Etre contre avoir : le retour à la nature pour sortir du piège consumériste et bancaire
Tandis que l'hexagone jacobin voit jaune, on propose modestement sur cette plateforme les voies d'une renaissance spirituelle qui seule, à notre opinion, sera de nature à contrecarrer les tendances individualistes voire égoïstes des français, qui sont une impasse manifeste.
L'antidote au matérialisme qui a naturellement pour conséquence de réduire les français en servage bancaire et en compétition permanente est une société plus spirituelle voire immatérielle. Cela ne signifie pas que les revendications nécessaires, justes et urgentes ne doivent pas être satisfaites. Une fois satisfaites, il faudra bien se poser la question de la validité de cette civilisation de la bagnole et du supermarché.
Être contre avoir
La maisonnette n’avait pas été occupée depuis des années. Maison de vignes, délaissée depuis longtemps, la vigne s’ensauvageant au fil des ans. Le propriétaire n’osa pas demander une location à un local sans eau sans électricité, perdue dans les herbes folles et domaine des abeilles, guêpes, taons, criquets, mantes religieuses, fourmis, souris. Une présence humaine tenait amplement lieu de location.
Le premier magasin était à 35 minutes de marche. La seule chose à acheter était dans un premier temps l’eau en bouteille et quelques provisions pour la première semaine. Ensuite vinrent trois jours de nettoyage. Il fallut attendre un orage pour que la citerne reliée à la gouttière se remplisse. Vieux bidon d’essence rouillé colorant légèrement l’eau en jaune. Pour laver c’était suffisant.
La colline avait été abandonnée, par l’exode rural. La campagne et sa pénible routine ne retenait plus. La nature ainsi à son aise était devenue très généreuse. Pommiers, pruniers, poiriers, pruniers, vigne ensauvagée, mûres et autres baies, fleurs d’acacias et de sureau en beignets, noyers, châtaigniers, champignons en septembre. Se promener une heure permettait de revenir avec un trésor.
La maison se composait de deux pièces : une cuisine, avec le poêle à bois et une chambre. Les fenêtres étaient protégées par des moustiquaires renforcées en PVC vert (contre les abeilles). Trois souris avaient élu domicile dans la cuisine.
Au bout de 3 jours, sauf la porte d’entrée qu’il faudrait réparer, la maison était devenue habitable. La chambre donnait une fraîcheur et un silence impressionnants. Chambre bleu pâle, rideau pourpre, couvre-lit jaune-citron.
La vie sans électricité, sans lampadaire, sans veilleuse d’appareil électronique crée un noir profond, opaque. Seul le bruit des grillons, atténué par les fenêtres permet de se situer.
Dans la cuisine, on entend faiblement les souris qui vivent leur vie nocturne sans gêner personne.
Les premières nuits, ce silence est angoissant, presque pascalien, d’autant plus que le firmament magnifique n’est pollué par aucune grande ville significative à 200 km à la ronde. La voie lactée, le triangle de l’été et au petit matin, Orion à la fenêtre tournent, aiguilles célestes grandioses et majestueuses.
Puis, on prend goût à ce petit sifflement du silence total, à ce mur uniformément et fraîchement repeint à la chaux colorée. C’est comme si on était devenu soi-même un des rouages de cette mécanique lente et si merveilleusement huilée. La vue et l'ouïe étant abolies, reste l’odeur de la chaux, une légère touche de renfermé, l’odeur et la sensation fraîche du drap de lin lavé et séché la veille, étendu l’après-midi durant, sur l’herbe jaunie, dérangeant des criquets et attirant des abeilles qui viennent y boire en passant une goutte de précieuse eau.
La porte d’entrée donne plein sud. Cela signifie que les premiers rayons du soleil colorent le rideau de lila dès avant 5h44 et que dès 6h30, un léger ronronnement devient perceptible quand on tend l’oreille : ce sont les diligentes et infatigables abeilles qui donnent le signe de départ de la journée de travail de 14 heures et qui donnent honte de rester au lit. On fait maintenant partie du cosmos et il n’est plus question de mettre Dieu en retard.
