Fraudes sociales : la Sécu en danger !
20 milliards. C’est le montant de la fraude sociale estimé pour 2010 par Dominique Tian, rapporteur de la MECSS. Une somme égale au déficit de la Sécurité sociale dont la plus grande partie concerne les fraudes des entreprises et non celles des particuliers. Nos différentes collectivités excellent d’ailleurs dans les deux catégories ! Cependant « les patrons ne sont pas responsables mais victimes du travail au noir », pour le parlementaire.
« Une stigmatisation de plus » dénonce Marianne Moukomel, secrétaire de la fédération socialiste des BDR, qui remarque que les solutions du rapport concernent surtout les particuliers.
La fraude sociale. Un sujet qui fait couler beaucoup d’encre, excite les débats politiques et déchaîne les passions lors des conversations de bistrots ! Avec son rapport sur les fraudes sociales, Dominique Tian député des Bouches-du-Rhône et maire des 6ème et 8ème arrondissements de Marseille réanime les valeurs de la droite qui ont fait le succès de Nicolas Sarkozy en 2007.
Onze mois de travail, d’auditions et de recueils de données provenant de la Cour des comptes, des caisses de retraites ou des allocations familiales, ont suffit à la MECSS (Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale), que préside Dominique Tian, pour estimer la fraude sociale à 20 milliards d’euros en 2010. 20 milliards, soit l’équivalent du « trou de la Sécu » !
Souvent associé à la triche des particuliers, de l’immigré fraudeur et sa centaine de bambins, le terme « fraude sociale » désigne aussi bien celle des entreprises que celle des particuliers. Soit les rentrées et les sorties des comptes sociaux et d’ailleurs, sur ces 20 mds, entre 8 mds et 15 mds représentent le non versement des cotisations des entreprises contre 4 mds d’euros pour les prestations, donc les particuliers !
Coming out socialiste du député de la droite populaire ? Cette droite réputée dure, « les ultras de l’UMP » ? Pas vraiment… Puisque pour Dominique Tian, ancien gérant de société : « Les entreprises ne sont pas responsables mais victimes » avec la sous-traitance « de réseaux frauduleux de travail au noir ». Une thèse rejetée par Marianne Moukomel, élue socialiste à la mairie du 2ème secteur de Marseille et secrétaire fédérale PS en charge de l’emploi et du développement des Bouches-du-Rhône, qui voit dans la médiatisation de ce rapport et les solutions proposées une « nouvelle tentative de diviser les Français ».
Travail au noir : une plaie pour la Sécu !
Dans le rapport présenté fin juin à l’Assemblée nationale, Dominique Tian est aussi bien allé voir « du côté des recettes que du côté des dépenses ». Et surprise ! Les cotisations patronales et salariales font visiblement faux bond à la Sécurité sociale. Entre 10 % et 12 % des entreprises sont en infraction, « essentiellement dû au travail au noir », note le député. Des chiffres qui tranchent après les déclarations de Laurent Wauquiez sur le RSA comme véritable « cancer de la société ».
D’après le ministère du Travail, cinq secteurs, qui ne nécessitent pas de grandes qualifications mais requièrent une main-d’œuvre immédiatement productive, sont particulièrement touchés : les « HCRB » (hôtels, cafés, restaurants et bars) ; le BTP, les services à la personne (femmes de ménage, gardes d’enfants…), les travaux saisonniers et agricoles ainsi que le monde du spectacle.
Certains se mettent à leur compte sans pour autant être déclarés auprès des organismes sociaux, du répertoire des métiers ou registre du commerce. Concernant les salariés non déclarés, leur part serait de 5 % à 7 %. Au départ plus ou mois « toléré », le travail au noir s’est accru, allant des grosses magouilles aux extras pour arrondir ses fins de mois, ce qui accentue le déficit de la Sécu.
