Féminicides et violences conjugales : retour sur l’année 2019
Féminicides et violences conjugales : chiffres, politique et recours. Retour sur l’année 2019
Les féminicides et les violences conjugales sont aujourd’hui au coeur des débats politiques et citoyens. Fléau actuel de la société, il touche de nombreuses femmes mais aussi leurs proches et tous les acteurs engagés dans ce combat pour les enrayer. Voici un rappel des faits à travers 3 points essentiels : les chiffres représentant la réalité actuelle ; la réponse et l’action engagée par la sphère politique ; les recours existants pour les victimes et leurs proches.
1 - Les victimes et les chiffres à retenir
Définition
Le terme féminicide est entrée dans le Petit Robert en 2015. Il s’agit d’un homicide, donc d’un meurtre, sur une femme ou une jeune fille quand l’acte criminel est essentiellement motivé par le sexe de la victime. Le meurtrier n’étant pas obligatoirement un homme.
Les atteintes pouvant précéder le féminicide et que peuvent subir les femmes au cours de leur vie (les hommes n’étant pas exempts bien-sûr) sont de différents types : violences sexuelles ; harcèlement sexuel ; violences conjugales ; outrage sexiste ; mariage forcé ; mutilation sexuelle ; harcèlement moral ; cyberharcèlement.
En chiffres
En date du 31 décembre 2019, 149 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint et 210 000 femmes ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles.
En 2018, 23% des femmes avaient entre 40 et 49 ans et 83,2% des homicides (hommes et femmes confondus) ont eu lieu au domicile de la victime ou du criminel.
Les décès ayant pour origine les violences conjugales concernent 47,7% de couples mariés et 22,1% de concubins.
Quant aux moyens utilisés, 31,8% des féminicides sont faits par armes à feu, 31,3% par armes blanches et 7% par coups avérés.
La Journée Internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes se tient le 25 novembre. A cette occasion, la Tour Eiffel s’est illuminée à minuit et des milliers de personnes ont défilé un peu partout en France, apportant leur soutien aux victimes.
Enquêtes et études
D’après les études de l’INSEE-ONDRP et de la Délégation d’Aide aux Victimes (DAV), les chiffres de 2018 sont les suivants :
149 homicides recensés et provoqués par le/la conjoint(e) ou ex-conjoint(e) dont 121 femmes (ce qui correspond à un féminicide tous les 3 jours) et 28 hommes.
Sur 213 000 femmes victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur (ex)partenaire sur une année, moins d’une sur 5 porte plainte.
96% des personnes condamnées pour des faits de violences sur leur conjoint(e) sont des hommes et 86% de ces victimes sont des femmes.
Sur un an et sur les 94 000 femmes ayant subi un viol ou une tentative de viol, 9 de ces victimes sur 10 connaissaient leur agresseur, 1 sur 10 seulement a porté plainte. Plus d’une femme sur deux ayant subi un viol ou une tentative de viol durant sa vie l’aurait subi avant ses 18 ans.
Il est à rappeler que les enquêtes menées sur ces tristes chiffres le sont en France métropolitaine dans des ménages “ordinaires” (ne sont pas prises en compte les collectivités telles que les foyers, centres d’hébergement, prisons ou personnes sans domicile fixe) et qu’elles n’incluent pas les violences verbales, psychologiques, économiques ou administratives.
2 - La réponse politique
Le 03 septembre s’est tenu le Grenelle des violences conjugales et des acteurs publics y ont pris la parole.
Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat en charge de la lutte contre les violences faites aux femmes avance qu’une révision du secret médical est justifiée afin que les soignants puissent signaler des faits de violences sans réprobation “quand une femme est en danger de mort [...] la priorité est de sauver la vie de cette femme”. Ces signalements dépendraient de l’avis fondé du professionnel et bien-sûr, de l’engagement d’avertir la victime concernée de la démarche engagée.
Fatima Benomar, membre du collectif #NousToutes, est défavorable à l’assouplissement de ce secret médical, qu’elle juge “contre-productif voire dangereux”.
La présidente de l’Union Nationale des Familles de Féminicide (UNFF), Sandrine Bouchait, estime quant à elle que les conclusions de ce Grenelle sont insuffisantes, notamment en ce qui concerne les mesures prises pour les proches des victimes.
Orientées vers 3 grands axes à l’occasion du Comité interministériel pour l’égalité homme femme, les actions principales à mener sont la prévention, l’accompagnement des victimes et la répression des criminels.
Dans le dossier de presse du Grenelle consultable en ligne, Edouard Philippe, 1er ministre, assure la mise en place d’un vaste plan gouvernemental avec 4 mesures phares. Marlène Schiappa l’appuie par ses propos : “le 04 octobre avec le premier ministre, nous lancions le Tour de France de l’égalité”. 55 000 participants au travers de 850 ateliers en France et en Outre-Mer ont pu faire entendre leurs attentes et leurs propositions, et ainsi mieux définir la “grande cause du quinquennat” qu’est la lutte pour l’égalité homme-femme.
Les facteurs permettant de mesurer ces inégalités comprennent le sexisme, la mixité trop faible dans divers établissements, les inégalités professionnelles persistantes et la persistances des violences.
