Enfance volée à coups de poing
En 2006, 98 000 enfants et adolescents sont considérés comme en danger dont 19 000 signalés pour maltraitance selon l’Observatoire National De l’Action Sociale (ODAS).
Plus précisément, en 1998, 7000 cas de violences physiques sont détectés. En 2006, on en compte 6300.
Quelques chiffres qui témoignent d’une réalité cruelle sur le phénomène de la maltraitance et des violences physiques. Une réalité manifeste en France.
Un adolescent de 16 ans, rachitique et meurtri, fouillant les poubelles. C’est une image dont les habitants de Banuyls-sur-mer (Pyrénées Orientales) ont été témoins en avril 2009. Incarcérés, les parents du jeune homme affamaient et maltraitaient leur huit enfants, installés sous le toit familial.
Cette affaire témoigne des situations extrêmes dans lesquelles sont encore plongés les enfants, victimes de sévices corporels, psychologiques, et même sexuels.
PRESERVER LE LIEN PARENT/ENFANT
Parmi les formes de violences existantes, la brutalité physique envers l’enfant reste plus palpable, plus visible que les autres. Et donc plus reconnaissable.
Pourtant, les marques corporelles apparentes ne délient pas les langues des victimes.
Au contraire. "Le lien enfant/parent est très complexe. Car malgré les violences, la victime ressent un sentiment de loyauté et d’attachement envers ses agresseurs. Ce sont les parents, ceux qui ont la baguette magique et qui ont toutes les réponses" explique Dominique Brunet, docteur en psychologie et auteur du livre L’enfant maltraité ou l’enfant oublié.
C’est pourquoi les organismes de la Protection de l’Enfance s’efforcent de travailler avec les parents. Car la séparation permanente ne peut pas résoudre la situation. "L’enfant se construit avec ses parents, même dans un contexte d’insécurité. La séparation peut aussi être une forme de souffrance. " relate Anne Sylvie Soudoplatof, magistrate au sein de l’Observatoire National de l’Enfance en Danger (ONED).
UN SENTIMENT DE CULPABILITE
De nombreux signes comportementaux peuvent alerter l’entourage scolaire ou même sportif de l’enfant. Les victimes de violences familiales, peuvent se murer dans un mutisme et se réfugier dans la passivité, notamment scolaire. Et même devenir des éléments perturbateurs ou encore les "clowns" dans les classes. "Ce sont les moyens les plus classiques des enfants pour se construire un réseau social" poursuit Dominique Brunet.
Mais encore, les difficultés scolaires, la dépression, les troubles du sommeil, les états d’anxiété, les attitudes agressives... sont quelques-unes des répercussions sur l’enfant. Pour les plus petits, les dessins peuvent alerter en cas de mauvais traitements, la mise en image étant une manifestation de l’inconscient.
Des sentiments de peur, d’impuissance, et même de culpabilité envahissent les victimes. "Il est pas gentil, elle ne m’aime pas... les enfants s’expriment en termes d’affection, et non moraux et peuvent se sentir responsables" souligne Dominique Brunet.
Une opinion partagée par Barbara Walter, présidente du Conseil Français des associations pour les Droits de l’Enfant : "Un enfant qui subit des violences physiques peut penser qu’il les mérite".
Il est important d’apporter une juste évaluation aux situations, notamment en ce qui concerne les fessées en signe de correction.
Il y a une cinquantaine d’années, la correction physique était d’usage, aujourd’hui elle est discréditée. Pour Charlotte Mareau, psychologue de l’association l’Enfant Bleu, tout est question d’intensité. "Une fessée peut s’avérer être une violence physique selon la fréquence et la sévérité. L’enfant peut être sidéré, avoir peur et cette violence pourra altérer la construction de son rapport à l’autre".
UNE RECONSTRUCTION POSSIBLE
Pourtant, une reconstruction est possible. L’enfant évolue dans plusieurs milieux et peut se raccrocher aux aspects positifs de son entourage. Ou même s’appuyer sur sa force de caractère pour surmonter sa souffrance.
"La construction de la vie d’adulte se fait à long terme et rien n’exclut que l’enfant en grandissant face des rencontres "positives"" relate Barbara Walter. A bas les idées de fatalisme !
L’individualisme propre à chaque enfant détermine les répercussions sur sa construction en tant qu’individu.
Selon le caractère, la sensibilité, et même la fierté, un enfant peut dompter son traumatisme, ou au contraire sombrer dans le rôle de victime. Les ressources qui seront disponibles autour de lui pour le soutenir seront également déterminantes.
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON