Je déteste les enfants des autres...
« NO KID » de Corinne Maier, 2007, Michalon. Corinne Maier ex-infographiste, aujourd’hui psychanalyste adore mettre les pieds dans le plat. Après avoir commis son politiquement incorrect « Bonjour paresse » en 2004, prônant de “travailler moins pour gagner autant”, bousculant cette fameuse valeur travail que la présidentielle a cherché à réhabiliter, c’est au sacro-saint désir d’enfant qu’elle s’attaque aujourd’hui.
Prenant soin de rappeler qu’elle est elle-même mère de deux enfants : elle sait donc de quoi elle parle et désamorce tout soupçon d’envie aigrie, au pire prend-elle le risque d’être traitée de mère indigne, ce qui la fait doucement rigoler.
A coups de phrases chocs : “on assiste aujourd’hui à une glorification de la maternité que n’aurait pas reniée le maréchal Pétain. C’est le visage actuel du patriotisme : pour affronter une vie de con, mieux vaut être nombreux”, d’affirmations définitives éminemment provocatrices : “une seule solution, la contraception”, la psychanalyste s’interroge sur cette société qui se glorifie chaque année de ses records de féconditié, sanctifie l’enfant roi comme étant l’objet ultime d’accomplissement personnel et rappelle, notamment aux femmes, la somme de sacrifices qu’induit l’acte de reproduction, dans le but de “démoraliser les parents potentiels”.
Enumérant les 40 bonnes raisons de s’abstenir de procréer : “l’accouchement, une torture, Gardez vos amis, l’enfant un tue-le-désir, vous serez forcémnt déçu par votre enfant, l’enfant un pot de colle, materner ou réussir, il faut choisir, trop d’enfants sur terre...” loin de démoraliser, ce pamphlet jubilatoire est avant tout drôlissime de vérité sur ces parents consommateurs de bonheur en couches qui font des enfants pour combler le vide de leur vie personnelle routinière, de leur carrière professionnelle ennuyeuse et de l’absence de questionnement existentiel.
Car celui qui met un enfant au monde a renoncé à le changer, le monde, et va, dans un double mensonge, faire croire à la chair de sa chair, qu’il est exceptionnel, omnipotent, en bref le “king of the world” puis le confier aux fameux “professionnels de l’enfance” auxquels il faut “barrer la route” : notamment l’ “institutrice, qui est généralement quelqu’un qui n’aimait pas l’école étant petite, sinon elle aurait fait des études plus brillantes, aurait un métier plus intéressant et mieux payé”, qui se charge de “mater” l’enfant devenu élève, le faire rentrer dans le rang et oublier son individualité pour devenir un citoyen, un consommateur, un employé moyen.
Le propos est salvateur : déconstruisons ce “désir d’enfant” sensément venu du fond des tripes, reconnaissons la part de narcissisme qui pousse à vouloir se cloner et entrer dans la grande famille exaspérante de ceux qui ont tout compris à la vie puisqu’ils l’ont donnée, eux, la vie, comprenons que les valeurs soixante-huitardes type “il est interdit d’interdire” ont causé de grands dégâts en terme de pédagogie, que cette génération d’enfants rois égoïste, matérialiste, surprotégée et surécoutée va se trouver fort dépourvue quand l’âge adulte sera venu avec son lot de chômage, crises énergétiques et catastrophes naturelles.
Cependant, si elle n’est pas complètement à côté de la plaque, cette analyse aux relents marxistes de “l’enfant, allié objectif du capitalisme” tend à desservir le discours au risque de manquer le public visé, la moindre mention de “capital” faisant fuir la majorité de ces parents bien-pensants, biens dans leurs baskets, dans leur époque et qui ne voient pas où est le problème avec leur Kévin chéri un peu hyperactif (quand autrefois on disait simplement “casse-couilles”) mais qui, avec son psy et son traitement de cheval, va beaucoup mieux, merci...
Mélanie Duwat
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