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De ces lieux mis au ban de la société (Banlieues)

Il est désormais coutume de voir à la veille de chaque élection, présidentielle en l’occurrence, des reportages sur la délinquance dans les zones sensibles de l’hexagone défilés en boucle dans les médias. Depuis quelques semaines, des chaines comme TMC, diffusent des enquêtes sur les quartiers et le grand banditisme qui sévit dans ces lieux populaires. Le plus étonnant, c’est que tout au long de ce genre de documentaire, les enquêteurs tentent d’esquisser un portrait héroïque des forces de l’ordre en diabolisant les suspects pourchassés. En effet, lors d’une récente enquête, diffusée sur TMC, sur le trafic de drogue dans les quartiers sud de Lille – où je réside – le film se portait particulièrement sur un jeune que la Police avait surnommé « Scrabble ». Ce dernier, poursuivi par les forces de l’ordre pour trafic de stupéfiants, nous était décrit comme le grand caïd du Nord. Très vite, pour qui ne connaît pas Scrabble, celui-ci était apparu comme l’ennemi local à abattre Or, le suspect en question, que beaucoup de jeunes lillois ont reconnu malgré le cryptage, n’était en réalité rien d’autre qu’un petit dealer qui n’avait rien d’un grossiste ou d’un caïd. Au fond, ce genre de documentaire fait plus de cinéma que d’enquête journalistique. C’est une ruse médiatique bien connue qui a pour seul dessein d’alimenter le sentiment d’insécurité au sein de la cité et ainsi pousser les citoyens à voter sous la force de l’émotion. On amorce ainsi le vote actif, rationnel, pour déclencher un vote réactif, émotionnel. La diabolisation des « banlieues » - terme à l’acception péjorative – est une méthode désormais traditionnelle employée par de perfides politiciens pour jouer sur le sentiment d’insécurité. En effet, certains démagogues assoiffés de pouvoir manipulent, en temps d’élection particulièrement, avec une indigence exécrable, l’amygdale collective, surfant ainsi sur les émotions et la peur.

Le principal défi que nous devons relever actuellement est de réconcilier ces zones populaires avec le reste de l’hexagone français. Il incombe à notre société de reconsidérer le rapport qu’elle entretient avec ces territoires sensibles en y exploitant ce qu’il y a de plus positif et de plus bénéfique au profit de la cité plutôt que de les réduire sans cesse à leurs fléaux qui encore une fois sont la conséquence d’une politique démesurée, plus en phase avec les valeurs qu’elle prétend défendre. Aussi, supprimerions-nous ces frontières psychologiques séparant la France d’une partie de ses terres – certes sensibles - et ferions-nous des quartiers populaires un atout pour la société. Et, à ce titre, pas uniquement en les réduisant au rap, à la comédie ou au sport, comme s’ils n’étaient bons qu’à chanter, faire rire, ou à courir derrière un ballon. Il y a un potentiel intellectuel, culturel, et même politique énorme dédaigné par la cité. Halte donc à la marginalisation des « banlieues » ! En outre, faire porter tous les problèmes de la société aux quartiers populaires, comme s’il s’agissait d’une « déchèterie sociale » où l’on jette tous les « encombrants politiques » est d’une irresponsabilité nauséeuse ! Or, on le sait aujourd’hui, les dirigeants politiques, incapables de faire face aux réels défis de la société, notamment le chômage et le logement, tentent, pour échapper à la réalité – leur réalité au demeurant – de créer un ennemi – tantôt la femme en burqa, le terroriste tantôt le délinquant, la banlieue quand tout n’est pas regroupé sous un même nom, dans un même sac, l’Islam - auquel ils feront porter tout le poids et toute la responsabilité du mal-être de la société. Sans oublier, certains comparses opportunistes qui lorgnent le pouvoir en se faisant les portes paroles des banlieues sous prétexte qu’ils y ont vécu. Derrière le masque de ces simulacres, se cachent en réalité de véritables thuriféraires. Que les choses soient claires d’emblée : les jeunes de quartiers n’ont nul besoin que l’on parle pour eux ! Il faut leur donner les moyens de s’exprimer et surtout se donner les moyens de les écouter ! La réforme doit se faire par un travail de proximité en ayant autour de nos tables des jeunes issus de quartiers populaires, car le changement ne pourra s’accomplir sans eux. Chose, par ailleurs, que bon nombres d’acteurs associatifs peinent à comprendre. Il ne suffit pas de s’attabler autour d’intellectuels et politiques pour penser ou prétendre à une réforme au sein des banlieues car ceci conduirait à développer des théories totalement déconnectées de la réalité. Aussi, faut-il tenir compte des tristes réalités qui touchent les banlieues en conviant à nos projets de réforme les premiers concernés, en l’occurrence les jeunes issus de ces milieux ! Un peu de cohérence, et de pragmatisme.

Il ne faut donc pas, ceci étant dit, se tromper d’ennemi. Car, osons le dire même si cela puisse paraître scabreux, le véritable banditisme, en réalité, se trouve au cœur des champs Elysée, non dans les cités ! Orienter les projecteurs vers les quartiers populaires pour laisser les vrais mafieux à l’ombre est une technique politique abjecte qu’il faut condamner. D’autant que l’on ne peut reprocher aux jeunes dealers leur soif d’argent et condamner l’économie parallèle qui sévit dans les banlieues quand on est adepte d’une idéologie matérialiste aliénante, le capitalisme, où la règle d’or est : tu vaux en fonction de ce que tu as ! En effet, cet amour de l’argent facile qui alimente les jeunes des quartiers populaires n’est que le reflet, voire la conséquence, de cette philosophie de l’avoir et du paraître qui, au fond, leur a fait miroiter un bonheur illusoire. La politique de la peur qui marginalise et la philosophie de l’avoir qui aliène sont les deux principales causes des fléaux contaminant les banlieues. Donc, traiter les problèmes en agissant sur leurs conséquences est une perte de temps ! Ce n’est pas uniquement en mettant des activités sportives, du matériel informatique, des ateliers ludiques en place que l’on va changer les choses. Faire de l’occupationnel n’est qu’ajourner l’explosion, point la désamorcer. Cessons donc d’être naïfs, les choses sont beaucoup plus profondes et c’est en amont qu’il faut traiter ces anomalies sociétales. Il faut agir à la source puisque c’est tout le système éducatif qu’il faut à tout le moins repenser. Eduquer, en effet, c’est apprendre à vivre et à exister en mettant en valeur les qualités d’un être, non pas apprendre à s’enrichir en mettant en valeur biens et richesses ! Plus clairement, il faut lutter contre le système capitaliste et promouvoir une philosophie de l’être où la règle d’or serait  : tu vaux en fonction de ce que tu es ! Et, enfin, batailler contre la politique de la peur en favorisant le vivre ensemble, le dialogue et le débat d’idées. Une philosophie de l’être, donc, qui se traduira par une politique rationnelle incitant au vivre ensemble et à la fraternité plutôt qu’une idéologie de l’avoir qui a recours, pour s’autoalimenter, à une politique de l’émotionnel favorisant le rejet, l’individualisme et le repli sur soi. C’est un travail de longue haleine, qui a besoin de détermination, de courage, et surtout d’immersion sociale, politique et philosophique.


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8 réactions à cet article    


  • jef88 jef88 8 octobre 2011 11:48

    Erreur profonde

    Les banlieues ne sont pas au ban de la socièté : un ban c’est le regroupement de hameaux pour définir , au départ, une paroisse.
    Une banlieue, c’est donc un lieu du ban.

    mettre au ban, c’est chasser du ban ! On chasse des personnes pas des lieux


    • clostra 8 octobre 2011 14:14

      oui, à propos de ces lieux mis au ban :

      Nous connaissons bien « ça » à Evry

      Où il y a les bans de laboratoires pharmaceutiques

      et les bans de quartiers populaires

      Et un maire même pas écartelé mais probablement encartelé ? plutôt en eaux troubles que dans l’entre deux eaux

      Allez donc voir des costumes-cravates dans « les quartiers » populaires, adoubés par The Economist !

      Allez ! il n’y a pas qu’Evry ! au loin un hélicoptère mal réglé pétarade (je vous jure qu’on se croirait à la guerre)

      C’est vraiment du grand n’importe quoi !

      Le ridicule ne tue pas mais au moins sait-on qui ce maire-là représente.


      • Yohan Yohan 8 octobre 2011 22:06

        Pour « se donner les moyens de les écouter », encore faudrait-il qu’ils apprennent à s’exprimer, ou plus simplement à maîtriser les rudiments de notre langue. Moi, je les côtoie dans mon job ces jeunes et moins jeunes des quartiers. Ce ne sont certes pas tous des sauvages et des délinquants, mais avec 10 mots de vocabulaire, il devient difficile de trouver du travail, c’est un handicap certain. D’autres ont réussi... en apparence seulement. J’en connais qui ont été bombardés « éducateur » dans les années 90 parce que grand frère, à la demande des bisounours qui nous gouvernent. Arrivés à un certain âge, ils aspirent à évoluer mais ne le peuvent pas. Récemment, j’ai rencontré l’un d’eux. Il avait un projet de création d’entreprise, mais ne pouvait même pas le rédiger, ne maîtrisant pas l’écrit. Autant je suis d’accord sur les fausses solutions de l’occupationnel, autant je ne pense pas que l’école soit aujourd’hui en mesure de relever le défi avec des classes ethniques à 90%. 

        Le problème vient de l’éducation, la vraie, celle des parents qui élèvent leurs garçons comme des petits rois, pour en faire au final des petits cons et font de leurs filles des soumises captives de la religion.

        • velosolex velosolex 9 octobre 2011 02:23

          C’est la grande messe de la peur qui revient au journaux télévisés.
          Cela avait marché si bien il y a quelques années.
          On stigmatise pas les quartiers, mais on informe les braves gens.
          De tous temps, voyez vous il a fallu montrer des boucs émissaires
          Et donner la frousse aux braves gens en parlant du loup
          Ainsi ils voteront pour le parti des chasseurs


          • À Mehdi Thé À Mehdi Thé 9 octobre 2011 05:32

            Yohan j’espère que tu ne fais pas d’un cas une généralité parce que si je te parle de mon experience personnelle je pourrais te raconter que moi le sois disant fils d immigrés donnais des cours de français à de jeunes militaires français qui ne savait pas aligner deux mots....Si tu veux reellement prendre la temperature de l analphabétisme en France je t’invite à te rendre dans les journées d appels qui est encore le meilleur moyen pour connaitre l analphabétisme en France en voici un rapport


            • TyRex TyRex 9 octobre 2011 10:50

              Je ne comprends pas cette affirmation :

              « Plus clairement, il faut lutter contre le système capitaliste et promouvoir une philosophie de l’être où la règle d’or serait  : tu vaux en fonction de ce que tu es »

              Comment pouvez-vous quantifier la valeur d’une personne en fonction de ce qu’il est ?

              Comme s’il existait une fonction mathématique qui dévoilerait la valeur de chaque êtres humains... je ne suis pas sûr de son objectivité.

              Votre philosophie est entièrement subjective et renforce l’idée d’une société pyramidale où une personne pourrait avoir plus de valeur qu’un million d’hommes.

              Cordialement.


              • clostra 9 octobre 2011 11:37

                « L’homme est un être en situation » Bergson

                Tout d’abord, les d’jeunes ont beaucoup plus de vocabulaire que ce qu’ils en laissent entendre. Plus ils ont l’air comme on les classe, plus ils sont contents. Il ne faut pas aller à la caricature. Pire encore, dans la caricature, il faut y voir une société beaucoup mieux organisée pour gagner et...qui gagne.

                Ce qui est même inquiétant, pour « ceux-là » est que leur organisation, leur discipline est quasi militaire...

                Mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac. A moins qu’on y ait intérêt.

                Attali dans « l’ordre cannibale » analyse justement ces catégories « mises au ban de la société » pour, dit-il, conjurer le mal.

                Parce que « le mal » est en chacun de nous et qu’il est pratique de le désigner, de le mettre à distance (physiquement à distance).

                De dire que ces « jeunes des quartiers » ne savent pas parler, c’est un peu reconnaître sa propre ignorance de toutes les subtilités de la langue française, son incapacité à communiquer, la tragique tendance humaine à salir ce qu’elle ne comprend pas.

                Ces jeunes des banlieues sont stigmatisés sans doute pour le « bien » des autres.


                • himmelgien 11 octobre 2011 02:53

                   Ces pratiques de stygmatisation ne datent pas d’hier : il s’en produisit une à Bordeaux du temps du sinistre ministre Marcellin et son « complot international » !... ( Si, si, à l’époque, c’était dans les rangs du gouvernement de Pompidou puis de Giscard qu’on trouvait les théoriciens de la conspiration !!!...)
                   Une vraie chasse à l’homme, jusque sur les toîts du centre-ville pour traquer ( et tuer ) un « dangereux bandit international »  !... Mais pour ceux qui l’avaient approché ( Armée du Salut, Secours Populaire ...) , c’était juste un clochard !... Bien camouflé ?... Les flics n’ont publié aucune information dans ce sens ! ... Ils ne perdaient d’ailleurs pas de temps à se justifier : pas d’internet, des pouvoirs de gestapo avec des « perquisitions » nocturnes ( en fait de véritables attaques de domiciles, mais pas dans les banlieues ! ) , descentes punitives sur les campus, etc ... En 81, le gouvernement de la Gauche a fait un fameux nettoyage dans ces écuries d’Augias !... 

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