Décryptage de la Loppsi II
Et une de plus ! Loppsi II. Un nom sexy à la Avatar qui est pourtant loin de l’être quant à son contenu. Nous souhaitons tout de même la bienvenue à la 17ème loi inutile sur la sécurité, votée ce mardi 16 février par l’Assemblée Nationale depuis 2002.

La Loppsi II est donc une loi banale qui connaîtra la même inefficacité que les autres.
De la « communication » avant les élections, tel est le réel but de cette loi. Brice Hortefeux continue donc de mettre en œuvre la célèbre équation démagogique du gouvernement actuel : fait divers choquant = loi.
En effet, la Loppsi II prévoit, en réponse au meurtre récent d’un couple de retraités à Pont-Saint-Maxence dans l’Oise, d’alourdir les peines pour les agresseurs de personnes dites « vulnérables » (personnes âgées, enfants, handicapés…). Les vols commis contre ces personnes passeront donc de 5 à 7 ans d’emprisonnement et seront punis d’une amende pouvant atteindre 100 000 euros. Les peines concernant les vols accompagnés de violence seront désormais punis de 10 ans d’emprisonnement, contre 7 ans par le passé.
Hortefeux pense-t-il sincèrement faire baisser ces agressions en se contentant d’augmenter le nombre d’années passées en prison ?
Les faits nous laissent sceptiques. D’autant plus que le simple fait de s’attaquer à une personne « vulnérable » est déjà une circonstance aggravante prévue par le Code Pénal.
Autre apport de la loi : la multiplication de la vidéosurveillance (devenue « vidéoprotection » dans le texte). Ainsi, les préfets pourront autoriser l’installation de caméras en cas de « manifestations ou rassemblements de grande ampleur présentant des risques pour l’ordre public ». Hortefeux souhaite en effet que d’ici à 2011, le nombre de caméras soit porté à 60000 sur tout le territoire. Bienvenue dans « Loft Story » version « France Story ». Brice a dû oublier de lire les rapports démontrant l’inefficacité chiffrée des caméras de surveillance tel que le rapport du VIIDO (un service de Scotland Yard) présenté dans Le Guardian le 6 mai 2009 (et l’article d’Acturevue). Celui-ci montre que seuls 3 % des délits sur la voie publique ont été résolus grâce à la vidéosurveillance en 2006 à Londres. Le sociologue Tanguy Le Goff a également prouvé leur inefficacité en étudiant la méthodologie des rapports rendus en France qui, en manipulant les données, arrivent à nous faire croire que les caméras permettent de faire diminuer la délinquance.
D’ailleurs, Dominique Verdejo (directeur conseil de la société de vidéosurveillance Personal Interactor) ne sait plus comment justifier l’installation de caméras autrement qu’en avançant « qu’elles seront bien utiles lorsque nous aurons un attentat terroriste et je suis tenté de dire que ça va arriver, il ne faut pas se voiler la face ». Sans commentaire...
La Loppsi II donne également au préfet le pouvoir de décréter un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans entre 23 heures et 6 heures s’il les juge exposés à « un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité ». Cela peut paraître nécessaire et compréhensible ; mais encore une fois, il s’agit d’une « mesurette » purement démagogique puisque les maires ont déjà le pouvoir d’instaurer ce type de couvre-feu. La gauche dénonce un « pur affichage ».
Un chapitre entier a été consacré à la lutte contre la « cybercriminalité ».
La Loppsi II crée en effet un délit d’usurpation d’identité sur le net. Elle oblige aussi les fournisseurs d’accès internet à bloquer les sites pédopornographiques. Cette mesure est jugée inutile par Jean-Jacques Urvoas (PS), qui a souligné la capacité de ce genre de sites « à migrer d’un hébergeur à l’autre » contournant ainsi tout blocage. Par ailleurs, la loi étend les délais pour mener des écoutes téléphoniques. Enfin, les forces de l’ordre pourront placer des « mouchards » sur les ordinateurs des suspects. La CNIL reste très sceptique quant à ces mesures qui sont de potentielles atteintes aux libertés fondamentales des individus altérant leur vie privée si cette surveillance n’est pas suffisamment encadrée. Comment définir le degré de nécessité permettant cette intrusion dans la vie privée ? La CNIL souhaiterait que le gouvernement s’en tienne aux mêmes conclusions que la Cour Constitutionnelle allemande : « L’introduction clandestine dans des systèmes informatiques de logiciels espions ne peut être autorisée que s’il existe réellement des éléments présentant une menace concrète sur l’intégrité corporelle, la vie, la liberté des personnes, ou une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ».
Le gouvernement suivra-t-il l’avis de la CNIL ?
La Loppsi II est donc une loi qui d’apparence renforce la répression en créant de nouvelles incriminations (délit d’usurpation d’identité sur le net notamment) et en aggravant les peines (passage de 5 à 7 ans d’emprisonnement pour les vols commis contre les personnes « vulnérables » et pour les infractions les plus graves au Code de la route, une peine complémentaire de confiscation du véhicule est instaurée). Pour autant, toutes les autres lois sur la sécurité parues sous l’ère Sarkozy (en tant que ministre de l’Intérieur puis Président de la République, mais toujours chargé de la sécurité) se sont révélées inefficaces alors qu’elles ont toutes accentué la répression (création de la rétention du sûreté et des peines-planchers pour les récidivistes par exemple).
Hortefeux, avec la Loppsi II succède donc à Besson et au détestable débat sur l’identité nationale, qui s’est d’ailleurs avéré calamiteux pour Sarkozy.
Leur seule finalité étant de dissimuler le bilan désastreux de la politique économique et ses multiples conséquences sur le chômage et le pouvoir d’achat notamment.
C.Merlaud
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