De la triste banalité de la barbarie …
Dans nos quartiers, les loups se déplacent en hordes.
Échirolles, le martyr de deux adolescents pour un regard de travers exprime la monstrueuse réalité de la déliquescence des repères du vivre ensemble dans nos quartiers de déshumanisation. Quand la limite est franchie, quand il n'y a plus de mots pour décrire le comportement de quelques individus sortant totalement de notre humanité quand ils se retrouvent en bande, nous sommes obligés de constater que nous avons collectivement failli, que nous avons laissé se constituer des hordes de loups au cœur même de notre pays.
Qu'est ce qui a enfanté ces monstres sanguinaires et si peu courageux qu'ils nieront systématiquement les faits comme ils le font toujours ? D'où viennent ces pulsions de haine et de mort ? Comment une société qui se dit civilisée peut-elle nourrir en son sein de tels humanoïdes abjects ?
Malheureusement, nous savons que nous avons laissé sur le bord de la route, dans nos écoles, dans nos associations, nos clubs et nos rues des gamins qui ont échappé à toute socialisation. Ils sortent du cadre, ils nous incitent à les repousser, les exclure, les sortir du modèle social. Ils sont souvent passés par un ou plusieurs conseils de discipline, ils ont découragé les plus vaillants, irrité les plus patients, détruit les moins solides d'entre nous.
Ils ont fini, après avoir transformé les classes en espace de désordre et de tension, de souffrance et tumulte, par quitter avant l'âge une institution impuissante à leur trouver une place, leur apporter une réponse adaptée. Face à leur violence qui dissimule tant de failles et de douleurs, nous sommes impuissants. Mais plus personne ne veut ni ne peut leur tendre la main ; trop méchants, trop agressifs, trop peu humains.
Ils errent d'établissement en établissement avant que de disparaître dans les cités pour passer de longues journées à tenir les murs, à trafiquer ou à semer la terreur. Ils se sont construits en dehors des règles et des lois. Ils se sont élevés sans foi ni dieu même si parfois ils ont son nom dans la bouche à tout propos. Ils sont seul maître à bord de leur petit univers chaotique.
Ils sont seuls, désespérément seuls au milieu de leur groupe de pareils. Pas de filles pour adoucir leurs mœurs abruptes et leurs propos sexistes ! Quand ils étaient dans les classes, petits tyrans tout puissants, ils ignoraient jusqu'aux prénoms de leurs camarades filles, comment voulez-vous qu'ils trouvent l'apaisement dans une relation amoureuse ? Pour eux encore, pas d'aînés pour recadrer leurs comportements et ouvrir des perspectives autres que la prison, la délinquance, le désœuvrement, la déliquescence générale. Ils ont découragé tous ceux qui ne sont pas de leur clan, de leur bande, de leur tribu.
Ils n'ont, pour unique perceptive que l'oisiveté ou la combine. Ils ne disposent d'aucune clef culturelle pour comprendre le monde. Les discours simplistes, les appels à la révolte, à la guérilla urbaine, à l'anarchie sociale sont pour eux des sirènes attirantes. Ils n'ont peur de rien, l'expérience leur a toujours donné raison. Personne pour les arrêter quand ils roulent sans casque, personne pour s'opposer à eux quand ils font des rallyes dans des automobiles surpuissantes. Personne pour venir empêcher leurs trafics au grand jour, chez eux, dans un espace de non-droit.
Petits coqs d'abord dans les cours de récréation, ils se font les muscles et un cœur de pierre. Ils ont appris les coups et les mots qui blessent, ils sont passés maîtres dans l'agression en bande, ils se sont fait horde sauvage. Ils écument de rage ils ont les yeux injectés de sang, ils se sentent invincibles au sein de ce groupe qui s'attaque à des être isolés. Ils frappent, ils donnent des coups de pied et de poing, de barre de fer et de tout ce qui peut leur tomber sous la main. Ils cognent, ils frappent encore et encore quand leur victime est à terre et se sauvent bien vite ensuite.
Nous les avons vu agir ainsi dans les cours de récréation. Un cercle se formait, une nuée agressive qui se croit courageuse fondait sur un plus faible, un « différent » et des coups s'abattaient avant que le nuage de criquets s'égaille. Depuis, ils ont simplement appris à frapper plus fort, à ne plus s'arrêter à la première goutte de sang, à ne plus craindre le surveillant. Ils sont sans pitié, sans humanité, sans dignité, sans conscience.
Ils sont pourtant des enfants de nos quartiers, des êtres de chair et de sang issus de notre société. Où le programme a-t-il dérapé ? Quand notre société a-t-elle perdu pied ? Pourquoi et comment ces enfants se sont-ils faits bêtes sauvages, fauves sans pitié ? Deux adolescents sont morts de la barbarie de quelques éléments, avatars indiscutables d'une civilisation qui a perdu la tête, le sens du bien et du mal et le désir collectif du vivre ensemble !
Ontologiquement leur.
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