Bordels masculins : révolution sexuelle ou sordide matraquage ?
Voici quelques semaines, la nouvelle avait fait grand bruit. Après plusieurs mois de débat, la justice du Nevada autorisait les hommes à se prostituer en maisons closes. Il faut préciser que le Nevada est le seul Etat américain où la prostitution est légale, une autorisation assortie de visites médicales obligatoires, désormais étendues et adaptées aux hommes.
Aussitôt, le Shady Lady Ranch, à l’origine de l’initiative, embauchait Markus, jeune acteur de porno : pour 300$ l’heure, Markus proposait ses services à une clientèle exclusivement féminine. Le jeune homme et ses déclarations fracassantes (il alla jusqu’à se comparer à Mahatma Gandhi !) firent la une des magazines américains et les patrons du Shady Lady Ranch étaient certains de l’effet de ce formidable coup de pub.
Deux mois plus tard, Markus et le Shady Lady Ranch décident de se séparer ! Séparation temporaire, nous promet-on, invoquant la pression médiatique et les relations difficiles avec les collègues femmes des bordels de l’Etat. La réalité semble tout autre : le Shady Lady Ranch, qui devait être le premier bordel pour femmes, a accueilli moins d’une dizaine de clientes en deux mois (dont quelques journalistes).
On peut dès lors s’interroger : les femmes sont-elles prêtes à payer pour une heure de sexe ?
Des femmes clientes de la prostitution ?
Si l’on en croit les magazines, l’accès des femmes à des relations sexuelles tarifées représenterait une véritable révolution : on parle de « retournement des rôles », de « transgression des normes », « d’ une véritable égalité des femmes avec les hommes », le signe de l’émergence d’une « société plus égalitaire, où les femmes sont enfin « autorisées » à concrétiser leurs désirs ». Bref, un progrès incontestable pour l’émancipation des femmes !
Les expériences en ce sens se sont multipliées. En 2001, un bordel pour femmes, « Angels », ouvrait ses portes en Suisse, non loin de la frontière allemande, et proposait une palette de services allant du « massage nu (40 francs suisses) à une prestation de 90 minutes avec acte sexuel (600 francs) ». A l’automne 2006, c’est à Valencia en Espagne, que Barbara, ancienne personne prostituée, devait ouvrir « Olé », un établissement réservé aux femmes. Enfin, aux Usa, bien avant le Shady Lady Ranch, la célèbre Heidi Fleiss, connue pour avoir géré un réseau d’escort girls à Los Angeles, annonçait l’ouverture d’un bordel pour femmes.
Autant de tentatives restées sans suite. Il faut donc l’admettre : les femmes n’ont pas envie de relations sexuelles tarifées et la prostitution demeure le fait d’une clientèle à 99% masculine. Certains invoqueront le poids des tabous et des interdits. Nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une question d’éducation : « Les femmes n’ont pas été éduquées à considérer les hommes comme des objets », explique la sexologue Carmen Teixa.
Quoi qu’il en soit, l’émergence de ce débat n’est pas un hasard. Au moment où un nombre croissant de pays prennent des mesures pour responsabiliser, voire sanctionner, le client de la prostitution, on vient nous dire que l’achat de relations sexuelles un modèle d’égalité pour les femmes ! Habile manière de brouiller le débat autour de l’exploitation sexuelle et de faire oublier ce qu’est la prostitution : il s’agit d’exercer un pouvoir sur un autre être humain et de le réduire à l’état d’objet.
Qu’il soit le fait d’un homme ou d’une femme, l’achat de sexe est inacceptable.
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