Histoire des médias du Pontiac : de la rivière à la virtualité actuelle
Les moyens d’information et de communication pour une population vivant dans une région rurale du Québec sont primordiaux. Sans cette "voie d’accès", ce média, le développement et les échanges ne peuvent pas avoir lieu. Ce texte propose un bref historique des médias du Pontiac, allant des Amérindiens aux TIC. Il permet également aux lecteurs de s’aventurer sur cet immense territoire et, enfin, il lui permet de se questionner sur la virtualité, ou sur cette possibilité d’être un acteur inscrit dans un réseau aux embranchements multidirectionnels, tout en faisant preuve d’un certain immobilisme physique.
Le Pontiac est une région rurale du Québec, voisine lointaine de l’agglomération urbaine d’Ottawa-Gatineau qui compte un peu plus d’un million d’habitants. Voisine lointaine car même si le cœur du Pontiac ne se trouve qu’à une centaine de kilomètres de cette agglomération, le Pontiac se trouve dans une dynamique bien différente, avec sa population de 14 500 habitants dispersés sur un territoire immense faisant près de 13 000 km², ce qui lui donne une densité d’environ 1,1 habitant par kilomètre carré. Il est à noter cependant que la grande majorité de cette population, qu’on nomme pontissoise, habite le long de la grande et majestueuse rivière des Outaouais : « l’ensemble du territoire [habité] regroupe dix-huit municipalités étendues sur 4 177,82 km² et un territoire non organisé (TNO) qui occupe pratiquement 70 % de la superficie totale du Pontiac. »[1]
C’est justement de cette rivière que sont d’abord arrivés les premiers explorateurs européens et, par la suite, les premiers colons. Les Amérindiens qui y vivaient depuis des millénaires, notamment à l’Isle-aux-Allumettes, naviguaient également sur cette rivière, dans leurs canots d’écorce artisanaux, alors seule route principale pour tout voyage et excursion. Au tout début du XVIIe siècle, un certain Nicolas du Vigneau passa par le Pontiac via la rivière et raconta par la suite qu’il avait atteint en quelques jours une mer, qui s’avérera être les Grands Lacs. Or, c’est Samuel de Champlain, accompagné de ce même du Vigneau, qui, en 1613, remonta la rivière et rencontra cette fois la tribu algonquienne de l’Isle-aux-Allumettes et son chef Tessouat. De là naquirent les premiers échanges entre ces Amérindiens et les Européens. Le Pontiac venait d’être « découvert » et mis sur la carte. Deux ans plus tard, Champlain repartit, cette fois accompagné d’Étienne Brûlé, autre grand explorateur de l’époque, cheminant toujours par la grande rivière et ses affluents.
La rivière des Outaouais fut donc le premier média, dans le sens de moyen de communication et d’information, ouvrant la grande région du Pontiac. Rapidement, dans les années suivantes et selon le cours de l’histoire, aux sites de portage s’établirent des forts anglais, démontrant par cela l’importance de s’établir et de protéger cette rivière, cette voie d’accès. Les échanges se multiplièrent et le Pontiac, bien qu’étant méconnu des autres colons s’établissant plutôt le long du Fleuve Saint-Laurent, reçu toutefois quelques braves colons qui y venaient car ils y voyaient une région remplie de ressources naturelles et où il était possible de s’installer pour peu ou pas de frais.
Avec cette lente colonisation et avec l’essor de l’exploitation forestière, la région dessina ses premiers villages et ses premiers chemins. Les bûcherons accouraient dans la région en hiver et devenaient « raftsmen » au printemps. Le bois coupé en billots était assemblé sous forme de radeaux (cages). Ces radeaux descendaient la rivière des Outaouais, contournaient Montréal puis étaient dirigés vers Québec, pour un parcours total de près de 600 km. Ces radeaux étaient ensuite démantelés puis chargés sur des navires en direction de l’Angleterre. On utilisa ce moyen de transport jusqu’au début du XXe siècle.[2] Puis, inévitablement, avec l’industrialisation et le commerce, une voie ferrée apparut, nouveau média pontissois…
Le Pontiac Pacific Junction (PPJ) fut construit et incorporé en 1880. La rivière perdit peu à peu son rôle essentiel de voie d’accès par cette construction humaine caractéristique de cette époque. L’objectif était de relier Ottawa à Pembroke, deux villes actuellement dans la province ontarienne, mais en passant par le Pontiac, au Québec, et dans ses petits villages en pleine croissance démographique. Ce train créait des traits d’union entre ces villages isolés les uns des autres. Toutefois, la ligne ne se rendit jamais jusqu’à Ottawa, ni jusqu’à Pembroke. Son tracé le plus long (finalisé en 1888) fut d’Aylmer (à l’extrémité Ouest de l’actuelle ville de Gatineau) à Waltham, à environ 25 km de Pembroke.[3] Malgré le fait que le tracé n’était pas lié au réseau pancanadien, ce train fut tout de même dans ses premières années très achalandé par la population pontissoise. Cette voie ferrée, ne longeant pas les berges de la rivière, fit en sorte que de nouveaux villages connurent une expansion et que d’autres déclinèrent, comme ce fut notamment le cas avec Portage-du-Fort. Par ailleurs, Shawville, village situé à une dizaine de kilomètres de la rivière, profita grandement de cette voie ferrée et de sa gare construite tout près du village.
