Du consentement à l’impôt et autres symboles de l’Etat
Toute société organisée, structurée et, a fortiori, démocratique repose sur un certain nombre de fondamentaux : certains évidents, d’autres plus subtiles.
Parmi ces fondamentaux, celui du consentement à l’impôt. Curieux principe s’il en est. Le consentement à l’impôt est tout simplement l’accord tacite, éclairé et volontaire, à l’imposition. C’est-à-dire que chaque citoyen reconnaît et se soumet en toute liberté au versement d’une part des ses revenus pour le financement et le fonctionnement des frais relatifs à l’organisation de la vie en société. Etre consentant ne signifie pas être heureux, joyeux ou même réjoui, mais chacun reconnaît l’utilité sociétale d’une telle démarche. Ceci d’autant plus dans une société très centralisée et où l’Etat providence fait partie des acquis sociaux, fruits de luttes syndicales centenaires.
Cette nuit, le centre des impôts de Morlaix et la Mutualité Sociale Agricole ont été incendiés, selon les premières sources, par le mouvement des « Bonnets Rouges », agriculteurs en colère quant à la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, de leur revenus et surtout de la paupérisation de tout une partie de leur profession au fil des ans que la puissance publique n’ait pris la mesure de la gravité de la situation et du ras-le-bol.
Au-delà de l’événement malheureux qui pourrait être un simple acte de vandalisme, il est urgent de mesurer le sentiment de profond désarroi et d’abandon que ressent tout un pan de notre société. De plus, il est primordial d’avoir une lecture à sa juste mesure du symbole que peut représenter la destruction d’un attribut de l’Etat central et d’un renoncement symbolique au plus au point du « consentement à l’impôt ». Une société qui perd le sens de la fraternité n’a plus de légitimité à exiger la contribution de chacun à la solidarité nationale et au fonctionnement des institutions. Ce feu qui peut sembler circonscrit à un ilot de révolte est peut être plus présent que ce que l’on imagine dans une société en profond désarroi, dans laquelle le sentiment d’injustice s’installe durablement et profondément.
Au cours des trente dernières années, le travail qui revêt une double fonction, celle de fournir un revenu et de permettre une existence sociale, a été profondément dégradé et sous-considéré. Comment expliquer à un salarié, un entrepreneur ou un agriculteur que le fruit de son travail ne lui permet même pas d’en vivre dignement et honnêtement alors qu’il ne rechigne pas à la tâche, ni à l’effort ou au sacrifice ? Comment expliquer aux jeunes que leur premier contrat est souvent signé avec Pole Emploi ? Comment une société peut-elle se passer de l’expertise acquise et du savoir-faire quand, à 45ans, il devient quasiment impossible de rebondir professionnellement ? Enfin, comment expliquer aux nouveaux pauvres, de plus en plus nombreux, que les fruits de l’effort collectif sont si mal réunis quand les actionnaires des sociétés du CAC40 exigent des rendements 4 à 10 fois supérieurs au niveau de croissance nationale ?
Tant de questions qui doivent trouver des réponses, et des bonnes réponses, dans les plus brefs délais… C’est le constat d’une société malade, symptomatique d’un mal-être profond qui la ronge et dont les conséquences peuvent s’exprimer d’une façon beaucoup plus agressive et violente que ce que l’on imagine. En 2005, les émeutes de banlieue ont été reléguées à une simple question d’intégration. Le mouvement étudiant contre le CPE (contrat premier embauche) qui a suivi a surpris par sa puissance et sa radicalité. Les indignés à travers l’ensemble des pays de l’OCDE ont surgis à la face d’un monde qui ne s’attendait pas à voir apparaître une telle détermination et surtout un tel niveau de revendication et de contestation sociale. Aujourd’hui, la révolte des « bonnets rouges » doit être perçue comme participant d’un même mouvement de délégitimation des institutions, de lutte contre les inégalités et d’émancipation sociale. A cela, les responsables publics et politiques ne pourront plus répondre par du « marketing » mais bien par des réformes profondes et radicales, justes et comprises pour ne pas faire sombrer le pays là où il n’est certainement pas prêt à entrer…
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