Islam : De arabica lingua
Islam : De arabica lingua,
Je m'autorise, faute de mieux, ce probable mais commode solécisme latin (une attestation chez Pline dans le vénérable Gaffiot me protège du barbarisme) car, faute de mieux, j'hésite à employer le terme « arabe(s) », au singulier comme au pluriel, car c'est en fait là le sujet qu'en dépit de mon incompétence notoire, je voudrais aborder ici, en faisant appel à la bienveillante complaisance de Hedy Belhassine qui avait, dans son blog de Mediapart, intitulé l’un de ses billets, fort éclairant et nuancé, « l'arabe », le 2 octobre 2013. Je prends la liberté de le faire, sans avoir eu le temps de recueillir son assentiment, car il m'a adressé un message, aussi aimable que bref, lors de la publication de mon blog du 2 juin 2016, où j'avais recommandé la fréquentation du sien (dans le Club de Mediapart) : « Nous avons l'un comme l'autre de bonnes lectures ! » m’a-t-il écrit hier !
Je ne publierai pas son texte si j'ai de sa part une réponse négative d'ici demain (ce qui est bien court !), mais j'aurais aimé le faire car je trouve ce texte plein d'enseignement, de raison et de modération dans un domaine où l'on trouve très rarement réunies de telles qualités. Je le fais d'autant plus que j'ai constaté, en revenant sur son texte qu'à cette époque, cet auteur n'avait que 28 abonnés, quoique son billet ait attiré de nombreux commentaires (43) mais qui, comme souvent hélas, versaient plus dans les querelles interpersonnelles que dans les réflexions générales. J'avais moi-même envoyé à l'époque envoyé des commentaires à son billet, mais sans avoir suffisamment perçu l'originalité et la qualité de son texte que voici puisqu’il a bien voulu m’autoriser à le reproduire.
« L’arabe,
C'est la seconde langue de France. Elle est usitée dans les familles, dans les cages d'escaliers, dans les quartiers. Elle domine dans les banlieues, dans les prisons. Pourtant, elle n’est pas enseignée à l'école primaire, elle est marginalisée au lycée, elle est réservée à une élite à l'université.
L’arabe en France est la langue des sous-scolarisés et des savants.
L’éducation nationale la considère comme une langue étrangère alors qu’elle fait partie intégrante du patrimoine culturel de millions de français. Pire, elle est poussée au rang de langue liturgique ou savante au même titre que l’hébreu, le provençal, le chti ou le patois berrichon.
Un boulevard pour les intégristes qui proclament : « Pour savoir l'arabe, apprenez le Coran ! ».
Un pétard à mèche lente pour le FN qui va un jour se pencher sur les ELCO et autres aberrations du système éducatif national.
Sacralisée ou bougnoulisée, cette langue n'est ni un facteur de valorisation ni une promesse d’ascension sociale. Pas de TV française publique en arabe (sauf quelques heures sur France 24 qui émet surtout à destination de l'étranger), à quelques rares exceptions il n'y a pas de radio laïque sur la bande FM ! La plus forte audience, Radio Orient lance cinq fois par jour l'appel à la prière ! Le PAF en arabe c’est 400 chaînes satellitaires parfaitement dés-identitaires. Le Français arabophone absorbe insidieusement la « vision » des monarchies et des dictatures orientales. Il devient malgré lui « concerné » par des préoccupations étrangères à sa nation. Il est dé-francisé à son insu. Il est « conditionné » à se passionner pour Algérie-Egypte alors qu’au fond de lui-même il vibrerait plutôt pour « Guingamp-Sochaux ».
L’espace culturel : édition, presse écrite, publicité, spectacles est inexistant ou importé parcimonieusement. L’Institut du Monde Arabe est trop souvent une vitrine des arts islamiques alors qu’elle devrait être la maison de la langue et peut-être essaimer sur le territoire.
Quel sera le paysage linguistique dans 20 ans ? Cette langue dite morte aura alors une audience unique au contenu sacralisé incontrôlable. On ne dira plus « Bonjour » mais « Que tu sois béni de Dieu et de ses apôtres ». On ne saura plus dire « Au revoir » (ila lika) mais « Dieu est avec toi » Toutes les phrases seront ponctuées de bondieuseries. Cette dérive de la langue est observée depuis quinze ans dans le monde arabe (depuis la déliquescence des régimes nationalistes et laïcs arabes : Egypte, Irak, Yémen et dans une moindre mesure Tunisie, Algérie, Liban, Syrie). Il s’en ressent une mainmise du dogme sur la pensée et sur le comportement quotidien d’une partie de la population française. Est-il possible d’être Français et penser Voltaire, Sartre ou Vialatte en langue arabe ? La réponse paraît affirmative puisque l’arabe est un vecteur de pensée comme toutes les langues, en réalité sa sacralisation et sa régression à la mode du 14ème siècle ne lui permet plus d’aborder avec neutralité les concepts républicains de la France d’aujourd’hui.
L’éducation nationale n’a pas anticipé le mouvement, elle est aujourd’hui dépassée. Pourtant Paris a produit bien plus de savants dans cette langue que la plupart des pays arabes. Mais l’arabe est devenu la langue des terroristes. Dans l’administration, son apprentissage est encouragé seulement dans la police et chez les gardiens de prisons.
Laisser une langue devenir l’arme d’un mouvement de pensée c’est prendre le risque d’une fragmentation politique. Tenter d’éradiquer son usage par la suspicion et la répression, c’est précipiter de mouvement car on ne tait pas une langue. » ?
J'ajouterai à son texte un commentaire qu'il avait donné lui-même à son propre texte et qui me paraît tout à fait éclairant et amusant à la fois :
« Anecdote : dans un magasin de meubles dont seule l'enseigne est prononçable dans toutes les langues, je faisais la queue pour commander un lit Grastzup. Derrière moi arrive un couple : voile noir intégral, masque de chirurgien blanc laissant percer deux yeux clairs, lui est un grand rouquin barbu en tenue pachtoune. Je maitrise ma surprise, puis de mon air le plus doux, je susurre : « Salam aleikoum ! ». Le visage de l'homme s'illumine, la réponse fuse en chapelet. Je marque une pose et lui dit en arabe : « Moi, je suis un hadj déguisé en mécréant ». Je rigole, marque une pause et ajoute en français « C'est ma tenue de camouflage ». Perplexe, le couple qui ne comprend pas l'arabe, préfère s'éloigner. ».
Réponse rapide de Monsieur Hedy Belhassine que je remercie vivement à nouveau :
« Merci pour vos compliments que je ne mérite pas. Je suis content que mon texte sur la langue arabe vous intéresse. Je l'avais publié sur mon blog en 2009 sous un autre titre. http://hybel.blogspot.fr/2009/12/la-langue-arabe-en-france-un-enjeu.html qui était le résumé de ma contribution de "candide" à un groupe de travail comprenant d'éminents savants. Ma vanité est d'être lu. Diffusez le comme il vous plaira. Cordialement, HyB.
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