Itinéraire de vie d’une très simple personne
La télévision ne nous dit rien, du moins peu de choses sur l’état réel de notre beau monde. C’est une chance d’avoir internet et de pouvoir s’exprimer librement, c’est une catastrophe de savoir que la population n’en profite pas et préfère aller s’égosiller sur certaines idioties traînant sur Youtube et autres. Qu’à cela ne tienne, cela ne me rebute pas malgré mon profond dégoût pour une partie de mes homologues humains, j’aime d’ailleurs les décrire dans tout leurs sombres desseins, c’est même ce que je vais faire.
Mr F., car nous l’appellerons ainsi, était né dans une petite ville d'un coin de la France pas très connu, mais il s'en accommodait parfaitement, si bien qu'il prit cette terre pour affection et qu'il ne la quitta jamais sauf pour quelques besognes sans importance. Ses parents étaient sympathiques et aimants avec l'enfant, comme il se doit de l'être lorsque l'on éduque son petit bout de chou. Quand il eut trois ans, Mr F. put s’amuser autant qu'il le pouvait avec son premier tricycle, puis à quatre ans, ce fut la découverte des petits soldats, puis à cinq ans arriva son premier jeu vidéo, comme pour toutes les petites têtes blondes. Il passait ses journées à écouter un lapin sur un écran, à écraser des fourmis qui ne lui plaisaient pas, à refaire tout le temps la même bataille.
Puis il fallut entrer à l'école, on lui apprit à compter, à écrire, à lire ; choses qui lui seront utiles pour s'intégrer plus tard dans la société. Au collège, il découvrit que dans le futur il devrait voter pour être un bon citoyen, en dehors de ce genre de choses éducatives, il fit également la connaissance des filles bien sur, et de tout ce qui peut aller avec. Il eut aussi de nouvelles distractions, les petits soldats se trouvaient maintenant dans les jeux vidéos et il débusquait les ennemis durant tout son temps libre en plaçant tout de même un film pornographique et une lecture de magazine intellectuel sur l'anatomie féminine le soir pour mieux dormir. C'était un adolescent très banal.
Enfin, il obtint sa majorité et put passer son permis de conduire qu'il dut repasser, mais il le réussit quand même et le tricycle avait désormais quatre roues, il faisait la fierté de ses parents avec ses études pas brillantes mais pas mauvaises non plus, il allait à l'université parce qu'il avait dix-huit ans et un Bac en poche, et donc que c'était d'une logique extrême. Il avait aussi prit des idées politiques à ses parents, en fait, toute son idéologie était copiée sur eux et il se disait que la meilleure façon de voter était celle qui l'arrangerait et que ainsi, il allierait l'utile et le besoin et qu'il vivrait très bien.
Quand il eut vingt-trois printemps et un beau diplôme en poche, il décrocha un travail intéressant dans une banque et une fille attractive dans une boîte de nuit, il n'avait plus qu'a perpétuer tranquillement sa famille tout en profitant de la belle vie qu'il avait mené jusqu'alors dans "le meilleur des mondes", bien qu'il n'eut jamais lu une seule ligne de Leibniz. Il n'aimait pas son patron mais se gardait bien de le lui dire, il tenait trop à sa nouvelle télévision pour ça, il n'adorait pas vraiment sa femme mais elle n'en savait rien, il comptait trop sur ses trois parties de jambes en l'air par semaine pour le lui avouer. A l'heure du journal télévisé, il suivait avidement tout ce qui concernait les salaires, la retraite et le sport, lorsque arrivait un reportage mondialiste sur la famine, il zappait en rétorquant que c'était indécent de montrer ce genre de choses pendant que les gens mangent, que de toutes façons, ce n'était pas sa faute à lui si des gens mourraient. Ainsi, la vie s'écoulait et il eut des enfants, des mômes dont il espérait bien qu'ils lui ressembleraient.
Mais ce ne fut pas le cas, il y en avait un qui n'était pas normal car il ne regardait pas le football, à la place il lisait des bêtises écrites par un certain Albert Camus, il avait d'ailleurs toujours été convaincu que cet homme là avait fondé un lycée qui avait pris son nom dans la petite ville qu'il habitait. Quoiqu'il en soit, Mr F. était très mécontent de cette progéniture indigne et le mit à la porte dès qu'il put légalement se passer de sa présence. Sa petite compagne n'avait rien dit car elle était bien d'accord avec son mari, même si cela la gênait un peu. Ils étaient persuadés qu'il se débrouillerait tout seul, ou alors il finirait hors de la société et ce serait bien fait pour lui.
Enfin arriva le temps de la retraite, son fils était devenu assez connu dans le milieu de la littérature, ce qu'il considérait comme tout à fait inutile car écrire n'est pas un métier, la banque était beaucoup plus honorable car elle garantissait le bien être aux bons citoyens et le rejet de ceux qui ne méritaient pas de s'en sortir, pour lui, tout cela avait une logique. Faire un livre, qu'était-ce donc que cette idiotie ? Le seul papier qui avait de la valeur était un billet de banque, voilà tout.
La vie se finissait pour Mr. F, il était content de lui, de sa petite vie bien menée au service de l'Etat et de l'organisation des hommes, il allait avoir un bel enterrement à la fin de sa retraite paisible souvent passée dans un camp de vacances au Maghreb. Il était donc mort, anonymement mais fièrement, lui le courageux, lui l'homme qui s'était dévoué toute sa vie auprès de ce qu'il aimait, seulement de ce qu'il aimait.
Mais qu'avait t'il fait réellement ? Il avait tué, bien que ce ne fut qu'une fourmi, il avait aimé la violence, bien que les petits bonhommes et les soldats virtuels n'eurent rien de réel. Tout cela en étant enfant, quel comble pour l'incarnation de l'innocence ! Il s'était aussi révélé voyeur et très pervers durant son adolescence, est-ce pire que de violer que de prendre du plaisir à regarder la destruction des dignités ?
Et comment pouvait-il croire qu'il vivait dans un monde parfait ? Car tout ce qui était différent lui était indifférent, tant que le faible pourcentage des hommes qu'il appréciait vivait bien, il était heureux, car c'était un incroyable égoïste qui ne voyait que ce qu'il voulait voir. Ainsi, il n'a jamais voulu entendre que des choses n'allaient pas, et n'a t'il jamais rien fait pour changer quoi que ce soit, les gens pouvaient mourir sur son palier que ça ne le faisait même pas frémir. Il était donc un assassin, bien qu'indirect.
Il était très fermé à toute forme de réflexion, pour lui, tant que l'on était pas au somment d'une hiérarchie, on n'avait rien à dire, rien à penser car il y avait des gens qualifiés pour ça et d'autres qui ne l'étaient pas, ceux d'en bas n'ont qu'a subir. Et ceci, c'est ce qu'avait imaginé George Orwell il y a quelques décennies dans un livre bien connu.
Enfin, il était le genre d'hommes que l'on attirait seulement avec l'appât du gain, une sorte de mercenaire qui pouvait bien vendre jusqu'à son âme pour avoir un peu plus de possession.
C'est donc ce genre de personnes qu'ils veulent que vous deveniez, à ceux que cela ne rebutera pas, vous êtes le genre de salauds que Sartre s'amusait à décrire, aux autres, c'est bien, maintenant il va falloir agir pour ne pas tomber dans un gouffre assez profond pour accueillir tout le monde.
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