De la cyberviolence vécue au féminin
Le cyberespace est un domaine pionnier qui, dans un monde hyperconnecté enfantera un système mafieux, s'il n'est pas régulé. Parce qu'un grand nombre de nos activités sont reliées à cet espace numérique d'une grande vulnérabilité face aux intrusions et piratages perpétrés dans une logique de sabotage, ou tout simplement dans l'intention de nuire.
Les acteurs malveillants utilisent à présent tous les moyens disponibles pour parvenir à leurs fins : Exploitation du darknet, défiguration, sabotage, prise de contrôle à distance d'un système informatique ( Rootkit), désactivation des logiciels de sécurité tels que définis de façon exhaustive dans ce glossaire, https://www.ssi.gouv.fr/entreprise/glossaire/
Définition et ripostes judiciaires
Le cyberharcèlement est une agression perpétrée par un individu ou un groupe d'individus dans l'espace numérique, de façon répétée, sous l'impunité de l'anonymat, à l'encontre d'une « victime ciblée », souvent de sexe féminin. La criminalité en ligne est ainsi un phénomène allant de pair avec l'essor de l'internet et des réseaux sociaux.
En France, l'arsenal pénal existe pour ce type de délit, et il ne demande plus qu'à être appliqué dans les faits. Les termes de cyberharcèlement et de cyberviolence ne se trouvent pas en tant que tels dans la loi du 4 aout 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui les reconnaît néanmoins, le harcèlement moral étant un délit à caractère pénal, l'utilisation d'outils numériques en constituant un élément aggravant. Après avoir légiféré à l'encontre du harcèlement scolaire au travers de la Loi pour une République Numérique le 7 Octobre 2016, le harcèlement se doit d'être reconnu sous la forme d'une loi qui instaure le droit des citoyens à la cyberdignité parce que, rappelons-le, la première valeur mise en avant dans la charte des droits fondamentaux de l'UE est la dignité. Et plus fondamentalement, le législateur se doit de qualifier la cybercriminalité dans le code pénal.
Le parcours du « citoyen victime »
Les citoyens qui font la démarche de porter plainte en franchissant la porte de leur commissariat de quartier, ou des services de la gendarmerie locale se heurtent à la présence d'un personnel peu formé, en incapacité de cerner le contexte et de qualifier l'infraction souvent classée sans suite, lorsque le dépôt de plaine n'est pas simplement refusé. D'autre part, les procédures d’enquêtes en aval s'avèrent difficiles compte tenue du manque d'effectifs qualifiés et de la territorialité des infractions. Le parcours du citoyen au fait de ces obstacles restera un moment de solitude et d'échec, le conduisant parfois , sous les conseils non éclairés de son moteur de recherche, à effacer toute preuve numérique et à ne rien pouvoir signaler. Il est d'autre part évident que les parquets très encombrés en matière pénale, considèrent les préjudices individuels trop faibles, avec un classement sans suite du délit.
Alors que faire ? En pratique, le Ministère de l'Intérieur a mis en place depuis 2013 des moyens essentiellement situés en Île de France, au travers du Pôle Judiciaire de la Police Nationale, de la Gendarmerie Nationale sous la forme de cyber-enquêteurs disposant de compétences uniques et visant à appuyer les unités locales. Mais seul le parquet de Paris dispose depuis l'année 2014 d'une section dédiée à la cybercriminalité, qui traite essentiellement des atteintes à l'encontre des services de l’État et des entreprises situées en Île de France. Face à ces contraintes, la protection des « citoyens victimes » passe par la définition d'une politique pénale nationale en matière de cybercriminalité, dotée de réels moyens au niveau des parquets et des services d’enquêtes.
Le rôle des plateformes de signalement et des opérateurs de télécommunications
Parce que l'internet ne doit pas devenir un far-west où chacun règle ses comptes et tente d'y faire régner la loi de la jungle, des plateformes de signalement des comportements infractionnels se sont récemment développées, et c'est tant mieux. Leur objectif est d'apporter des solutions aux victimes de petite taille, particuliers et TPE. Le dispositif
https://www.cybermalveillance.gouv.fr/ incubé en 2017 au sein de l'Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d'Information ( ANSII), permet aux « petites victimes » de trouver informations et assistance, par la mise en relation avec des prestataires de proximité. Ce dispositif, porté par une démarche interministérielle, indique avoir assisté environ 29000 victimes sur l'année 2018, 80% des utilisateurs étant des particuliers. Mais rappelons ici que si l'intention de l'utilisateur agressé est de déposer plainte, il lui faut conserver toutes les preuves de cyberdélinquance en sa possession et laisser sa machine en l'état, parce que la restauration d'un système d'exploitation dans un état sain ne bloquera pas les multiples failles utilisées par les attaquants (Chevaux de Troie, destruction de fichiers ....). Quant aux opérateurs de télécommunications, ils vont bientôt pouvoir rechercher dans les flux de trafic passant par leurs serveurs, les marqueurs indiquant des attaques ou des piratages et les signaler à l'ANSII, dispositif défini dans le projet de loi relatif aux opérateurs télécoms présenté en Conseil des Ministres le 8 Février 2018 et repris par l'ARCEP dans sa rubrique « Régulation ». Ce nettoyage des flux entrants par les opérateurs leur permettraient de tuer les logiciels malveillants avant qu'ils n'arrivent chez leurs clients. Ce dispositif servira-t-il à protéger leurs abonnés personnes physiques ? Nous n'en savons rien.
Au terme de cette analyse, soulignons que le but du cyberharcèlement est toujours de rendre la présence des victimes illégitimes dans leur univers numérique, alors que chacun et chacune d'entre nous devrait trouver dans l'utilisation de ces nouvelles technologies un espace de liberté inconditionnel. Ces nouvelles formes de violence psychologique traumatisante évoquent notre temps et notre histoire d'amour contrariée avec les NTIC qui parfois deviennent des outils de prédation et /ou de manipulation de masse, à l'encontre de tous les grands discours véhiculés sur l’éthique du numérique.
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