Droit de la consommation : un nouveau projet de loi
Le secrétaire d’Etat à la consommation a présenté un projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs en intégrant 25 mesures dans plusieurs domaines de la vie courante (logement, vente à distance…).
Petit panorama de ces mesures commentées par l’association e-litige.com.
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Frédéric LEFEBVRE, Secrétaire d’Etat chargé de la Consommation a présenté mercredi 1er juin en Conseil des Ministres le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
Selon le communiqué de presse, ce projet de loi est censé apporter des réponses concrètes aux attentes des Français concernant leur vie quotidienne et vise à donner aux consommateurs un meilleur contrôle de leurs dépenses contraintes qui représentent aujourd’hui plus d’un tiers de leur budget.
Les 25 mesures portent sur les principaux secteurs de la vie courante qui constituent des dépenses contraintes pour les ménages :
Télécommunications
Principales mesures
La principale mesure est l’abaissement du délai de désimlockage gratuit des appareils. En effet, les appareils vendus par les opérateurs sont le plus souvent bloqués pour n’être utilisable que sur leur propre réseau et ce pendant une durée de 6 mois à compter de l’achat de l’appareil. Au-delà le désimlockage est gratuit.
Le projet de loi propose de réduire le délai pour permettre le désimlockage gratuit à 3 mois après l’achat (mesure 1).
Autre mesure, réclamée par des associations de consommateurs, la mise place de dispositifs d’alerte et de blocage (mesure 2) afin de prévenir les factures incontrôlées et aux montants astronomiques (lire l’exemple).
L’avis de e-litige.com
On est très loin de révolutionner le secteur des télécommunications en imposant notamment une durée d’engagement maximale de 12 mois comme le souhaitait l’UFC Que Choisir (voir son communiqué de presse).
De notre côté, nous regrettons que rien n’ait été prévu contre un phénomène qui n’a cessé de se développer, celui d’imposer une reconduction de la durée d’engagement pour un changement de forfait, voir pour la simple souscription d’une option ou l’acceptation d’un « cadeau » (quelques heures de communications gratuites par exemple). Or si un tel renouvellement d’engagement est compréhensible en cas d’acquisition d’un nouveau terminal, rien ne justifie économiquement d’imposer un tel renouvellement pour un changement de forfait ou d’option, sinon faire barrage à la mobilité du consommateur et l’empêcher de faire jouer la concurrence.
Pire, la mesure visant à réduire la durée permettant d’obtenir le désimlockage gratuit des terminaux entérine une forme de détournement du système de désimlockage par les opérateurs et va dans le sens contraire des décisions judiciaires. En effet, le système de simlockage a pour objet de limiter les fraudes lors de la souscription d’abonnement en limitant les possibilités d’utilisation des appareils. Dès lors, si on peut comprendre une mise en place de ce système pour un nouvel abonnement, il est aberrant d’imposer un symlockage en renouvellement d’appareil, la fraude à l’abonnement étant dès lors impossible. C’est d’ailleurs pour cela qu’un juge de proximité avait jugé que ce qui devait être pris en compte, c’était l’ancienneté de l’abonnement et non la date d’achat du terminal qui compte (voir un article de l’UFC Que Choisir).
Logement
Principales mesures
La principale mesure est de majorer de 10% du loyer le solde du dépôt de garantie à restituer au locataire, par mois de retard, en cas de non-restitution dans le délai légal (mesure 7).
Il est également prévu de plafonner le dépôt de garantie à 1 mois pour les logements sociaux (mesure 9), d’organiser une procédure lorsque le locataire a été trompé sur la surface du logement loué (mesure 8) et mettre fin à la reconduction tacite des contrats de mandat pour les propriétaires qui laissent en gestion leur logement loués (mesure 10).
L’avis de e-litige.com
Alors que de nombreux problèmes perdurent dans le domaine du logement (question de l’accès au logement avec le coût du changement de logement (pourquoi ne pas réduire le préavis pour les zones où la demande est forte ou le délai de remboursement du dépôt de garantie à 1 mois au lieu de 2), le montant des loyers et les problèmes de facturation des charges, les dérives de certains professionnels du secteur…), les propositions, bien qu’intéressantes, restent limitées dans leurs effets et n’apportent pas de solution à bons nombres de problèmes dont nous font part les internautes sur notre forum.
Energie
Principales mesures
Les deux principales mesures dans ce secteur visent à permettre au consommateur de « contrôler sa consommation » en obligeant les opérateurs à dispenser des conseils tarifaires personnalisés gratuits (mesure 12) et à mettre en place des procédures de vérification et de suspension des factures anormales (mesure 13).
L’avis de e-litige.com
Le projet de loi passe à côté du problème principal des consommateurs aujourd’hui, c’est à dire l’augmentation exponentielle des prix de l’énergie et les mesures proposées font figure de pansement pour lutter contre une hémorragie.
La santé et la dépendance
Principales mesures
Dans le domaine de la santé, la première mesure est de permettre au consommateur de bénéficier du droit de rétractation et en encadrant la vente en ligne de lentilles de contact (mesure 14).
La seconde a pour objet de réduire le délai de préavis pour résilier les contrats d’assurance santé et d’étendre aux contrats d’assurance collectifs à caractère facultatif autres que ceux souscrits par l’employeur, les obligations d’information des consommateurs sur les facultés de résiliation existantes, pour les contrats individuels à tacite reconduction (mesure 15).
L’avis de e-litige.com
La seconde mesure nous paraît tout à fait pertinente, bon nombre de consommateurs étant « coincés » par des mutuelles de groupe alors même qu’ils n’en ont pas conscience et ne sont pas alors protégés par les dispositions imposant au professionnel d’informer le consommateur du renouvellement de son contrat.
La première nous laisse plus inquiet avec une multiplication des litiges à venir, les règles de la vente à distance comportant toujours des manques.
Le commerce électronique
Principales mesures
Les principales mesures concernent les problèmes avec les transporteurs en renforçant la possibilité pour le consommateur de vérifier l’état des produits livrés et en le protégeant en cas de non paiement du transporteur par le vendeur (mesure 20).
Le projet prévoit également doubler les pénalités au profit des consommateurs pour non respect du délai de remboursement des sommes versées en cas de rétractation (mesure 18).
L’avis de e-litige.com
Si l’on peut se féliciter des mesures concernant la livraison, on ne peut que s’étonner que la prise en compte de la faillite soit limitée à la vente à distance alors que le problème va bien au-delà de ce seul secteur, comme l’a démontré la faillite de VOGICA.
S’agissant de doubler les pénalités en cas de remboursement, là c’est une vaste blague s’agissant simplement de doubler les intérêts au taux légal et de passer de quelques euros à … quelques euros.
Plus globalement aucune mesure ne vient protéger les consommateurs des retards de livraison, de remboursement et des fermetures de cybermarchands alors même qu’il suffisait de généraliser un système existant, le paiement à l’expédition comme nous l’avions proposé lors de la liquidation de la CAMIF et de ShowRoom 2001.
Assurer le respect du droit de la consommation
Principales mesures
Deux mesures doivent favoriser cet objectif en protégeant mieux les consommateurs contre les clauses abusives et en renforçant et modernisant les moyens d’action de la DGCCRF.
L’avis de e-litige.com
La première mesure va clairement dans le bon sens, trop de professionnels faisant fi des règles légales et ce malgré les multiplications des associations de consommateurs pour faire sanctionner les clauses abusives.
La seconde, bien qu’intéressante, nous laisse sceptique : les services départementaux de la DGCCRF ayant été dissouts et intégrés dans un service plus large avec des moyens humains limités, il s’agit plus d’un vœux pieu que de mesures assurant une bonne effectivité du droit de la consommation.
Retrouvez l’ensemble des mesures sur ce document du ministère). Porjet de Loi Conso
Conclusion :
Lors de la présentation, le secrétaire d’Etat à la consommation a indiqué « Devant l’évolution très rapide des nouveaux comportements en matière de consommation, notamment dans le secteur des nouvelles technologies et du commerce électronique, nous avons un devoir de réactivité. Le projet de loi que j’ai présenté ce matin en Conseil des Ministres protège résolument le consommateur en lui donnant un meilleur contrôle de ses dépenses. Il dote l’Etat de nouveaux pouvoirs d’intervention pour que les préjudices subis par les consommateurs cessent rapidement dès leur détection. ».
Le discours est malheureusement bien plus ambitieux que les mesures intégrées au projet de loi en intégrant quelques avancées indéniables mais trop souvent mineures.
Par ailleurs, le risque que ce texte ne soit qu’un coup de communication du secrétaire d’Etat n’est pas à exclure, les élections présidentielles et législatives arrivant à grands pas et laissant peu de temps pour une adoption du projet par le Parlement.
Néanmoins, comme nous l’avions fait lorsque la proposition de loi pour renforcer les droits des consommateurs en cas de faillite était passée à l’assemblé nationale en 2009 (voir notre article de l’époque), nous mettrons à votre disposition un courrier comprenant nos propositions dans les différents domaines du projet de loi (plus particulièrement logement et vente à distance) et complété par des projets d’amendements.
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