Frais de transport des adultes handicapés fréquentant un établissement : Pour la prise en charge à 100 % par la Sécu !
Le 1er janvier 2009, certaines CPAM (Caisses Primaires d’Assurance Maladie), notamment celle de l’Hérault, ont décidé de ne plus rembourser les frais de transport des adultes handicapés qui fréquentent des établissements ou services spécialisés (transports domicile-établissement), et ont suggéré aux intéressés de se tourner vers les Conseils Généraux pour demander une prise en charge au titre de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap). Ces caisses s’appuient sur le décret n° 2007-158 du 5 février 2007 « relatif à la prestation de compensation en établissement » [JO du 7/2/2007]. Rappelons que la PCH a été instaurée par la Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » [JO du 12/2/2005].
Dès sa parution, ce décret a suscité, à juste titre, la colère des familles et des associations. Celles-ci ont remarqué que la prise en charge PCH, à la différence de celle de l’Assurance Maladie, est plafonnée à 200 euros par mois (12 000 euros sur 5 ans), alors que les frais réellement encourus peuvent, dans certains cas, atteindre 1500 euros par mois. Depuis, les administrations ont multiplié les déclarations les plus rassurantes... Et les plus incohérentes ! Une savante confusion est en effet entretenue sur cette question par le gouvernement, et aussi par les dirigeants de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), afin de faire croire à l’opinion publique que la Sécurité Sociale et la PCH c’est la même chose. Bien évidemment, ces déclarations sont loin de calmer l’inquiétude des personnes concernées.
L’entrée en vigueur du décret, qui a déjà été différée une première fois d’un an, semble être à nouveau différée, et un groupe national de travail va être mis en place sous l’égide du ministère de la Santé le 23 janvier prochain... Mais ce groupe de travail n’a pour but que d’appliquer le décret du 5 février 2007, sans remettre en cause son principe !
Comment s’y retrouver dans cet imbroglio ? Il suffit de reprendre la question par ordre chronologique, en lisant les textes réglementaires et en examinant les faits.
Situation avant le décret du 5 février 2007
Les frais de transport des adultes handicapés accueillis en structure spécialisée sont remboursés à 100 %, après avis médical, sur critère médical. Cet avis médical est obtenu assez rapidement et les formalités à remplir sont relativement simples : certificat médical, devis, demande d’entente préalable. Il y a peu de contestations.
Les frais ne sont pas plafonnés (dans la mesure bien sûr où ils sont justifiés).
Après le décret du 5 février 2007
Depuis 1er janvier 2008, la Sécurité sociale s’est théoriquement désengagée. Ce décret a placé ces frais dans le champ des dépenses couvertes par la PCH versée par les Conseils Généraux.
Quelles sont les différences concrètes pour les intéressés ?
• La procédure pour obtenir la PCH est une véritable usine à gaz. Il faut remplir des dizaines de pages de documents et justificatifs divers, présenter un « projet de vie », etc. On doit exposer toute sa vie, et celle de sa famille, justifier tout... Il y en a pour des mois, voire des années de démarches en cas de contentieux. Les contestations sont fréquentes !
• La décision n’est plus prise sur critères exclusivement médicaux, mais sur un ensemble de critères médico-sociaux, et par une commission, la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) dans laquelle l’organisme payeur, le Département, est à la fois juge et partie... La tentation est donc forte, pour les départements en bute au désengagement financier de l’État, de faire des économies en restreignant l’accès à la PCH ou son montant.
• Les adultes handicapés, très nombreux, qui ont préféré conserver le bénéfice de l’ACTP (Allocation Compensatrice Tierce Personne) de la législation antérieure à la Loi Montchamp, souvent plus favorable, n’ont pas droit à la PCH, à moins de renoncer définitivement à l’ACTP...
• Même dans le cas le plus favorable, cette prestation est limitée à 12 000 euros sur cinq ans, soit 200 euros par mois. Le reste à charge pour les familles peut donc se chiffrer en centaines d’euros. Certes, il existe un Fonds Départemental de Compensation qui peut éventuellement intervenir, mais il s’agit d’une aide exceptionnelle...
La politique du gouvernement
Le 3 janvier 2009, Mme Valérie Létard, Secrétaire d’État à la Solidarité a affirmé « veiller à ce que la situation soit rétablie rapidement [en demandant] à l’Assurance Maladie de continuer à intervenir (...) Ce qui se passe dans l’Hérault est un cas particulier (...) Nous ajusterons la PCH pour qu’elle puisse couvrir les besoins les plus exceptionnels ». Elle a déclaré « agir pour que ces dépenses de transports, collectifs ou individuels, soient intégrées dans le budget de fonctionnement des établissements spécialisés comme c’est déjà le cas pour les enfants ».
Commentaires
Mme Létard demande à l’Assurance Maladie de « continuer à intervenir », mais en même temps elle parle « d’ajuster la PCH », ce qui en toute logique implique la fin de cette prise en charge par l’Assurance Maladie ! Et en plus, elle parle de transférer ces dépenses sur le « budget de fonctionnement des établissements spécialisés », lesquels ont déjà les pires difficultés financières... Par ailleurs, le Groupe de réflexion et Réseau pour l’Accueil Temporaire des personnes Handicapées vient de révéler que des personnes ont déjà été frappées par ces mesures dans d’autres départements que l’Hérault, et cela dès la parution du décret du 5 février 2007. Ainsi, une mère de famille des Ardennes qui ne pouvait plus payer les frais de déplacement a dû « se résoudre à accepter le placement à temps plein de sa fille qui dépérit depuis lors en internat ».
Une seule chose est certaine dans toute cette confusion : Le gouvernement veut remplacer le DROIT de tous par une AIDE, octroyée au cas par cas à ceux qui ont « les besoins les plus exceptionnels », en fonction de la couverture médiatique des situations personnelles !
Une seule solution peut être avancée, qui permette de répondre en toute équité aux besoins de toutes les personnes concernées : l’Assurance Maladie doit continuer à rembourser ces frais, comme avant la parution de ce décret.
Une pétition en ce sens est adressée au gouvernement, à l’initiative de trois associations : le CDTHED (Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et l’Egalité des Droits), l’ADEPO (Association de Défense des Polyhandicapés) et de l’association DSP (Droit aux Soins et à une Place adaptée). Elle sera mise en ligne très prochainement sur le site www.cdthed.fr
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