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Accueil du site > Actualités > Société > Décroissance, vous avez dit décroissance ?

Décroissance, vous avez dit décroissance ?

 Si je donne à lire de nouveau avec des modifications et actualisations un article paru il y a très exactement un an sous le titre : « Décroissance, un mot qui fait peur ! », c’est que la décroissance est plus que jamais à l’ordre du jour !

En effet, les pays européens et les Etats-Unis sont avec la crise financière engagés dans une sorte de récession apparente qui occasionne une baisse de leur croissance économique, ce qui pourrait être considérée comme une forme de décroissance. Pourtant les grandes multinationales n’ont jamais dégagé autant de bénéfices et affichent des santés financières fleurissantes. Ce paradoxe s’explique avec la mondialisation qui a déplacé la croissance vers certains pays émergents, en particulier la Chine et l’Inde et, probablement à un niveau moindre, le Brésil.

Donc ce faux-semblant de récession ne touche pas le système capitaliste sur ses fondements, principe qu’il serait plus approprié d’appeler « capitalo-spéculatif », - je sais, l’expression n’est pas belle, mais comme cette conception de la société n’attire pas le respect pourquoi ne pas la qualifier avec cette dénomination significative.

Par conséquence le productivisme à tout va du capitalo-spéculatif ne profite en réalité qu’à enrichir le bas de laine de quelques privilégiés, perpétue et accentue l’esclavage moderne, tout en utilisant des pis-aller écologiques au service d’une productivité encore plus destructive. C’est pourquoi la remise en cause de ce principe et la recherche d’une forme de décroissance et le partage des richesses pour les pays développés s’avère de plus en plus nécessaire. Certains appelleront cela : « décroissance soutenable », je pense à Paul Aries, Vincent Cheynet et quelques autres qui préfèrent cette expression, pour ma part le terme Décroissance dans sa simplicité me semble suffisant. Ce qui implique une autre conception de la société, dans laquelle la consommation à tout prix de biens matériels ne sera plus une priorité, mais simplement au service du bien-être utile de chaque humain. 

Tout de suite beaucoup vont dire : « Tiens, voilà encore un petit malin qui veut que l’on retourne à la charrette à bras et qui sans complexe se sert de l’ordinateur pour écrire son article ! Et d’ajouter : « Eh, le frigo qu’est-ce que t’en fait ? »

Certes, la problématique semble paradoxale ! Et c’est bien là qu’il y a matière à réflexion. A l’évidence, il ne s’agit pas en aucune manière de vouloir remettre en cause et nier inconditionnellement les avancées technologiques, mais de savoir ce qu’elles peuvent véritablement nous apporter, comment les utiliser, comment les gérer, comment les adapter aux besoins de mieux vivre des humains sans qu’elles détruisent irrémédiablement l’équilibre écologique instable de la planète.

La prise de conscience actuelle, déjà un peu tardive, des peuples, des politiques, sur le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre en particulier, pour ne prendre que cet exemple, nous pose question sur la justification d’une croissance exponentielle. Car l’on sait que 2 0% de la population mondiale utilise 80 % des ressources naturelles. Et comme il n’y a aucune raison à ce que les 80 % délaissés ne puisse vivre avec la même soi-disant qualité de vie que les 20 % de nantis, nous allons donc dans un mur. Ce qui, en faisant abstraction des dégâts écologiques déjà prévisibles, peut aussi conduire à des conflits d’intérêts importants entre les populations. C’est donc aux favorisés de faire un effort et d’envisager leurs habitudes différemment afin de construire une société mieux répartie, et par conséquence de ne plus concevoir la productivité et le profit comme des priorités obsessionnelles.

Le premier constat est celui des matières premières issues des énergies fossiles. Nous vient donc tout de suite à l’esprit la raréfaction du pétrole tant cela inquiète le monde capitaliste, néanmoins, la plupart des minerais sont à la même enseigne. Particulièrement l’uranium qui est un minerai rare et dont déjà on estime les réserves aux alentours de cinquante-cinq ans. Si sous prétexte que le nucléaire n’émettant pas de rejet polluant on augmente les capacités de production, le prétendu bien-fondé de la crédibilité, de la pérennité de ce genre de générateur d’énergie sera à reconsidérer sous peu. Tout ceci sans parler du danger potentiel des centrales nucléaires et de leurs récurrents problèmes de déchets.