Toutefois, le PPJ connut plusieurs soucis financiers et lentement cette voie ferrée disparut, ne laissant dans la mémoire des Pontissois qu’un souvenir éphémère. Or, pendant ce déclin du PPJ, c’est l’automobile qui commença à obliger les gouvernements à construire de longues routes carrossables. Ce fut le cas avec la grand-route 148, qui encore une fois profita à Shawville, village sans cesse grandissant. Cette route était reliée au réseau routier en construction au Québec et au Canada. Cette route allait cette fois d’Ottawa à Pembroke, et empruntant par la suite d’autres routes, le conducteur pouvait aller se perdre dans l’immensité canadienne. La 148 passa également par d’autres villages, dont Bryson, Campbell’s Bay, Fort-Coulonge/Mansfield-et-Pontefract et l’Isle-aux-Allumettes. Cette route a vu depuis sa construction rouler des centaines de milliers de véhicules, y compris les immenses camions transportant le bois du Haut-Pontiac et les tracteurs lents allant de champ en champ au quotidien. Ce fut donc la liaison contemporaine, la veine principale qui nourrissait le Pontiac, en faisant circuler tous ces gens derrière leur volant. De cette route, naquirent d’autres routes, dont la 303 et la 301, allant vers le nord et se rencontrant à Otter Lake, lieu de villégiature notamment grâce à ces routes qui donnent accès à cette portion de territoire. La 301 poursuit sa route vers la Vallée de la Gatineau où elle rejoint la 105, qui part de Gatineau pour aller jusqu’à Maniwaki, puis vers l’Abitibi ou les Laurentides. Ces routes sont certainement la liaison physique qui forme le réseau le plus complet dans le Pontiac, dans le Québec, dans le Canada et au-delà.
Mais, voilà qu’une nouvelle liaison s’installe, une liaison virtuelle. Il ne s’agit pas de la télévision ou de la radio, qui ont certes fait des chemins, mais des chemins d’information unidirectionnels. Il ne s’agit pas non plus de la ligne téléphonique, qui traversera le Pontiac dès 1893 et qui créera également des chemins, mais des chemins cette fois instantanément bidirectionnels. Il s’agit plutôt d’internet et des TIC qui créent une panoplie de chemins multidirectionnels et multi-réseaux. Internet est accessible dans le Pontiac depuis quelques années, mais le projet est de créer une autoroute électronique moderne dite à large bande passante. Qu’est-ce que cela ? Il s’agit de faire entrer les entreprises et les citoyens du Pontiac dans le réseau, non pas pancanadien, mais mondial, et ce avec un accès haut débit qui permet d’utiliser le « net » à sa pleine capacité. Les gouvernements, provincial et fédéral, sont arrivés à la conclusion que sans ces réseaux à haute vitesse, « l’essor économique, culturel et éducatif des régions ne pourra se concrétiser à long terme. De plus, l’attraction, la compétitivité et la rétention des entreprises et des jeunes générations s’avéreront des défis majeurs de plus en plus difficiles à relever. » Il y a donc une nécessité d’utiliser cette nouvelle voie d’accès, cette nouvelle voie d’information et de communication. « La télémédecine, l’apprentissage à distance, la vidéoconférence, la surveillance vidéo, la diffusion de programmes télévisés numériques, les réseaux privés virtuels (VPN), la voix sur IP, les centres de télétraitement multimédia communautaires, le télétravail, le téléenseignement, l’accès aux services d’information gouvernementaux, etc. »[4] seront demain des réalités… et des obligations. Voilà le nouveau média du Pontiac.
Après ce bref historique des médias du Pontiac, sans vouloir tomber dans un dogmatisme, nous pouvons nous poser le questionnement suivant. La voie ferrée a fait de la rivière un espace de loisir et de villégiature : bateau à moteur, pêche, rafting, chalet donnant sur la rivière, etc. La route a fait en sorte que le PPJ a disparu car le tracé n’était pas profitable et coûtait trop cher ; le tracé a donc été remplacé par une piste cyclable en été et une piste de motoneige en hiver, devenant le Cycloparc PPJ, lieu de loisir, de sport et de détente. Internet et les TIC feront-ils en sorte que les routes deviennent des tracés touristiques, de loisir et de détente, sans utilité principale ? Questionnement qui paraît au premier abord un peu loufoque, mais qui peut être posé pour la santé de nos esprits, car nous devons nous projeter vers l’avenir et réfléchir à demain.
Nous devons reconnaître qu’il y a un péril écologique et que l’utilisation quotidienne de voitures en est une des causes. Aussi, nous devons reconnaître qu’il devient coûteux de se déplacer, avec la hausse vertigineuse du prix du pétrole. Vous me direz que l’ère du pétrole laissera place à une nouvelle énergie plus « propre » ; mais à quel prix pour ses utilisateurs futurs ? Sera-t-on donc contraint à l’immobilisme physique et sera-t-on encouragé à ne se déplacer que virtuellement ?
Ce questionnement nous mène vers le global, mais nous en voyons la preuve par le local. Le Pontiac s’est développé grâce à plusieurs médias, voies d’accès et de communication, et il doit construire sa voie dans ce nouveau réseau, tout en maintenant ses particularités locales.
[1] MRC/CLD du Pontiac, Pacte rural 2007-2014 – Plan de travail, 2007
[2] Thibaudeau, M., L’Histoire de Fort-Coulonge entre 1810 et 1900 :
http://www.fortcoulonge.qc.ca/dossiers/dossier_suite_16_11_1801-1900.html, 2000
[3] CLD du Pontiac, Histoire du PPJ : le chemin de fer du Pontiac : http://cycloparcppj.org/histoire.htm, 2005
[4] CLD du Pontiac, Réseau à large bande passante : http://cldpontiac.qc.ca/news/index.php?id_news=108, 2005
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