Fin de vie : « on n’a plus le droit d’avoir faim ou d’avoir soif » !
Nous tentons de sensibiliser notre classe politique sur les failles de la loi sur la fin de vie : la sédation profonde et continue sans nutrition ni hydratation. Ci-dessous la lettre que nous adressons à notre députée.
Noël approche, comme toutes les mamans du monde qui ont perdu un enfant, mon coeur saigne indubitablement, en ces périodes de fêtes. Chaque année, les restos du coeur ponctuent celle-ci, par une formidable mobilisation nationale. Leur chanson, telle une injonction, scande ces paroles : "aujourd'hui, on n'a plus le droit d'avoir faim et d'avoir soif" ! Ces paroles résonnent en moi, avec effroi. Certes, on n'a plus le droit d'avoir faim ou d'avoir soif mais, pour certains, on a le devoir d'avoir faim et d'avoir soif. Ces paroles, cette souffrance institutionnalisée, cette contrainte, est le passage obligé pour avoir un accès légal à la mort, depuis 2005. Vincent Lambert était resté 30 jours sans être alimenté, avant le tragique revirement de ses médecins, sous la pression de sa mère et surtout sous la menace de sa congrégation la "fraternité sacerdotale Saint Pie X". La fraternité, appuyée par "l'opus deï", est si puissante qu'elle est contrevenue, en toute impunité, à la décision du conseil d'état (plus haute juridiction administrative de notre pays), de libérer Vincent Lambert. Preuve, s'il en est, que la religion, parfaite antithèse de la foi, fustige la démocratie et bafoue la laïcité.
Cette cruauté, en habit de religiosité, de posture philosophique ou de pseudo humanisme, s'offre "pour pas cher", une bonne conscience : la souffrance des autres. Les patients dénutris sombrent dans des agonies inqualifiables sous les yeux traumatisés de leurs familles. La pathétique étude (journal Libération du 28/02/2014) de l'équipe clinique de l'hôpital Cochin, sur le cas de 25 enfants, nourrissons grands prématurés non viables, est à cet égard édifiante. Elle est un cri de douleur lancé par des parents, infirmiers, médecins, psychologues : "on a vécu l'enfer", "on arrivait plus à y aller", "cela a duré 18 jours", un médecin avoue : "au bout de 8 jours, la tentation de l'euthanasie devient lancinante"..... "dès que la peau se dégrade, c'est insupportable" !
Les intercesseurs de Dieu jugent le temps du deuil nécessaire pour les retrouvailles familiales et le détachement psychologique.
"Sciences sans conscience n'est que ruine de l'âme", déclarait Rabelais. Cette réflexion ne peut que fédérer. Cependant, chacun place la conscience où il veut, quand il veut. Cette notion intime, à géométrie variable, permet tout et n'importe quoi. La frontière si ténue entre le licite (laisser mourir) et l'illicite (l'euthanasie), génère des situations effroyables ! Que penser des fins de vie de patients en état végétatif chronique irréversible qui sont résistants et sportifs. C'était le cas, par exemple, de Patrick Koeffel, qui a résisté pendant 11 jours avec un corps dégradé, des signes agoniques insupportables, sous les yeux traumatisés de sa famille. L'épilogue de son calvaire fût finalement son euthanasie. C'est l'atrocité à laquelle le législateur nous condamne lorsque les progrès de la réanimation nous laissent dans cet espace temps qui n'est ni la vie, ni la mort. Cette condamnation à perpétuité peut être le lot de chacun d'entre nous, victime d'accident de la route, d'accident vasculaire cérébral ou d'arrêt cardiaque. Il est humain et légitime de réanimer dans l'urgence quelqu'un qui sombre dans l'inconscience. Il est, par contre, dans un second temps, inhumain et illégitime de le condamner à perpétuité dans l'enfermement de son corps ou dans le coma végétatif, alors que des lésions cérébrales profondes et irréversibles sont décelées, par IRM. La sédation profonde et continue jusqu'au décès, termes de la loi Léonetti Claeys de février 2016, est illisible pour les patients en EVC qui peuvent végéter pendant 5, 10 ou 20 ans, une fois leurs paramètres biologiques stabilisés. C'est, par ailleurs, une véritable énigme d'amorcer un compte à rebours, pour sédater, par rapport à une date inconnue de tous, celle de la mort naturelle du patient.
Je suis indignée que notre "combat" soit assimilé à une recherche de culture mortifère. Notre société se voit taxée d'égoïsme, d'individualisme, de consumérisme, comme une fin de non recevoir. Nos sachants vont jusqu'à opposer la réflexion à l'émotion, comme si nous étions constitués de pièces détachées. A l'air de la robotisation, on nous dénie le droit d'être simplement nous même, des humains.
Je souhaiterais, Madame la Députée, que la classe politique soit sensibilisée sur le sort des plus faibles d'entre les faibles, ceux qui sont condamnés à perpétuité, au silence et à l'indifférence. Les progrès de la science commanderaient que chaque citoyen s'exprime, sur ses propres souhaits, en cas d'inconscience, au travers de ses directives anticipées qui figureraient sur nos cartes vitales.
Madame la députée, sachez que ma posture n'est pas idéologique. Mon fils est resté 8 ans 5 mois et 12 jours dans un abominable coma végétatif, inconscient, avec des attelles, trachéotomisé, nourri par sonde de gastrotomie. Déglutissant à minima, il faisait des fausses routes permanentes qui provoquaient des étouffements dans ses propres glaires. Son agonie, sans sédation, sans nutrition et sans hydratation a duré 6 jours cauchemardesques. Elle a été dénoncée par Monsieur le député Jean Léonetti, initiateur de la loi qui porte son nom, dans son livre "à la lumière du crépuscule", comme étant un "laisser crever".
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