Quant aux mesures phares énoncées :
1 - Transmettre et diffuser la culture de l’égalité (nommer un “Référent égalité” dans chaque établissement scolaire ; plus de mixité avec pour objectif 40% de filles dans les filières scientifiques d’ici 2020) ;
2 - Assurer l’égalité professionnelle tout au long de la vie (avec obligation de résultats sur l’égalité salariale dans les entreprises ; une augmentation du nombre de cheffes d’entreprises appuyée par un réseau national de mentorat) ;
3 - Permettre l’égalité au quotidien tout en garantissant l’accès aux droits à chacun avec un accompagnement plus intensif et plus adapté pour les femmes victimes de violences (en garantissant 5 000 places dans des hébergements d’urgence et d’accueil ; en développant les stages de prévention contre la récidive pour les criminels condamnés) ;
4 - Avoir un service public exemplaire (notamment en équilibrant mieux les emplois de direction d’Etat ; en faisant d’une priorité l’égalité homme-femme lors du G7 de 2019).
En effet en 2018, seules 18% des mains courantes ont abouti à une enquête, 80% des plaintes ont bénéficié d’une suite et sur tous les cas recensés de violences conjugales, 15% étaient des récidivistes.
Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, reconnaît que la “chaîne pénale n’est pas satisfaisante”. Une enquête interne de l’Inspection générale de la Justice menée en juin 2019 a mis en évidence de nombreux dysfonctionnements du système judiciaire dans la lutte contre les violences conjugales. Il faudrait donc impliquer plus encore les juridictions.
Le 5ème plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes (2017-2019) a établit 3 objectifs :
1 - Assurer l’accès aux droits et sécuriser les dispositifs visant à améliorer le parcours des femmes victimes ;
2 - Renforcer l’action publique ;
3 - Lutter contre le sexisme qui banalise la culture des violences et du viol.
La mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite d’êtres humains (MIPROF), par le décret n°2013-07 du 03 janvier 2013, instaure 3 actions essentielles :
1 - Rassembler, analyser et diffuser les informations et données relatives aux violences faites aux femmes ;
2 - Favoriser l’animation des acteurs publics et privés qui interviennent dans cette lutte ;
3 - Définir un plan de sensibilisation et de formation des professionnels concernant les violences.
3 - Recours des victimes : code pénal et associations
Approche juridique
Victimes ou témoins de violences, différentes attitudes sont à connaître et à adopter :
En cas de violence, ne pas hésiter à appeler le 17 ou le 112, surtout si la situation présente un caractère de gravité pour la victime. Répondre aux questions des forces de l’ordre avec précision est essentiel. N’intervenez que si vous ne vous mettez, ni vous-même, ni la victime en danger et qu’il vous est possible de stopper l’agression ou le harcèlement.
En tant que témoin, votre intervention ou non-intervention est légalement encadrée par le Code Pénal :
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Article 122-5 du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».
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Article 223-6 du Code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »
Tout acte sexuel (attouchements, caresses, pénétration…) commis avec violence, contrainte, menace ou surprise est interdit par la loi et sanctionné pénalement. (L’article 222-2-1 définit la contrainte et la surprise sur mineur).
Le viol est un crime (géré par la Cour d’assises). Les autres agressions sexuelles, l’exhibition sexuelle, le voyeurisme et l’administration de substances dans l’intention de commettre un viol ou une agression sexuelle sont des délits (gérés par le Tribunal correctionnel).
Le harcèlement sexuel, au travail, dans le couple ou dans toutes les situations de la vie, même si ce n’est pas un fait répété, est un délit. Il s’agit de mettre la victime dans une situation intimidante, hostile, offensante et de lui faire subir une forme de pression grave.
Le Juge Civil ou le Juge Pénal selon les cas, peuvent prendre des mesures contre les violences conjugales : expulser l’auteur des violences du domicile ; lui interdire de rencontrer ou de s’approcher de la victime et/ou de certains lieux ; autoriser la victime à dissimuler son adresse ; étudier et/ou modifier l’exercice de l’autorité parentale, les moyens visant à l’éducation et à l’entretien des enfants ; apporter une aide juridictionnelle à la victime afin de financer les frais d’avocats et d’huissier ; obliger l’auteur des violences à suivre une thérapie voire le placer en détention provisoire.
Approche associative
Les victimes, proches et/ou témoins ont également la possibilité de se tourner vers les associations :
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La FNCIDFF (Fédération Nationale des Centres d’Informations sur les Droits des Femmes et des Familles) qui dirige 114 centres en France, propose des services d’informations et d’accompagnement aux femmes victimes de violences ;
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La FNSF (Fédération Nationale Solidarité Femmes) est un réseau qui regroupe les associations féministes depuis une vingtaine d’années. C’est également elle qui gère aujourd’hui le numéro d’écoute national 3919 ;
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La fédération nationale GAMS qui lutte en particulier contre les mutilations sexuelles faites aux femmes et aux jeunes filles ainsi que contre les mariages forcés et/ou précoces
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Le collectif #Noustoutes.org, qui publie régulièrement des articles sur les droits des femmes, qui mène des enquêtes de satisfaction et répond aux questions posées par chacun et chacune
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Les plannings familiaux.
Il est fondamental que les victimes de violences conjugales acceptent de ne pas être responsables de ces situations et se départissent de leur culpabilité. Les seuls coupables étant les personnes commettant ces délits et crimes.
Il est également primordial de changer les mentalités, prendre part au débat, éduquer dès le plus jeune âge à l’égalité homme-femme, rejeter toute forme de sexisme. Nous l’avons vu, les origines des féminicides sont diverses et multiples et aucun geste ni aucune parole n’est à prendre à la légère.
Enfin, il faut encourager chacun d’entre nous à être vigilant, communiquer et poursuivre la lutte au quotidien contre toutes formes de violences.
Les numéros à rappeler : le 3919, le 17 et le 112, que vous soyez victime, témoin ou proche.
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