Des cabines d’essayage à La Poste
L’information – en forme de poisson d’avril, pourtant hors saison de pêche au canular – peut sembler cocasse, et même saugrenue. Elle est pourtant tout à fait sérieuse : la direction de La poste a décidé de mettre à la disposition de sa clientèle des cabines d’essayage dans les bureaux de la vénérable institution…
En l’occurrence, il ne s’agit pas d’essayer des enveloppes à bulles ou des emballages cartonnés destinés aux envois par Colissimo, mais bel et bien des vêtements ou des chaussures comme on le ferait dans un point de vente traditionnel : dans telle cabine, un caleçon ou une nuisette ; dans telle autre, des mocassins ou des bottines ; ailleurs, un pantalon ou une jupe, voire des chaussures de randonnée ou des charentaises. Certes, il ne s’agit pas de pièces exposées sur des portants ou sur des étagères aux couleurs jaune et bleu de La Poste, mais, vous l’avez deviné, d’objets commandés sur internet.
Étonnant, non ? En réalité, pas tant que cela : eu égard aux évolutions de la société, les dirigeants de La Poste ont pris la décision d’adapter leur entreprise à la spectaculaire progression du e-commerce et à la montée concomitante du nombre des colis qu’elle doit gérer. C’est pourquoi il a été décidé d’installer des cabines d’essayage au sein même des bureaux de poste de nouvelle génération. L’objectif est double : d’une part, limiter pour les employés le volume des livraisons à domicile ; d’autre part, faciliter et accélérer pour les clients les démarches de retour vers les sites vendeurs en cas de refus des marchandises livrées.
Les Belges étant des gens créatifs, comme chacun sait, de telles cabines d’essayage existaient déjà outre-Quiévrain, à la satisfaction de la clientèle. Désormais on en trouve également dans plusieurs régions françaises : huit bureaux expérimentaux disposent d’un espace dédié, baptisé « station colis ». Les clients peuvent y ouvrir le colis qui leur est adressé, en vérifier la conformité, puis essayer vêtements ou chaussures ; après quoi, ils peuvent déposer l’emballage afin qu’il soit recyclé si tout va bien, ou disposer sur place de matériel pour renvoyer le colis au site marchand s’ils ne sont pas satisfaits de leur essayage*.
Vive opposition des professionnels de la vente de proximité
En fait, ce ne sont pas seulement des vêtements ou des chaussures qui pourront être essayés par les clients, mais également du petit matériel électronique : chaque cabine, de couleur jaune, disposera en effet, outre d’un miroir et d’un siège, d’une tablette équipée d’une prise électrique afin de pouvoir tester la fonctionnalité d’un produit. Ce type de cabine devrait être généralisé au cours des prochaines années sur le territoire national dans les bureaux de poste de nouvelle génération**. Une innovation qui s’ajoutera à celles qui existent déjà, à l’image des consignes Duo, destinées à faciliter l’envoi et la réception de Colissimo.
Sans surprise, les porte-paroles de la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH) sont vent debout contre l’initiative de La Poste qui, malgré son statut d’entreprise 100 % publique, « encourage la consommation sur internet au détriment des commerces de proximité et de centre-ville », au risque d’accélérer le processus de disparition des « indépendants ». Une réprobation compréhensible. Pas sûr pourtant que l’émergence des « stations colis » de La Poste ait un quelconque effet sur les usages commerciaux, notamment des consommateurs d’ores et déjà accros aux prix bas pratiqués par des sites comme Shein, Temu ou Vinted.
Pour terminer, sourions un peu : pourquoi les têtes pensantes de La Poste s’arrêteraient-elles en si bon chemin dans la voie de l’innovation ? On ne saurait trop les encourager à aller encore plus loin dans leur démarche affichée de service à la clientèle. Par exemple en mettant en place un espace cafétéria, avec mise à disposition de la presse régionale du jour. Et pourquoi pas en offrant les services d’un spécialiste – vêtu, cela va sans dire, d’une blouse à logo de La Poste – des massages de détente du cou, des épaules, voire des pieds ? Soyez imaginatifs, mesdames et messieurs les administrateurs !
* Selon Statista, 39 % des Français passent des commandes sur Internet. Parmi eux, 44 % ont, en 2022, renvoyé au moins un produit acheté sur le web (cf. lien).
** Les communicants de La Poste parlent de 7000 bureaux équipés d’ici à 2027.
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