Jusqu'ici tout va bien...
Cela fait des mois que je souhaite écrire cet article afin de vous exposer un ressenti que de nombreux français comme moi, ont vécu durant ces dernières années. J'ai 37 ans et je suis né dans une ville du nord de la France. Sur la côte d'Opale, la sinistrose et le taux de chômage ont explosé à la face de tous les habitants de ma région qui pour la plupart, ont gardé un moral d'acier.
L'acier, on peut en parler ! Usinor comme ASCOMETAL, de grandes industries qui ont attiré une population d'ouvriers prometteurs qui ont peuplé et créé cette formidable dynamique sociale et culturelle qui a fait la force et les faiblesses de nombreuses villes du terreau chti. La force puisée dans une solidarité authentique de la population ouvrière, et les faiblesses qui ont émergé du terreau anarchiste voire extrémiste.
Aujourd'hui, les nouvelles générations qui prennent le relais de leurs aînés, entrent dans la vie active avec une incroyable fatalité que l'on ne cesse d'alimenter à travers les médias qui ne manquent jamais de s'engouffrer dans la culture du "buzz". Les politiques sont impuissants face à la machine du capitalisme ravageur, "acceptez donc la fatalité et choisissez la moins pire des solutions, le déclassement et la patience". Attendre que la sauce de l'optimisme puisse retrouver le bon air du temps où les emplois coulaient à flot, que la solidarité ne coûtait pas si chère que ça, que notre sécurité sociale avait un solde créditeur sur ses comptes financiers, que la redistribution de nos deniers ne posait de soucis à personne, on n'avait pas le temps d'y penser... Tout le monde avait du travail chez USINOR, "tu tapais à la porte des grands bureaux le matin, et l'après midi on t'embauchait en CDI !!"... Voilà ce que j'entends au quotidien de la bouche des retraités qui nous plaignent dans ces heures sombres de notre économie malade, ils ont connu le travail à 14 ans, on nous a appris à être presque scandalisé à l'idée d'imaginer pouvoir travailler dés l'âge adolescent ! A cette époque oui, on était "apprenti" maçon en percevant un vrai salaire, et en étant sur que l'on trouverait du boulot ailleurs sans trop de difficultés... Je peine à y croire encore du haut de mes 37 ans sachant qu'on est obligé de passer par une loi pour forcer les employeurs à rémunérer un apprenti stagiaire BAC+5.
Je sais, je plonge facilement au cœur du cliché nostalgique d'un passé qui n'est pas si éloigné de la génération des trentenaires ! Et je ne suis pas non plus un conservateur ou même un réac, état d'esprit qui revient à la mode. Non vraiment, si je poursuis librement cette idée d'écrire une vérité qui m'est propre, c'est pour exposer ouvertement le profond malaise et ce sentiment d'injustice qui pèse sur chaque individu qui garde en lui l'écho d'une phrase redondante "jusqu'ici tout va bien" sans vouloir plagier le final du film "la haine" de Mathieu kassovitch... Car oui, jusqu'ici tout va bien pour celui qui se relève quand le chômage le frappe au quotidien. Jusqu'ici tout va bien, pour celui qui croit en l'espoir du renouveau et du "véritable" changement que l'on attend tous au delà des clivages politiques, car ni la gauche ni la droite n'a le monopole de l'humanisme ! En ces temps de crises, on ne fait pas face réellement à ce qui est en train de nous perdre : la perte des valeurs fondamentales qui ont consolidé le ciment de notre civilisation occidentale. Après s'être affranchi des concepts religieux obscurantistes de ces derniers siècles, on avait enfin le champs libre pour construire une société qui s'élève et qui harmonise le chemin vers la réussite pour tous. Paradoxalement, nos vies matérielles ont considérablement évolué vers d'honorables défis technologiques, mais toutes ces améliorations ne trouvent leur essor qu'à travers l'appui de fonds privés en quête d'enrichissement ! L'intérêt "public" qui passe au second plan, n'est pas si rentable au regard des efforts financiers à injecter pour assurer la meilleure sécurité ou la meilleure efficacité technologique. Il suffit d'énumérer les multitudes de scandales autour de la commercialisation des médicaments, la technologie nucléaire ou encore le forage lié au gaz de schiste. Vous allez me dire qu'il ne faut pas être naïf, dans la politique du pire, il faut ajuster ses armes face aux pays émergents qui ont tout aussi soif de réussites... Mais durant toutes ces années d'aveuglement revanchard face à une économie mondiale vindicative, tout un pays est en train de perdre son âme, les fantômes d'un passé fasciste sont sur le point de ressusciter, mes voisins qui admiraient encore le festival des folklores du monde il y a une bonne dizaine d'années, sont convaincus que l'afghanistan est à leur porte et que leur fille va épouser un Ben Laden. Pendant ce temps la, ils ne se sont pas aperçus que la société qui gère l'eau dans notre commune a été privatisée et qu'elle nous demande un tarif toujours plus élevé chaque année.
Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien...