Les gardes à vue sont devenues monnaie courante : 577 000 en 2008 dont moins de 400 000 ont donné lieu à des poursuites devant les tribunaux contre 337 000 en 2001 soit une progression de 71 % en 7 ans.
Outre la progression exponentielle des placements en garde à vue, il faut déplorer le traitement de plus en plus dégradant réservé aux prévenu(e)s : torture psychologique, privation de nourriture et d’hygiène, saleté des cellules... Me Caroline Wassermann, avocate, placée récemment en garde à vue pendant huit heures déclarait à sa sortie : "Les gardes à vue en France sont un scandale. Les chiens sont mieux traités à la SPA, parce qu’au moins, on leur donne une gamelle. Il faut que cela change, ou alors, il faut cesser de se targuer d’être la patrie des droits de l’homme."
Mais si la France se distingue par le côté inhumain de la garde à vue, elle se particularise en plus par l’aspect illégal de son régime de garde à vue et devrait bientôt être mise à l’amende par la Cour européenne de justice qui a déjà condamné la Turquie dans l’arrêt Danayan datant du 13 octobre 2009 en précisant qu’ « un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu’il subit…En effet, l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.”
La réponse de Guillaume Didier, porte-parole du Garde des Sceaux a été immédiate : "Ce que la cour exigerait, c’est le principe de l’accès immédiat à un avocat, ce que prévoit le droit français depuis dix ans, avec ce droit à l’entretien dès la première heure de garde à vue. Au contraire, cet arrêt consacrerait le système français."
S’il est vrai que la loi du 15 juin 2000 impose la visite de l’avocat dès la première heure de garde à vue pour informer le prévenu de ses droits ce dernier ne peut pas, cependant, prendre connaissance du contenu du dossier !
Peut-on alors parler d’assistance au sens entendu par la cour européenne ?
Cela ne semble pas être l’avis du bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, qui a estimé sur les ondes de France Infos que toutes les garde à vue étaient « illégales » en France et a poursuivi ainsi : « J’encourage tous mes confrères à faire annuler les procédures". Au cours d’un colloque sur la réforme de la procédure pénale, mardi 17 novembre, à l’Assemblée nationale, il a déclaré, par ailleurs, "Nous ne pouvons plus nous contenter de demi-mesures. Nos procédures sont nulles, selon la Cour européenne des droits de l’homme" (Le Monde du 18 novembre).
Alain Guilloux, secrétaire général de la conférence des bâtonniers lui a emboîté le pas en déclarant de son côté : « Le bâtonnier de Paris a raison. La conférence des bâtonniers de France partage d’ailleurs son point de vue. Lorsque les avocats rencontrent leurs clients pendant une demi-heure, ils ne connaissent rien du dossier, si ce n’est l’inculpation et le nom de la personne. Dans ces conditions, il ne s’agit que d’une défense de façade. Je comprends que le ministère de la justice soit inquiet des répercussions d’une telle jurisprudence sachant que les interrogatoires sont menés à charge contre les mis en cause. Si tous les avocats soulèvent la nullité de la garde à vue, la France a toutes les chances d’être condamnée par la Cour européenne. »
Alors, à quand une condamnation de la France par la Cour européenne de justice ?