Il n’en serait même pas question car, il faut aérer quand l’air est frais, nettoyer le sol de ciment dont l’humidité donnera en temps utile la fraîcheur nécessaire, aller chercher à 500 mètres de là à la citerne deux bidons de cinq litres d’eau non potable pour la journée, pour les ablutions, le nettoyage des carreaux et celui du sol.
Tout doit être fini avant 10 heures. Après la température monte très vite ; les abeilles et criquets se sont dégourdies et sont partout. Une guerre à mort oppose araignées et abeilles, l’une se précipitant sur l’autre malencontreusement prise dans une toile, les autres fondant sur elle en groupe, la déchiquetant, buvant ses humeurs et la laissant sécher, crucifiée au soleil implacable. Le monde des insectes est une jungle.
Les abeilles comprennent bien vite qu’une présence pressentie leur est bienveillante et voue une implacable haine aux arachnées. Les abeilles ne sont pas ingrates et ne piquent pas leur Dieu protecteur.
Par contre vers 17 heures quand la température extérieure dépasse 35 degrés, des taons kamikazes aux yeux rouges exorbités (chrysops relictus) fondent sur vous, ne vous lâchant plus, sorte de missiles de croisière “fire and forget”. Difficile d’échapper à la piqûre et au choc anaphylactique. Ce monde d’insectes impose la prise quotidienne de calcium et d’antihistaminiques. A chacun son heure dans ce monde dur et brûlant.
Après 10 heures, commencent les heures écrasantes, royaume incontesté du soleil. La montre devient inutile : horloge cosmique parfaite 6-12-6, midi comme évidence. Le matin se passe en activités domestiques et jardinage, midi en soupe froide ou en fruits, l’après-midi en méditant Valéry, le poète exact.
ICI VENU, L’AVENIR EST PARESSE.
L’INSECTE NET GRATTE LA SÉCHERESSE ;
TOUT EST BRÛLÉ, DÉFAIT, REÇU DANS L’AIR
À JE NE SAIS QUELLE SÉVÈRE ESSENCE…
LA VIE EST VASTE, ÉTANT IVRE D’ABSENCE,
ET L’AMERTUME EST DOUCE, ET L’ESPRIT CLAIR.
Entre 17 et 20 heures, la descente au village par les chemins creux et frais d’ombre dense, en bicyclette, vers le bar / billard. Là, une certaine “civilisation” rudimentaire renaît : on peut brancher l’ordinateur portable, recopier ce que le soleil a inspiré. On peut offrir une tournée, échanger des expériences potagères, tisser des liens que les deux parties savent précaires. Puis à la fermeture à 20 heures, le soleil s’étant couché 2 minutes plus tôt, on peut gravir en sens inverse la côte raide du talus. La lampe-torche est devenue nécessaire entre les aboiements de chiens et les stridulations des grillons. Les étoiles étreignent chaque jour un peu plus le coeur. On sait leur nom, l’histoire de certaines d’entre-elles. Le but de tout-ceci ? Retrouver la pulsation du Monde à défaut de son chant.
Ce monde appelle Valéry, nécessairement, Claudel et Alain ensuite.
Derrière les vignes ensauvagées, donnant de petites grappes non traitée et bourrées de pépins, commence une forêt de chênes qui pousse fragilement sur un filon d’argile presque pure. O don du ciel ! Après le 15 septembre la température nocturne chute en dessous de 15 degrés et il faut allumer le feu pendant la nuit.
Il devient alors possible de confectionner des tablettes d’argile de 5 mm d’épaisseur, d’y graver des vers de Valéry au moyen d’un style, les poser sur les braises rougeoyantes avant d’aller se recoucher.
Le matin ces tablettes sont cuites, et c’est comme si on les eût écrites soi-même : une lumière et un feu intérieur vous habite, bien faible aperçu de la lumière trinitaire qui pour certains sera la découverte d’après le dernier souffle, délice tranquille, horizon des sommeils, pieuse stupeur, espérance, invincible félicité.
FELIX, mot latin qui appelle dans ce lieu solaire, ivre d’absence, un chat, si possible pas trop remuant, qui ait appris d’apprécier chaque seconde comme une éternité, l’avenir avec paresse, goûtant en fin gourmet, les yeux clos de plaisir, l’espérance de son bonheur inéluctable.
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