Eric Halphen : le retour à l’essentiel
Eric Halphen a décidé de revenir dans la magistrature. Il a mis fin à sa période de disponibilité pour devenir l’un des vice-présidents du Tribunal de grande instance de Paris. Cette juridiction est présidée par l’un des rares magistrats pour lesquels j’éprouve une estime totale, compétence et autorité mêlées : Jean-Claude Magendie.
Il faut du courage pour se remettre dans ses pas anciens et à ce titre, déjà, je félicite Eric Halphen de ne pas s’être laissé dominer par la peur du ridicule.
Depuis sa mise en disponibilité et le succès de son livre Sept ans de solitude, j’avais eu l’occasion de le rencontrer à deux ou trois reprises sur des plateaux de télévision. Nous n’étions pas d’accord sur grand-chose mais j’avais apprécié sa gentillesse et son urbanité. Il y avait d’ailleurs comme un contraste entre l’expression, qu’il souhaitait sans concession, de ses idées et de ses convictions, et l’étrange flottement de sa personnalité. Comme si celle-ci avait du mal à se trouver sur la même longueur d’onde que les précédentes.
Il lui a fallu d’autant plus de détermination pour opérer ce retour au bercail qu’il avait quitté dans des conditions où il s’était donné exclusivement le beau rôle, affichant une sorte de lassitude indignée qui était du meilleur effet pour convaincre et séduire " le bon peuple " sans cesse à l’affût de tout ce qui pouvait laisser croire à un complot des puissants. La France déteste que les dysfonctionnements soient causés par l’incurie ou l’incompétence : alors, elle fabrique des méchants ou exagère leur rôle. Je m’étais permis de répliquer à l’époque, avec d’autres, qu’Eric Halphen avait beaucoup échoué de son fait et que rien n’est plus difficile que de se camper judiciairement dans une posture de justicier, parce qu’elle nécessite une impeccable technique qui, à l’évidence, lui faisait défaut. Pour ne pas évoquer le caractère délibérément grossier - et donc contreproductif - de la convocation banale adressée au président de la République.
Tout cela est du passé. Eric Halphen, avec beaucoup d’honnêteté, évoque le besoin d’avoir des revenus réguliers pour expliquer son retour. Il affirme avoir pris du recul. Même si dans un entretien qu’il a accordé au Parisien, il n’est pas loin de vouloir continuer à donner des leçons et à la magistrature et au pouvoir politique, je suis sûr qu’au fond de lui il a analysé son parcours chaotique depuis quatre ans et en a tiré les conséquences. Aujourd’hui, je veux croire qu’il ne se vit plus comme l’archange qui, dégoûté, a quitté des collègues qui ne le méritaient pas, mais comme un magistrat qui est parti et qui avait commis beaucoup d’erreurs, sur le fond et sur la forme. La modestie est sans doute venue heureusement dissiper l’arrogance subtile du contestataire d’hier.
Ce serait d’autant plus utile que de Jean-Pierre Chevènement au Parti socialiste, d’interventions en colloques, Eric Halphen a durant ces quatre années agi comme s’il ne devait jamais revenir. Sa crédibilité de magistrat est fortement atteinte, et ce n’est pas le fait qu’il nous indique "préférer de loin la candidature de Laurent Fabius" qui va la restaurer. Il me semble que, pour lui-même, il devra accomplir de rudes efforts, pour que le juge laisse le militant à sa place.
Il y parviendra, car même dans ses errements d’hier, il y avait une flamme, une tension et un élan qui n’existaient pas forcément chez des collègues qui ont quitté notre grand métier pour faire de la politique partisane ou gagner plus d’argent. Chez lui, à l’évidence, la passion de la justice était comme une brûlure.
Aujourd’hui, c’est une bienfaisante nouvelle, pour le monde judiciaire, que ce retour aux sources. Il y en a un, pas le plus médiocre ni le moins engagé, qui a compris où se trouve le coeur de tout. Le creuset où se téléscopent les détresses individuelles, le désordre et la fureur sociale et les rêves d’avenir. C’est aux magistrats d’ordonner, pour le meilleur, ce mélange détonant et d’éviter avec vigilance d’être responsables du pire.
J’aime ce retour à l’essentiel et je souhaite bonne chance à Eric Halphen à l’aube de cette nouvelle vie.
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