De l’usager à l’usologue, vers une politique de l’expérience !
Condamné, par la philosophie bourgeoise à l’Etre ou au Néant, l’homme aspire au Faire et au Créant. Assigné par l’économie bourgeoise à un devenir de client, il s’incarne, plus naturellement, en usager heureux des formes gratuites de la vie en société.
Mais cet usager par nature peut-il devenir usologue par culture, soit apte à déconstruire les illusions de l’opinion commune dominante, ce que K. Kraus appelait le « faux semblant généralisé » et accéder, ainsi, à la conscience du monde en soi, autrement dit à la conscience politique des usages ?
L’observation critique et la maîtrise de leurs usages par les usagers eux-mêmes garantit la qualité des réponses à apporter aux défis de toute vie en société. Pour l’usologue avisé, rien n’existe par essence, toute définition d’un objet, d’un principe, d’une pratique, induit une construction confirmée par l’usage, par l’expérience.
Aucun champ de connaissance n’est épargné par la grille de lecture usologique : la sociologie, la psychologie, l’histoire, l’épistémologie, la politique[1]. Et bien sûr, la pédagogie.
A ceux qui se posent la question de la transition du capitalisme prédateur à la société de bonheur à laquelle les peuples aspirent et parfois conspirent, les usologues répondent par une pédagogie… de l’expérience.
L’expérience individuelle trouve tout naturellement sa place dans le vaste océan d’expérience collective en fusion. Mais s’interroger sur ses usages expérientiels ne va pas de soi. D’où l’importance de l’autoformation qu’il faut concevoir, non comme une pratique solitaire intracérébrale, mais comme une participation active à la mutualisation gratuite et universelle des savoirs.
L’autoformation et l’autodidactie ne sont pas des pis-aller par rapport à l’éducation par le magistère. Les différents courants de l’autoformation, des écoles mutuelles du 19è siècle aux récents réseaux d’échanges réciproques de savoirs, en passant par les innombrables contributions en ligne dont Wikipédia est la Babel, ont largement prouvé leur efficience sociale.
L’école mutuelle, décrite par Anne Querrien[2], où se forma Proudhon, fut même jugée trop efficace. Les élèves des pauvres, à quatre-vingt par classe, y apprenaient en deux ou trois ans ce que les enfants des riches apprenaient en six ans dans les écoles des frères des écoles chrétiennes. Le pire, c’est que ces chenapans érudits avaient pris l’habitude du tutorat entre pairs et donc de se passer des maîtres.
S’il existe une manière usologique de faire de la politique, c’est bien dans la réappropriation critique des usages du langage tant les dérives sémantiques ont profité aux tenants de l’idéologie dominante néo-libérale. L’usologie s’érige en bulldozer de déconstruction du langage dominant par l’observation et l’expérience.
L’expérimentation critique s’apparente, donc, pour l’usologue, à un acte majeur de résistance.
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