Jacques Attali : avocat superficiel et méprisant de l’immigration
Le patronat a toujours été très accueillant à l’égard des migrants, comme Pierre Gattaz l’avait montré au pic de la crise migratoire en 2015. Avec la reprise économique, alors que les frontières sont moins ouvertes qu’avant, Jacques Attali et dix patrons ont cru bon défendre l’accueil de migrants, avec un argumentaire extraordinairement superficiel et méprisant, totalement contredit par les faits.
Des intérêts bien compris contredits de The Economist à Jaurès
« Si on ne va plus chercher des étrangers pour remplir les fonctions essentielles, et pas seulement ancillaires, dont sont incapables les Français d’aujourd’hui, on fait comment ? » : c’est par cette accroche que Jacques Attali défend les politiques migratoires des dernières décennies. Car c’est bien ce que fait ce conseiller de 4 des 5 derniers présidents. Il commence par une longue énumération de métiers « pour lesquels il n’existe(rait) pas, aujourd’hui, en France, assez de gens compétents pour les exercer », n’hésitant pas à y inclure travailleurs à la chaine, livreurs ou infirmières, situation qui serait celle de tous les pays occidentaux. Il ajoute que « la priorité de bon sens serait de réduire les incitations à rester au chômage », tout en soulignant que cela serait injuste. Ainsi, « il ne reste(rait) donc, pour remplir beaucoup de ces fonctions, pas d’autres solutions que d’aller chercher des étrangers, européens ou non ».
Il dit vouloir « en finir avec les solutions simplistes et absurdes qu’on entend de plus en plus sans que nul ne les contredise sérieusement » : suppression des allocations chômage, réduction de l’accueil d’étudiants étrangers, interdiction du regroupement familial, moindre acceuil de réfugiés ou de travailleurs étrangers. Pour lui, « à court terme, on n’a pas d’autre solutions que d’accueillir, et même d’aller chercher, des étrangers compétents pour remplir les fonctions dont les Français d’aujourd’hui ne veulent pas, ou pour lesquelles ils ne sont pas compétents. Et d’accueillir leurs familles, sans lequelles ils ne viendraient pas ». Trois jours plus tard, dix patrons (Accor, BNP Paribas, L’Oréal, Michelin, Sodexo, Adecco, Ikea, Ipsos…) affirmaient dans le JDD que « les réfugiés sont des talents pour nos entreprises ». De la sorte, ils ne font que reprendre ce que disait Pierre Gattaz, patron du Medef, lors de la crise migratoire de 2015.
Rien ne va dans le discours de Jacques Attali. D’abord, il y a le ton, méprisant et donneur de leçons à l’égard de Français qui seraient « incapables de remplir des fonctions essentielles ». Il est franchement indécent de voir ce conseiller de présidents aux bilans si piteux faire la leçon à des Français confrontés à une pénurie durable d’emplois. Tous les métiers qu’ils citent sont largement occupés par des Français et si nous avons des pénuries, comme pour les médecins, elles sont la conséquence de décisions prises par les gouvernements qu’il a conseillés. Tout aussi révoltant est sa disqualification d’autres politiques, alors même que ses arguments pour les réfuter sont bien courts. Plus globalement, on retrouve le caractère volontiers autoritaire de cette élite pour laquelle seule la politique qu’elle a défendue, et qui la sert, serait possible, dans un refus implicite du fondement de la démocratie : la capacité à changer de politique. Un discours sacrément incohérent pour quelqu’un qui était à l’Elysée en 1981…
Et pour quelqu’un qui prétend détenir la vérité, il est frappant de constater à quel point rien de ce qu’il dit ne repose sur le moindre fait, référence ou étude. Attali se comporte comme un oracle dont la parole vaudrait vérité sans avoir à se justifier d’une quelconque manière. Malheureusement pour lui, les choix de Donald Trump et du Brexit ont permis des études récentes sur l’impact de l’immigration sur le marché de l’emploi qui contredisent sérieusement ses dires. C’est ainsi que The Economist rapportait en 2020 une étude d’un chercheur d’Harvard (deux canaux guère critiques de l’immigration) qui soulignait que la baisse de près de 40% du solde net migratoire des Etats-Unis en 2019 avait poussé les bas salaires à la hausse. Pour preuve, les hausses de salaires étaient les plus fortes dans les secteurs qui employaient le plus d’immigrés. De même, une étude britannique de 2018 montrait que la division par deux du flux migratoire en provenance de l’UE avait rééquilibré le rapport de force en faveur des travailleurs. En somme, dès 1894, Jaures avait tout compris, lui qui affirmait que « ce que nous ne voulons pas, c’est que le capitalisme international aille chercher la main d’œuvre sur les marchés où elle est la plus avilie, humiliée, dépréciée (…) pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont les plus bas ». Il est bien évident que s’il y a de gros écarts de conditions sociales et salariales entre les pays, les pays comme le nôtre, où elles sont plus développées, deviennent extrêmement attractifs, malgré un chômage de masse, surtout pour des personnes venant de pays où les salaires sont 10 à 30 fois plus bas, qui ne voient aucun problème à accepter ce qui devrait rester inacceptable en France. Les migrants sont bien l’armée de réserve du patronat le plus rétrograde, ou malheureusement, plus simplement, du patronat exposé à une concurrence déloyale, ce qui est beaucoup trop fréquent en France.
Bien sûr, Jacques Attali ou les patrons du CAC40 ne peuvent pas admettre de manière aussi crue les raisons pour lesquelles ils défendent l’immigration. Alors, ils inventent une histoire qui ne repose souvent sur rien, font des offres d’emplois des emplois non pourvus pour stigmatiser des Français prétendument « incapables de remplir des fonctions essentielles ». La réalité, c’est qu’ils ne font que défendre leurs intérêts bien compris, et utiliser les immigrés pour faire pression sur les bas salaires.
68 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON