La France peut-elle continuer à se développer avec l’hypertropisme de Paris ou peut-elle développer, comme le dernier rapport de la DATAR l’a préconisé, des métropoles régionales plus dynamiques, capables d’attirer la future élite nationale ?
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