Faut-il avoir peur des cryptomonnaies et des blockchains ?
Après avoir suivi un excellent séminaire organisé par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Trévise et Bellune dans cette belle ville de Trévise sur ce sujet devenu un incontournable, je me pose à juste titre la question.
Après avoir écouté les considérations du prof. Andrea Paltrinieri de l' Université d'Udine puis de Domenicantonio De Giorgio, Financial and Investment Advisor, ainsi que les implications légales et fiscales de ces dernières par le prof. Flavio Notari de la John Cabot University, eh bien, loin de moi l'idée d'investir quoi que ce soit en cryptomonnaies, ô combien trop volages depuis leurs quotations en bourse.
Ce séminaire m'inspire toutefois quelques réflexions probablement iconoclastes pour les adorateurs de cette nouvelle “religion”. Pour commencer, je suis indignée par la surconsommation d'énergie nécessaire à alimenter les blockchains, technologies d'avant-garde servant à générer les cryptomonnaies. En effet, rien que pour l'activité de “mining” des cryptomonnaies à travers les blockchains, on utilise actuellement près de 5% de l'énergie mondiale pour produire avec des ordinateurs hyper-puissants les nouveaux maillons de la chaine nécessaire à faire entrer des nouveaux clients sur le marché des cryptomonnaies.
On en est arrivé à un niveau où l'énergie nécessaire pour produire cette activité atteint des niveaux écologiques qui ne sont plus soutenables. La demande d'électricité pour la production des Bitcoins et autres cryptomonnaies est sur le point de dépasser leur valeur économique effective. Aujourd'hui, pour générer des bitcoins, plus de 30,14 Terawatt à l'heure (TWH) d'électricité sont nécessaires, pour alimenter la puissance de calcul utile à la production de la cryptographie garantissant la sûreté des transactions en Bitcoins & co, électricité produite à partir de combustible fossible puisque nous ne disposons guère d'autres ressourses avec le nucléaire dont on ne sait même pas inerter les déchets radioactifs pour des milliers d'années.
Le prof. De Giorgio nous assure que l'on inventera des blockchains moins consommatrices d'énergies dans un futur proche, mais en attendant, n'est-il pas scandaleux d'utiliser l'énergie fossile/carbone/atomique à une fin aussi futile ? Selon les nombreux investisseurs en blockchains - plus de 20 trillions de dollars sont investis par an dans cette technologie- cela en vaut la peine. C'est aussi ce que nous dit De Giorgio expliquant qu'il s'agit d'une technologie majeure qui changera la face du monde comme l'a fait en son temps internet. Sans doute, mais à quel prix et pour quel progrès ?
Le regard perdu dans un autre monde et recueilli sur sa prophétie, De Giorgio nous annonce avec ferveur - les blockchains sont-elles en passe de devenir un nouveau culte ? - que la technologie blockchain pourra être appliquée à d'immenses champs d'activités humaines car elle permet le stockage et la transmission de données transparentes, sécurisés et sans intermédiaire. C'est l'internet des transactions sans intermédiaire.
Elle agira comme plate-forme de gestion de transactions et d'échanges d'informations/données de n'importe quel secteur. On pourra donc développer des applications dans le processus d'innovation des entreprises, de l'administration publique, des banques, des assurances, dans l'agrifood pour la traçabilité des produits, dans l'industrie 4.0, dans la Santé Publique, et dans le Retail...Il nous cite par exemple le cas des notaires, dont on n'aura plus besoin bientôt, grâce à l'application des blockchains dans le secteur notarial. Les notaires demain pourront aller s'inscrire au chômage et penser à leur reconversion. Mais pas seulement, idem pour les experts-comptables, mais aussi dans l'administration publique en ligne où on n'aura plus besoin des fonctionnaires pour faire tourner l'administration, et cerise sur le gâteau, on n'aura plus besoin non plus des commis-vendeurs dans n'importe quel magasin...Il nous donne tout émoustillé l'exemple d'un futur magasin d'électro-ménagers où selon lui les portes seront grandes ouvertes et sans vendeurs, les acheteurs chargeront directement dans leurs voitures la dite machine (il parlait de lave-linge en l'occurrence) et c'est au moment de l'activer avec la technologie blockchain qu'il faudra la payer pour l'activer : sans activation blockchain, tous les objets grande consommation ne fonctionneront pas. Et tout cela, sans personnel.
Si cela peut réjouir les 150 mondialistes qui rêvent de mettre tout le monde ou presque au chômage (et qui investissent des trillions là-dedans pour gagner toujours plus) personnellement, un monde blockchain avec ses millions voir milliards de chômeurs provenant des administrations publiques, les vendeurs de magasins, les notaires et autres professions libérales, les assurances etc. plutôt qu'un progrès j'y vois une catastrophe humaine en devenir.
Si c'est cela qu'apporteront les technologies blockchains, espérons que cela arrivera le plus tard possible et profitons de ce monde encore humain avec qui échanger trois conseils avec le vendeur, votre pharmacien, votre notaire etc.
Il est clair que la mondialisation de cette technologie est porteuse d'un chômage apocalyptique. La question est : qui payera les pots cassés ? C'est à dire les dépenses sociales des millions de chômeurs en reconversion qui en découleront ? Comme d'habitude, car c'est ainsi que cela fonctionne pour le moment, cela retombera sur la société civile et ses politiques sociales.
Voilà pourquoi je crois qu'il est urgent de faire payer les coûts sociaux à qui achète une technologie pour l'appliquer dans son entreprise, afin qu'il devienne automatiquement le responsable légal et économique des licenciements que cela occasionera. Ainsi, qui achétera ces technologies pour les appliquer dans leurs entreprises devront payer ad vitae eternam les retombées sociales de ceux qui perdront leurs emplois pour leur fournir les moyens économiques afin de subvenir à leurs familles, au lieu de faire retomber sur l' Etat le coût humain du progrès technologique favorisant toujours la même élite financière, devenant toujours plus riche au détriment de l'humanité entière.
Peut-être n'ai-je rien compris ou n'ai-je vu - pessimiste quant aux retombées sociales - que le verre à moitié vide quand le prof. De Giorgio y a vu le verre à moitié plein ? Toutefois, je souhaite ardemment que nos sociétés se réveillent et exigent un nouveau contrat social 4.0 protégeant contre le chômage de masse qui se créé continuellement avec l'achat de robots et de nouvelles technologies faisant des hécatombes dans la main-d'oeuvre d'aujourd'hui et de demain.
Jusqu'à présent, qui a payé la suppression de millions d'emploi en automatisant les banques (caisses automantiques) les caissières des supermarchés (caisses automatiques) les robots dans les usines etc ? Toujours et encore l'Etat à travers les cotisations sociales alors que ces technologies ont profité à qui les a acheté et installé dans leurs lieux de travail. Nous devons, nous autres citoyens, nous faire entendre pour que justice soit faite.
Visiblement, nous nous acheminons vers une société qui aura un nombre toujours plus restreint de travailleurs. Les écartés du monde du travail (précaires, chômeurs permanents) survivront dans un avenir proche d'un probable revenu universel exigu qui leur permettront de vivre chichement et sans dignité dans un monde qui sera paradoxalement toujours plus riche.
Est ce la société que nous voulons transmettre à nos enfants et petits enfants ?
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