L’Amour bête
Au hasard de mes pérégrinations parfois erratiques sur le net, je suis tombé sur cette ahurissante nouvelle, le parlement allemand, le Bundestag vient de voter une loi scélérate interdisant la zoophilie qui était tolérée depuis 1959.
Comme j’ai une capacité d’indignation qui ne s'est pas estompée malgré l’extinction récente de son phare Hesselien aux révoltes sélectives, je me suis indigné, c’est bien le moins que je puisse faire, qu’un pays puisse interdire à sa population l’amour platonique à l’endroit de nos amis les bêtes.
Je sais que l’amour des animaux revêt plusieurs formes, certains les aiment surtout dans leurs assiettes, ce qui les amènent à disjoindre la bavette d’aloyau et la gite à la noix, du bœuf pour qui ces muscles constituaient peu avant son trépas des outils fort utiles comme le sont pour nous les abdominaux et les quadriceps.
Cette zoophilie là, dite culinaire, n’est bien entendu pas concernée par la nouvelle loi, et hormis les végétariens, végétaliens, et les animaux de boucherie qui ne sont jamais consultés sur ces sujets, le consensus est quasi général pour perpétuer la grande bouffe carnivore.
Alors s’agit-il de condamner entre autres perversions l’ailurophilie, nom savant qui désigne les personnes qui comme moi nourrissent une immense tendresse envers les chats et de pénaliser ainsi les mutuelles caresses que mon matou et moi nous nous prodiguons quasi quotidiennement ?
Cette angoissante interrogation qui me taraude est la conséquence d’une imprécision langagière qui se cache derrière ce suffixe ‘Phile’’ cuisiné à toutes les sauces. Ainsi, s’il est unanimement admis désormais, que le pédophile est un pervers, il n’en va pas de même pour le colombophile que personne de censé n’accuse d’avoir des relations inappropriées avec des pigeons.
Non, pour le Bundestag, il s’agit bien de réprimer ceux qui s’adonnent à la zoosexualité et de les condamner à payer une amende pouvant aller jusqu’à 25.000 euros. Ce projet de loi qui doit recevoir l’aval du Bundesrat pour être mis en vigueur crée l’émoi au sein de l’association de Défense des droits des Zoophiles (ZETA) qui se mobilise pour le contester devant la Cour constitutionnelle.
Le président de la Zeta, Michael Kiok qui file depuis quelques années le parfait amour avec sa chienne Cessy est scandalisé, d’autant a-t-il expliqué récemment à un quotidien allemand que « les animaux sont bien plus faciles à comprendre que, par exemple, les femmes ». En voilà, un argument imparable capable de déstabiliser les ‘’Sages teutons’’.
Mais des arguments, Michael en a d’autres dans sa besace, il nous explique doctement qu’il ne faut pas confondre les ‘’zoosexuels’’ qui ne développent des relations sexuelles qu’avec des animaux consentants pour lesquels ils éprouvent de vrais sentiments avec d’autres pratiquants qu’il qualifie lui-même de personnes bestiales qui ne s’intéressent qu’au sexe.
Il poursuit en précisant que les zoophiles ont une éthique (en toc ?), qui consiste à ne jamais forcer un animal. D’ailleurs, si vous vous excitez trop sur une chienne, elle risque de vous mordre, la jument peut fort bien ne pas se contenter de prétexter une migraine mais vous envoyer un coup de sabot dans les parties nobles.
Lorsqu’on lui demande si un animal a déjà fait le premier pas vers lui, il déclare « Oui. Ma chienne n’aime pas trop le sexe, mais elle aime bien qu’on la doigte. Elle vient me voir quand je suis couché sur mon canapé, se met sur le côté et tire ma main sur son ventre avec sa patte. C’est à ce moment là que je sais qu’elle veut que je stimule son vagin. De la même manière, un chien essaiera souvent de vous niquer »
A la lumière de ce que déclare M. Kiok on peut légitimement s’interroger sur la sexualité des requins qui semblent fréquemment confondre les membres des nageurs et surfeurs avec des sex toys. La découverte récente dans des lasagnes, de viande de bœuf et de cheval mélangées, signe t-elle la déliquescence des mœurs chez ces ruminants et un relâchement coupable de la morale bovine mais aussi chevaline ?
Dans le hit parade des animaux les plus sexys, le chien, la jument, la chienne et le cheval occupent les premières places, même si avec ce dernier des ruptures de colon ont été constatées. Quant au poisson rouge il ne semble pas avoir la faveur des zoophiles. L’aquariophile se contente de relations toutes platoniques avec le bocal.
Comme pour les rats, il y a les zoophiles des champs et ceux des villes, ceux des champs sont plus enclins à fréquenter et à connaître au sens biblique du terme des vaches, des chevaux, des moutons, des cochons, pour les citadins « c’est plus avec des chiens, affirme notre militant ».
Dans certaines grandes villes, on fait état de la présence de métrosexuels, qui entretiendraient des liens ambigus coupables avec les rames de métro dont le pouvoir érotique n’apparait pas pour les provinciaux que nous sommes aussi évident.
Et si cet inventaire ne prétend pas à l’exhaustivité en matière de pratiques sexuelles bestiales, un lecteur de passage me souffle à l’oreille que ce serait une faute professionnelle que de passer sous silence une engeance aussi pernicieuse que nombreuse, les dipterophiles, dont les relations sodomites avec les mouches ne peuvent que susciter notre mépris.
Tandis que l’hexagone vogue allégrement vers les rives du progrès sociétal sous le commandement avisé de notre grand timonier, que le ‘’mariage pour tous’’ ouvre des perspectives vers des unions encore insoupçonnées, l’Allemagne s’enfonce dans un obscurantisme moyennâgeux.
On ne peut qu’encourager les expériences mêmes encore timides comme celle de Marcela qui s’est risquée à une aventure bouleversante avec un homme-pourceau dont elle a apprécié surtout le lard et dont la narration pourrait bien engraisser son compte en banque.
Mais beaucoup de ses contemporaines pourraient lui faire remarquer qu’elles vivent depuis des années la même expérience sans en faire un plat, fut-il un sauté de porc, pendant que les hommes, pauvres dindons de la farce se plaignent souvent comme le chantait Brassens, d’avoir convolé avec une jolie vache honteusement déguisée en fleur.
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