Normalement la nature qui fait bien les choses se régénère naturellement et aussi s’adapte parfois à certains changements biologiques, mais avec l’accélération industrielle des cinquante dernières années, elle ne suit plus, elle est totalement dépassée par un besoin de croissance qui n’est pas forcément un impondérable existentiel. Donc, avec un regard plus prospectif, il va falloir chercher ailleurs des solutions.
Très conventionnels, pour ne pas faire disparaître les habitudes de consommations à tout va de tout un chacun, cela afin de préserver le système ultra-capitaliste actuel, nos politiciens traditionalistes conseillés par des technocrates à courte vue ont pondu le concept du «  développement durable ».

Pour ne pas rompre le cycle de productivité infernale dans lequel nous sommes entrés, il suffira de continuer dans cette voie en tentant de préserver la planète par des solutions, disons écologiques dans certains cas et, dans beaucoup, prétendues écologiques. Chacun ira de sa petite éolienne, de son capteur solaire, de sa maison à l’isolation hyper performante, etc., sans que cela n’apporte véritablement un changement efficient ; néanmoins dans un autre contexte ces avancées technologiques au service de l’écologie ne sont pas à négliger. Le pire sans doute ce sont les agro-carburants qui semblent une priorité pour les sphères économiques états-uniennes et européennes tant leurs rapports spéculatifs semblent être juteux, mais qui risquent dans la conception que l’on veut nous proposer de créer des formes de pollutions non contrôlées. Dues aux engrais, pesticides, arrosages intempestifs, et n’oublions pas la prolifération des OGM qui est plus que jamais un débat du jour, qui ne se poserait d’ailleurs pas en sortant de l’agro-business. Si certaines de ses solutions ne sont pas à rejeter, au contraire, pour que leurs efficacités soient péremptoires elles doivent être liées à une consommation moindre. Par exemple, diminuer considérablement le parc automobile et favoriser la collectivisation des transports, impliquant naturellement une remise en cause du chacun pour soi.

Il s’agit donc bien de Décroissance et non pas de développement durable qui ressemble plus à une « fumisterie » qu’à une vue prévisionnelle sensée et à long terme de notre avenir.

L’écologie est l’un des maillons des solutions qui nous permettrons de sauvegarder notre planète, mais l’on doit donner la priorité avant tout à des valeurs humanistes et non à une société basée que sur un système économique « libéral » (je n’aime pas employer ce terme dans le cas du capitalisme car il est dévoyé) dont le but est d’engranger le maximum de profit. Donc déjà un nouveau regard sur notre vie de tous les jours, nos habitudes de consommation, notre rapport trop individualiste envers le monde environnant ouvriront la porte à une nouvelle conception du monde de demain.

Cela implique une politique nouvelle où les richesses seraient mieux réparties, donc : plus de services publics, une vue différente sur les moyens de transport, l’eau déclarée Bien commun de l’humanité avec une exploitation gérée par la collectivité citoyenne, et non dans les seules mains des sociétés multinationales, un recyclage des déchets géré aussi par les collectivités (méthanisation locale, par exemple), une conception de l’agriculture moins tourné vers la productivité, des moyens importants donnés à une recherche dont les objectifs ne seraient plus spéculatifs - problèmes liés aux brevets, entre autres -, une localisation de petites unités de production liées à plus de diversités, etc.

C’est donc à nous de réfléchir et d’ouvrir la voie à une nouvelle conception de la société, et ceci doit se concrétiser par une opposition au productivisme du système capitalo-spéculatif actuel.
 
 

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6 réactions à cet article    


  • wuwei 29 septembre 2008 13:57

    Revenir à une certaine tempérance dans la consommation est en effet nécessaire y compris en faisant de "l’accroissance " (ou décroissance) un véritable enjeu pour l’humanité. L’arrêt obligatoire de la gabegie actuelle devra également poser le probléme du "mésusage" des ressources. En effet est-il normal de payer le même prix pour l’eau selon qu’elle est utilisée pour boire, cuisiner ou se laver, ou pour remplir une piscine ou arroser une pelouse ? La même approche peut être faite pour toutes les autres ressources non renouvelables et pourtant essentielles à assurer une vie décente à la population.
    Cependant gageons que tous les bénéficiaires (médiatiques, politiques, économiques et leurs affidés) du capitalisme ne l’entendront pas ainsi. Il n’est qu’à les écouter se répandre en palidonies depuis quelques jours sur la nécessaire remise en ordre moral de ce systéme pour comprendre que sans notre volonté farouche de nous en libérer jamais rien ne changera. En ce moment l’occasion est propice, qu’attendons-nous ?


    • Mengneau Michel Mengneau Michel 30 septembre 2008 17:20

      Si je ne me suis pas engagé à fond sur la dénatalisation c’est que le sujet est vaste et aurait demandé des explications plus complétes. Je signale pour ceux qui ne le savent pas que ce fut Dumont qui l’un des premiers developpa le thème de l’arret de la croissance démographique. Dumont le précurseur de la réflexion écologique avait déjà envisagé diverses hypothèses sur notre avenir, dont cette thèse qui tout en étant discutable n’en reste pas moins d’actualité.


