Fête de l’ennui, défaite de la nuit et de la musique

Il est 23 heures passées et je viens de rentrer de la soirée qui tous les 21 juin est censée être dédiée à la musique. Comme la plupart les Français citadins, je les ai presque toutes faites mais cette fois, quel ennui et je n’ai pas d’explication à part le temps maussade. Mais bon, je n’ose pas imaginer que qu’une fraîcheur du soir puisse expliquer cette morosité festive. A laquelle ont contribué les administrateurs locaux au nom du principe de je ne sais quelle précaution et qui ont annulé plusieurs scènes sur Bordeaux pour des raisons climatiques. Je ne sais pas où ces gens s’informent mais moi-même, ayant scruté les relevés radar et satellite de météo France, j’ai bien vu qu’il n’y aurait pas de pluie. D’ailleurs, le soleil est arrivé sur le coup de 21 heures alors que je prenais mon vélo pour rejoindre le centre-ville. L’avantage de ce moyen de déplacement, c’est qu’on peut parcourir en peu de temps les différents lieux où la musique se joue. J’ai pu ainsi comparer avec les autres années et surtout l’année précédente avec des groupes à tous les coins de rue, branchés sur les fils d’EDF et qui poussent le jam jusqu’au bout de la nuit. Avec tous les styles.
Cette année, ambiance morose, moins de monde mais toujours un effet foule, je n’ose pas dire foule sentimentale mais plutôt foule sans âme. Peut-être que c’était comme ça les autres années. Je n’y avais pas porté attention mais quand la musique est pas bonne alors on observe la foule. Donc, pour résumer, malgré un public assez dense, une impression de vide. J’ai connu des années où l’on était bloqué dans les rues piétonnes alors qu’un vacarme assourdissant offrait une impression de techno parade ou de happening seventies avec substances hallucinogènes. Un joyeux bordel. Des jeunes et moins jeunes festoyant, rigolant, dansant, avec sans doute les boissons euphorisantes mais bon, il est convenu que sans alcool, la fête est triste et la musique pas terrible devient ennuyeuse. D’autres fument la moquette. Les années précédentes, la fête tournait parfois à la beuverie, avec quelques bagarres mais rien de bien grave. Les vendeurs de canettes squattaient les ruelles. Depuis quelques années, le centre ville est sous surveillance. Interdiction de vente et aussi de consommation de liquides contenus dans des canettes métalliques et des bouteilles en verre. Bah, si vous voulez vous torcher, vous n’avez qu’à transvaser la vodka dans une bouteille d’eau minérale en plastique.
Mais, me direz-vous, je m’égare. La fête de la musique est consacrée à la musique. Oui, c’est vrai, c’est arrivé, quelques fois, quelques moments musicaux, quelques rencontres au bout de la nuit et de la rue et puis il y a la fête, les gens déambulant, la foule, l’ambiance, le sentiment d’être en communion avec les autres et de sentir cet irrésistible élan du peuple, même si c’est factice et pas vrai du tout car dans la foule, on est seul, sauf avec les amis qui nous accompagnent et avec les musiciens qui accompagnent notre désir de swinguer et d’échapper à la normalité de la vie contemporaine avec ses zones marchandes sinistres. La fête festive comme un ersatz de carnaval pour se fondre dans une irréalité sociale rêvée un soir de fête quand les gens se réunissent en laissant leurs masques de la vie conforme mais c’est raté, car les gens de la fête sont aussi coincés que les gens du boulot. Sauf que la fête est là pour nous faire oublier les réalités quotidiennes. Et cela a toujours été le cas pour moi sauf cette fois. Alors je ne saurais pas dire pourquoi ni élaborer de savantes analyses. C’est juste un ressenti, la fête à l’image de la crise sociale qui se joue actuellement. Mais ça va se passer et se guérir toute cette affaire.
Alors, cette fête c’était quoi ? D’abord quelques jeunes à Talence que j’ai entendu sur la fin dès 21 heures. Des jeunes de bonne famille auxquels sans doute les parents ont payé les cours à la rock school. Passons. Ensuite, à Bordeaux, vu les scènes annulées, je me suis rattrapé sur les Quinconces avec des trucs intéressant, sorte de groove électro techno orientalisante qui n’a rien à envier au krautrock mais c’était surjoué avec deux musicos et des bandes sonores. Les gens se déhanchaient. Bonnes vibrations. Un jeune dansant comme s’il volait dans une chorégraphie de Qi-gong. Le reste pas vraiment passionnant. Cours de l’intendance, un trio poussif poussant le blues rock avec un batteur assez fatigué et quelques clients sur la terrasse du bar. En face, un groupe de rock visiblement peu inspiré, pâle copie de Noir désir et d’autres clients sur la terrasse. Pour sauver la mise, un peu plus bas dans la rue, un quatuor assez déchaîné et ma foi, agréable à entendre sauf qu’il ne jouait que des reprises, Beatles, Cure, Eu-rythmiques et mimiques du chanteur assez doué comme les autres musiciens. Il me semble qu’ils étaient là l’année dernière. Le reste, des DJ, des sonos et du karaoké dans les bars pour sauver la mise et célébrer cette défaite de la nuit. Je n’avais qu’une seule envie, fuir ce lieu pas vraiment accueillant et très factice pour rejoindre mon chez moi et mettre quelques CD sur la platine. En revenant sur mon vélo, un peu de musique provenant de la place Alcales de Talence. Epouvantable. Des quinquagénaires jouant la rock attitude avec un chanteur qui chante faux et un guitariste incapable de pousser un solo. Mais bon, la fête de la musique n’a jamais été une vitrine pour la musique. Parfois, d’heureuses surprises mais quand les mairies s’en occupent, c’est souvent foireux pour ne pas dire calamiteux
Ma conclusion. France, pays de merde !
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