C’est Eric Hazan, dans un livre passionnant, qui m’avait sensibilisé à l’importance du choix des mots dans le débat. Gageons que l’euro fort est plus populaire que l’euro cher… D’où mon choix de parler d’anarchie néolibérale, de parasites fiscaux, de désertion fiscale ou de camisole budgétaire. Le livre de Danièle Favari sur le traité transatlantique démontre que la guerre des mots aura lieu aussi sur ce sujet.

La guerre des normes nationales
Obstacles non tarifaires : la novlangue néolibérale veut connoter de manière négative
tout ce qui peut freiner les échanges entre pays. C’est pourquoi elle choisit le terme obstacle. Mais en réalité, il s’agit des
normes qui protègent notre santé et notre savoir-faire. Notez que si on utilisait ces termes, l’envie de les démanteler passerait sans doute assez vite…
Barrières : tout obstacle au commerce ou aux flux de capitaux doit absolument être disqualifié. Il faut donc donner envie de les supprimer,
comme toutes les frontières. En réalité, il ne s’agit que de
sas, qui s’ouvrent et se ferment, et permettent ainsi de contrôler ce que l’on laisse entrer.
Réduire les essais redondants et onéreux : encore une belle astuce sémantique des défenseurs du TAFTA pour biaiser le débat. Qui pourrait souhaiter maintenir des essais redondants et onéreux ? Mais, parions que l’opinion sera défavorable au fait de réduire la sécurité et l’inocuité de ce que nous consommons
Vers un nouvel ordre mondial
Mécanisme d’arbitrage (voir RDIE) : parce que soumettre la volonté démocratique à des experts lambda, qui, étonnamment, défendent le plus souvent les intérêts des multinationales, il faut représenter cela sémantiquement d’une manière plus attrayante. L’idée de mécanisme donne l’idée d’un choix neutre, objectif, technique alors qu’en réalité, cela revient à imposer l’idéologie des textes signés à un moment donné quelque ce soit la volonté démocratique des peuples. En fait, une mise en cage de la démocratie.
Un seul marché : c’est
un leitmotiv du TAFTA, la nécessité de créer un grand marché réunissant les Etats-Unis et l’Europe. Cette notion capitalise sur tous les présupposés positifs internationalistes : une plus grande facilité d’échanges et donc plus d’échanges avec les autres nations. Mais ce serait oublier deux points, le fait que ce soit
le marché avant tout mais aussi
la fin de notre capacité à choisir notre modèle de société.
Valeurs communes : c’est un des arguments traditionnels des défenseurs du TAFTA, un moyen d’utiliser et susciter la peur (de la Chine, de l’islam…etc) pour pousser les peuples européens et étasunien à hypothéquer la démocratie pour créer un seul marché. La seule valeur commune exprimée dans ce traité est la défense et la promotion d’un capitalisme dérégulé libéré de la contrainte démocratique et sociale.
Compatibilité de la réglementation : encore un terme technique qui semble porteur de bon sens et d’une certaine simplification de nos vies. Mais en réalité,
cela peut signifier se voir imposer la fracturation hydraulique des gaz de schistes en Europe, les OGM ou les viandes aux hormones venues des Etats-Unis. Tout le problème est qu’ici, il s’agit à chaque fois du
Plus Petit Dénominateur Commun, une course sans fin vers le moins disant normatif, environnemental ou social, au nom du profit des multinationales.
Demain, je reviendrai sur la guerre des mots contre les néolibéraux