    • jjwaDal marcoB12 29 septembre 2008 22:05

      Joli article et très joli thème.
      Le problème est simple à échelle humaine. On peut choisir le végétarisme, les toilettes sèches, une
      consommation d’énergie minimale, ne prendre la voiture qu’en dernière extrémité en préférant la
      marche, le vélo, les transports en commun, produire un minimum de déchets, autoproduire au maximum, etc...
      Je fais tout cela et plus et je ne sauverais jamais le monde (même si nous étions des milliers ou
      millions).
      C’est facile, indolore, un peu déconcertant au départ, tout sauf infaisable.
      Le problème est bien différent à grande échelle.
      Avec les renouvelables (solaire et éolien par ex) nos réserves énergétiques sont infinies au regard de
      notre consommation prévisible dans tout futur concevable.
      Nous saurons les exploiter et donc aucune décroissance n’est imposée de ce côté (même si le meilleur
      kwh est celui qui n’est pas produit).
      Nous allons progressivement avoir un gros problème de matières premières que ne pourrons pallier
      le tri et recyclage le plus poussé que nous puissions réaliser.
      Clairement les dérivés du pétrole seront remplacés par des dérivés de substances naturelles (style amidon)
      obtenues via l’agriculture et des recherches seront nécessaires pour remplacer certains métaux par des
      matériaux organiques faits sur mesure.
      Nous avons un très gros problème d’empreinte écologique (en terme de surfaces nécessaires à notre style
      de vie) qui va devenir ingérable avec la banalisation du régime carné et les agrocarburants.
      En un siècle nous aurons causé plus de dégâts à la biosphère que la plupart des causes naturelles n’en ont
      fait.
      Nous avons pas mal de problèmes à résoudre et on peut penser que nos descendants auront de quoi s’occuper...


      • Blé 30 septembre 2008 07:48

        Voilà un thème qu’il est urgent de soumettre aux lobbyes, aux banquiers, aux journalistes en cheville avec les sphères politique, industrielle, économique et patronale.

        Bush pour aider son clan n’a pas hésité un instant à déclarer une guerre puis une deuxième et si nécessaire il en fera une troisième avant de céder la place à son successeur. Il peut le faire grâce à la complicité de l’aristocratie mondiale dont notre cher Président fait parti.(il a même reçu un prix made in U.S.A).

        L’écologie et les valeurs humanistes n’ont jamais quitté le coeur humain, elles sont simplement étouffées par la violence d’une minorité qui s’accapart tous les pouvoirs à la tête des états.



        • Gilles Ducloux Gilles Ducloux 30 septembre 2008 10:45

          Passionnant article en vérité ! Documenté et argumenté. Je rejoins le fond autant que la forme.
          Je rebondirai sur la question des sanctions et des indemnités qui vont (ou pas) être administrées à ces présidents de groupes financiers qui ont mis les USA dans le rouge hier, la CEE aujourd’hui et la France demain.
          Car enfin de quoi s’agit-il sinon de l’escroquerie la plus monumentale de l’histoire ? Les gouvernements vont-ils voter des plans de sauvetage à 700 milliards de dollars les uns après les autres ? Qui paie à la fin sinon nous, contribuables vaches à lait de la folie virtuelle du capitalisme aveugle ?
          Le système communiste s’est écroulé pour moins que ça. Un pas vers la morale collectiviste sonnerait le glas des libéraux. Continuons à brasser l’opinion.
          J’ai rédigé un article dans ce sens "Les colosses aux pieds d’argile" qui paraîtra prochainnement sur Agoravox. 
          Gilles


          • Bobby Bobby 30 septembre 2008 16:10

            Bonjour,

            Bon article, bonnes réactions !

            Ce n’est pas toutefois à nos descendants de réagir... c’est à nous et maintenant !

            En Belgique, il est possible, maintenant, d’investir dans le photovoltaique, une consommation d’un ménage standart de l’ordre de 1900 Kw/h /an peut être aujourd’hui compensée par une installation de panneaux solaires pour un prix actuel de 15.000 €... (12 m²) entièrement remboursés sur quinze ans et en obtenant des primes qui viendront allèger le débours du départ qu’il faut évidemment payer au placement.

            On peut se poser la question du pourquoi il n’y a pas eu de "rush" sur cette aubaine permettant de couvrir la presque totalité de sa consommation électrique sur l’année ?

            Sachons aussi que le budget alloué aux primes est en train de se réduire et se terminera dans peu de temps.

            Manque d’information ? probablement !

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