De la valeur probante des contraventions à la volée (et la proposition de leur suppression)
Le député UMP André Wojciechowski a déposé une proposition de loi réclamant la suppression des procès-verbaux de contraventions dressés « à la volée » (sans interception du conducteur, tel que prévu selon l’article L 121-1 du code de la route), proposition dont il explique les motivations dans diverses interviews comme la suivante sur LCI.fr (lien).
Son argument récurrent pour contester la verbalisation de contravention au code de la route sans interception des conducteurs, c’est « un risque réel d’abus de pouvoir des policiers » car, dit-il, « n’y a qu’à regarder les chiffres, à Paris, [...] si 167 procès verbaux à la volée ont été dressés en 2006, en 2007, il y en a eu 2282. C’est une augmentation de 1266 % sur un an ! Cet abus de pouvoir, véridique ou pas, est dénoncé par de nombreux citoyens ».
Cet argumentaire est, évidemment, fallacieux : le député évoque une augmentation du nombre de verbalisation et en déduit qu’il s’agit d’abus, sans apporter la moindre preuve de cas d’abus (il évoque bien « la jurisprudence [qui] montre l’émergence de nombreux faits d’abus d’autorité » mais faillit à fournir donc des exemples de condamnations d’abus de pouvoir récents et fréquents). Pour preuve, il en appelle à la parole de « nombreux citoyens », à un groupe indéterminé (et donc invérifiable) et peut-être intéressé (les contrevenants). Il crie à « l’abus de pouvoir, véridique ou pas ». Véridique ou pas, comme si la véracité de l’accusation était secondaire.
Comme solution au problème guère démontré, notre député propose « la suppression pure et simple de ces PV à la volée. Ou alors il faut imposer une preuve évidente comme l’envoi d’une photographie ».
C’est une révolution dans la procédure pénale contraventionnelle que nous en fait le député, remettant en question l’article 537 du code qui s’y rapporte qui stipule que « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu’à preuve contraire. La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins ».
Le discours de fond du député, de facto, revient à estimer qu’une part non négligeable des agents verbalisateurs commettent des faux en écriture publique, faisant encourir à des dépositaires de l’autorité publique agissant dans l’exercice de leur fonction la peine de 15 ans de réclusion criminelle et 225000 euros d’amende (article 441-4 du Code pénal). Et la parade à ce travers serait de considérer comme simple renseignement leurs procès-verbaux, nécessitant des éléments matériels pour pouvoir entrer en voie de condamnation. Pourquoi pas. Il n’est pas impossible d’harmoniser les principes de procédures qui s’appliquent aux faits les plus graves (dans les procédures criminelles et délictueuses, les procès-verbaux, en effet, valent simple renseignement) aux faits les plus triviaux.
Mais si la parole des agents verbalisateurs est indigne de crédit pour le député, il n’est toutefois pas sérieux d’imaginer qu’il leur suffise de photographier une immatriculation. Qu’est-ce que cela démontre de plus que le procès-verbal, en quoi cela permettrait d’étayer la matérialité du fait réprimé ?
Non, il faudrait donc caractériser par photographie l’élément matériel de la contravention repérée. Mais une simple photo seule ne suffit pas à caractériser l’élément matériel de nombreuses contraventions : par exemple, comment démontrer avec certitude et une seule photo la réalité d’un non-respect des distances de sécurité, sans évaluation de la vitesse des véhicules ?
Par ailleurs, cela impliquerait que les agents verbalisateurs soient en permanence un appareil photo à la main. Il ne s’agirait plus d’agents verbalisateurs mais d’agents photographes.
Bien entendu, on voit mal ce que l’interception du contrevenant change à l’affaire : si des photos sont nécessaires pour une contravention à la volée, pourquoi les seraient-elles moins pour une contravention avec interception ? En quoi l’interception, où le contrevenant est identifié et se voit remettre un avis de contravention, ne s’agissant aucunement d’une voie de recours (en cas de contestation, le contrevenant à pour seul recours d’écrire ultérieurement à l’Officier du Ministère Public), change le crédit que l’on peut accorder ou pas aux agents verbalisateurs ?
La proposition du député est réalisable. Mais cette proposition est financièrement hardie (un bonheur pour les fabricants d’appareils photo) et aurait pour inévitable effet de rendre la démonstration de la plupart des contraventions, sinon impossible, très délicate. De quoi durablement engorger les tribunaux. De quoi offrir une permissivité routière peu en rapport avec la politique de sécurité routière peu transigeante mise en oeuvre ces dernières années.
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