Julien sauvé des eaux
C’est en pensant au film de Renoir "Boudu sauvé des eaux" que j’ai choisi ce titre. Mais Julien n’est pas un clochard. C’est un garçon de18 ans privé d’une enfance normale qui a mené une vie errante pendant plus d’un mois avant d’être placé dans un foyer éducatif par l’ASE.

Qu’est-ce que l’ASE (Aide sociale à l’enfance) ?
Information du ministère de la Santé
L’Aide sociale à l’enfance s’inscrit dans le dispositif général de l’aide sociale destinée aux personnes qui ne peuvent faire face à leurs besoins à cause de leur handicap, de leur âge ou de difficultés économiques ou sociales. Depuis les lois de décentralisation, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) a été quasi intégralement placée sous l’autorité des présidents des Conseils généraux, les services de l’État (DDASS) ne conservant que deux compétences : le contrôle de légalité des décisions prises en matière d’ASE (mais celles-ci ne font pas l’objet d’une transmission obligatoire), et la fonction de tuteur des pupilles de l’État.
Dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires, l’organisation et la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance, mission d’intérêt général et d’ordre public, revient à chaque département. Chacun organise le service, attribue les prestations dont il fixe les tarifs et s’appuie sur un dispositif d’établissements et de services, publics ou privés habilités, dont le financement est approuvé chaque année lors du vote du budget et dont l’activité est contrôlée par les services du Conseil général.
Les services de l’Aide sociale à l’enfance, prévus au titre II du Code de la famille et de l’aide sociale (CFAS), résultent de la loi du 6 juin 1984, relative aux droits des usagers, de la loi du 6 janvier 1986, dite loi particulière, intervenue pour adapter la législation aux transferts de compétences en application des lois de décentralisation et de la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements.
Depuis la décentralisation, les dépenses d’Aide sociale à l’enfance sont le premier poste des dépenses d’aide sociale des Conseils généraux : en 1999, elles représentent, sur la France entière 4 337 millions d’euros, soit une dépense nette moyenne par habitant de 72 euros. Cette moyenne reflète néanmoins une forte dispersion, puisque la dépense par habitant est comprise selon les départements entre 20 et 176 euros.
Le système français de protection de l’enfance, au-delà de l’ASE s’articule autour d’interventions judiciaires. Celles-ci se distinguent des interventions administratives de deux façons : elles sont subordonnées à l’existence d’une plainte ou de requêtes de la famille, d’une situation d’urgence ou de danger au sens de l’article 375 du Code civil. L’autorité judiciaire est la seule à pouvoir prendre des décisions contraignantes vis-à-vis de la famille ou du mineur. Aussi, la protection judiciaire vient-elle souvent compléter ou relayer la protection administrative. C’est notamment le cas lorsque les mesures de soutien mises en œuvre avec le consentement de la famille ne suffisent plus ou quand ce consentement fait défaut (passage d’une action éducative administrative à une action éducative en milieu ouvert, par exemple).
Par-delà les mandats judiciaires, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) assume une double mission de prévention de la délinquance et de contribution à la protection de l’enfance. Le cadre juridique général de son action reste encore aujourd’hui l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui abroge la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et la liberté surveillée, et sur le fondement de laquelle l’autorité judiciaire mène une action protectrice dont l’objet est de substituer à la sanction, et notamment à l’incarcération, une action d’éducation et d’insertion sociale. C’est cette ordonnance qui a institué un magistrat spécialisé, le juge pour enfants.
La vie de Julien
J’ai rencontré Julien par hasard le mois dernier. C’est un garçon très gentil, mais il se livre difficilement. Pour en savoir davantage, j’ai interrogé son éducatrice dans le foyer ASE où il est placé encore pour quelques mois (Julien n’est pas son vrai prénom, car il était essentiel de préserver son anonymat).
Julien est né le 30 octobre 1990, enfant unique d’un jeune couple marié. Ses parents se sont séparés quand il avait 2 ans. L’enfant est resté avec sa mère, qui avait déjà trouvé un nouveau compagnon. Julien a un très mauvais souvenir de ses années d’enfance ; il dit que son beau-père le battait souvent, ainsi que sa mère. À 11 ans il a commencé à faire des fugues, à quitter le domicile de sa mère pour rester plusieurs jours chez un copain sans que personne ne sache où il était. Il manquait souvent l’école. Voyant cela, l’assistance sociale scolaire a fait un signalement à l’autorité judiciaire et Julien a été placé dans un foyer ASE dans lequel il est resté deux ans.
À 14 ans, avec l’accord de l’ASE, Julien est rentré chez sa mère qui venait de se fâcher avec son compagnon et de le remplacer par un autre, moins violent. Pendant un an, il mène une vie normale. Il va régulièrement au collège, mais ce n’est pas un bon élève. Puis, le 18 septembre 2007, il quitte le domicile familial, sans explications, sans donner aucune nouvelle. Maintenant, sa mère dit qu’elle ne comprend pas pourquoi il est parti, mais Julien laisse entendre que c’est parce que son nouveau compagnon la battait, comme le précédent.
On a retrouvé Julien le 21 octobre 2007. Il a déclaré à la police qu’il était parti seul, qu’il dormait sous des porches d’immeubles et qu’il se faisait aider par des SDF. Il n’avait subi aucune violence. L’ASE l’a placé dans un nouveau foyer éducatif. Selon son éducatrice, il lui a fallu plusieurs mois pour se détendre. Au début, il dormait par terre. Il disait que tout lui était égal, mais il semblait terrorisé à l’idée qu’il pourrait se retrouver à la rue. Il pensait qu’il n’avait aucune valeur. Après quelques mois, il a accepté de s’inscrire dans un centre de formation pour préparer un CAP de restauration. Il s’est mis à travailler un peu, à parler avec les autres pensionnaires du foyer, à ranger sa chambre. Mais la moindre contrariété risque de lui faire tout abandonner. Au cours de sa formation en alternance, il a changé plusieurs fois d’employeur pour des raisons insignifiantes. Il travaille actuellement dans une cantine scolaire, et son employeur est très content de lui. Il a de bonnes capacités professionnelles. Son éducatrice espère que son séjour au foyer sera prolongé au-delà de sa majorité pour qu’il puisse terminer ses études.
Pourquoi cet article ?
Je ne suis pas sociologue et je ne veux tirer aucune conclusion de l’histoire de Julien. C’est seulement l’occasion pour moi de diffuser un message d’espoir. Un garçon marqué depuis son plus jeune âge par la violence et la peur a des chances malgré tout de mener une vie normale quand il entrera dans le monde des adultes. Mais rien n’est jamais gagné.
Grâce à Julien, j’ai découvert l’Aide sociale à l’enfance. C’est l’une des meilleures institutions de la République française, il faut la préserver. J’ai appris que les conseils généraux ont beaucoup de mal à la financer, en raison de la politique actuelle de réduction des crédits. Les éducateurs et éducatrices des foyers ASE où des enfants comme Julien sont placés par l’autorité judiciaire font un travail formidable qui mériterait d’être mieux connu du public.
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