Notre région n’est pas épargnée par le phénomène : en 2009, la Provence révèle les résultats d’une vaste opération menée dans la région par une cinquantaine d’inspecteurs du travail qui ont ratissé divers secteurs d’activités. « 78 % des entreprises ciblées sont en infraction. Des sociétés non immatriculées qui ne font ni de déclarations sociales ni fiscales », explique le directeur du contrôle. Et c’était sans compter l’opération dans les restaurants de la Pointe Rouge avec « quasiment 100 % de fraudeurs ».
Concernant les fraudes des grandes entreprises, Dominique Tian les défend mordicus : « Parfois les entreprises ont trop de travail et délèguent des tâches à des filières qui utilisent le travail au noir, sans que le patron soit au courant », affirme le député. Difficile à croire pour l’élue socialiste qui note que « les salariés non déclarés participent largement au PIB et si on allait vers une régularisation cela reviendrait beaucoup plus cher ».
Le travail au noir reste une plaie dont notre pays n’arrive pas à se débarrasser malgré les mesures d’exonération de charges ou la baisse de la TVA dans la restauration. Et si le salarié embauché sans être déclaré est considéré comme une victime par le code du travail, le patron lui encoure 45 000 euros d’amende et 3 ans de prison !
Au niveau des dépenses de la Sécu : 4 milliards d’euros de prestations auraient été versées indûment en 2010. D’après une étude de la Cour des comptes en 2009, la fraude atteindrait les 675 millions d’euros et touche de manière inégale les différentes prestations. « N’oublions pas la récupération de ces sommes », rappelle Marianne Moukomel. Interrogé par Le Monde, le nouveau président de la CNAF (Caisse Nationale d’Allocations Familiales) estime que « la part la plus importante de ces montants a été récupérée » et que le préjudice final serait de « 170 millions d’euros ».
Un système qui pourrait faire « boom » ?
Pour le maire de secteur, il est temps de faire des économies ! Pointée ici la « surconsommation » des Français notamment en matière de santé. Pour exemple en 2008, un Provençal se faisait rembourser plus de 900 euros par an par le régime général de la Sécu, selon la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie et des Travailleurs), contre moins de 800 euros pour la majorité des régions françaises.
D’où la cinquantaine de suggestions pour lutter contre les fraudes qui a été transmise au gouvernement. Parmi lesquelles : le « FBI à la française » qui donne à la DLNF (Délégation nationale à la Lutte contre les Fraudes) les pouvoir d’aller vérifier de son propre chef les organismes sociaux, la prime de présentéisme à l’image de celle instaurée dans le milieux hospitalier marseillais ou encore le développement des contre-visites aussi bien dans le privé que le public…
Des mesures « qui concernent surtout les particuliers alors que leur fraude est minime », dénonce Marianne Moukomel. Pour l’élue socialiste, il faudrait éradiquer la fraude en « augmentant les effectifs des inspecteurs du travail, touchés par la RGPP ». Des agents « plutôt gênants pour les entreprises et qui pourraient aussi se focaliser sur l’évasion fiscale » estimée d’après Bercy à 16 milliards d’euros pour 2010 ! La lutte contre le chômage qui a connu une légère augmentation en mai « est prioritaire puisque c’est l’emploi qui apporte de l’argent à la Sécurité sociale ».
« Les gens sont capables de comprendre si on les responsabilise et qu’on les considère comme des citoyens », rajoute Marianne Moukomel. Lutter contre les fraudes, une condition sine qua non pour éviter « l’explosion du système », craint Dominique Tian et d’autres politiques et membres de la société civile.
Ce système solidaire, hérité du CNR (Conseil National de la Résistance), permet aujourd’hui avec ces quatre branches (maladie, accident du travail, vieillesse, famille) de donner une couverture sociale et des allocations aux Français. Un modèle, toujours envié par certains outre-Atlantique où Barack Obama, l’année dernière, a fait passer sa réforme de la santé a minima.
Pour voir l'interview, cliquez ici.
Coralie Mollaret - News of Marseille
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