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Accueil du site > Actualités > Société > Gare du Nord : chaleur matinale

Gare du Nord : chaleur matinale

Ethnographie auprès des SDF sédentaires d’une gare parisienne.

Ce document est tiré des notes de terrain rédigées lors d’une enquête sur la marginalité dans et autour des gares parisiennes du 10ème arrondissement. Les photographies et les situations rapportées ont été recueillies au mois de mars 2008.

Les dormeurs sont immobiles. Les passants sont rares (souvent des groupes de deux ou des solitaires, avec des sacs-à-dos, et parfois équipés d’une petite carriole). A 4h30 environ, la gare est ouverte. De 4h15 à 4h30, les taxis s’en vont peu à peu. En nombre de plus en plus important, arrivent sur le parvis des individus au pas lent, un peu voûtés, protégés du froid par des capuches ou des bonnets. Il fait froid et la gare matérialise l’espoir de se réchauffer.

Un matin, une seule colonne-radiateur était mise en route. C’est seulement vers 5h qu’une deuxième sera mise en service. Le fait d’être plusieurs complices de galère agglutinés sur un si petit espace facilite la communication. En gros, les uns ont passé la nuit dehors et cherchent à se réchauffer, les autres sont des voyageurs du matin ayant dormi à l’hôtel, qu’ils aient raté leur train du soir ou qu’ils soient venus la veille exprès pour prendre le premier train du matin.

Mais il n’y a là que les plus éveillés, ceux qui ont quelque part où aller. Ils attendent le premier métro. D’autres n’ont pas de projet, ils ne peuvent en avoir. On les retrouve dans une salle d’attente de la Gare du Nord, un petit carré formé de trois parois vitrées, avec deux colonnes chaudes au milieu.

Vers 6h30 du matin, les voyageurs classiques deviennent majoritaires. Ils occupent les quais et les petites tables où consommer des cafés. Les marginaux restent mais ne sont plus vraiment chez eux. Vers 8h du matin, L’arrivée des équipes de nettoyage sur le parvis donne l’occasion d’observer comment se comportent, quand ils sont dérangés, les SDF qui y dorment.

L’intérêt est de mesurer l’intensité de la sédentarisation, ultra-localisée, sur quelques mètres carrés. Un groupe de dormeurs habituels du Parvis de Gare du Nord est brutalement réveillé, sans ménagement, par l’équipe de nettoyage. Ceux-ci n’ont aucun geste hostile, ne leurs demandent même pas de partir. Le seul fait d’avancer avec leur jet d’eau désinfectant suffit à faire passer le message.

Les hommes commencent alors à enlever leurs sacs, duvets, cartons (entre le sol et le duvet, pour l’isolation). Mais ils n’ont pas le temps de toucher à leurs déchets. Les nettoyeurs les devancent, préférant visiblement ne pas perdre de temps, quitte à faire par eux-mêmes. Durant tout ce temps, ils restent debout sans rien faire, commençant à fumer des cigarettes. Ils se comportent comme des gens momentanément « mis dehors », mais qui ne s’éloignent pas car ils savent qu’ils vont bientôt pouvoir réintégrer leur logis.

Egalement publié sur http://gerard.rimbert.free.fr/spip.php?article56


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4 réactions à cet article    


  • Amada 13 mars 2011 14:12

    Bonjour,

    avez vous parlé avec ces gens ? Collecté leur histoire ?
    Je vous le demande car j’ai travaillé quelques mois dans un accueil de jour il y a quelques années et, le discours, ou la représentation, dominant était que leur situation était dûe à des problème psychologique... Et jamais que c’était leur situation qui générait des problèmes psychologiques alors que d’évidence c’était le cas pour nombre d’entre eux. Comme si on ne voulait pas voir le problème du logement, de la précarisation, etc.
    Sinon je vous signale cet article 
    Bien cordialement
    Amada

    • Gérard Rimbert Gérard Rimbert 14 mars 2011 20:45

      Bonjour,

      Oui, j’ai eu des discussions - formelles et informelles - avec ces populations. J’utilise le pluriel car il y avait parfois d’immenses écarts de position entre des personnages qui avaient en réalité un toit (en tout cas ponctuellement) et d’autres qui ne parvenaient même plus à retracer le fil de leur existence. C’était dans le cadre d’une enquête type « recherche-action » avec l’Observatoire Régional de la Santé d’Ile-de-France. Il faut que je prenne le temps de publier des aspects de cette enquête, à ma manière, ici sur AgoraVox et sur mon site.

      Pour en revenir à votre question, en effet, la « psychologisation » de l’affaire est doublement dramatique. D’abord c’est intellectuellement limité (on oublie le collectif, les politiques urbaines et de l’emploi... et on confond les effets psychologiques de la précarité avec une sorte de cause immanente, enfouie en profondeur dans l’individu). Mais surtout c’est terrible politiquement, puisque ça revient à dire que c’est une affaire somme toute privée, ou à la limite qui pourrait être traitée par des détections psy à la maternelle, comme Sarkozy proposait de le faire pour les délinquants. Cette thèse a été très légitimée par le bouquin de Patrick Declerck, Les Naufragés. Avec les clochards de Paris, traitant la chose sous l’angle de carences affectives. En voici une note critique qui est même un peu plus que ça : Emmanuel Soutrenon « Offrons-leur l’asile ! », Actes de la recherche en sciences sociales 4/2005 (no 159), p. 88-115.  En ligne sur Cairn :

      Gérard Rimbert

      PS : votre lien ne me conduit qu’à une demande d’identification

    • BOBW BOBW 13 mars 2011 18:30

      Ce qui est éminemment regrettable ,c’est que la plupart des lecteurs et posteurs et surtout les politiciens de théâtre préfèrent se diriger sur les titres chocs que sur les cas et problêmes humains difficiles 

      Rappelons nous aussi que notre roi  :-> avait promis aprés son élection, croix de bois croix de fer qu’il allait « supprimer ? » ou plutôt aider à disparaître les sdf.

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