L’Anarchie, l’ordre dans le désordre

Ils n’ont aucune confiance dans l’ordre que l’on veut bien leur proposer.
Ferré, Vian, Brassens, Aguigui ou Coluche ont été le poil à gratter d’une société égoïste et hypocrite qu’ils ont combattu chacun à leur manière.
Bien sur, l’image convenue et caricaturale de l’anarchiste est toujours la même : un poseur de bombe, un révolté prêt a n’importe quelle action pour faire vivre sa vérité.
Mais la violence des mots reste le vrai moteur de l’anarchiste.
L’anarchiste est un pacifiste né.
Il est aux antipodes de l’image réductrice que ceux qu’il gêne ont voulu faire de lui.
Il est poète jusqu’au bout de sa vie.
Il enfourche tous les chevaux de bataille, sans avoir jamais pris la peine de les apprivoiser, sans calcul, par simple intuition.
De nombreux artistes s’y sont retrouvés.
Ferré, Léo pour ceux qui l’ont compris, en est l’un des meilleurs exemples.
Et pourtant, s’il avait écouté les mauvais conseils de Charles Trenet, il n’aurait jamais eu l’audace de se risquer à monter sur scène pour chanter.
Il traversera les siècles, avec sa si belle chanson : « avec le temps » et bien sur « les anarchistes ».
Léo disait : « le pouvoir, d’où qu’il vienne, c’est de la merde…le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir » lien
Il ne disait rien de moins que la définition du dictionnaire du mot « anarchie » qu’il avait choisie dès l’âge de 14 ans : « négation de toute autorité d’où qu’elle vienne ».
Georges Charles Brassens n’a rien à lui à lui envier.
On oublie souvent qu’il avait avec ses copains lancé un hebdomadaire : « Le cri des Gueux ». Georges y écrivait sous le pseudo de « Corne d’Aurochs ». lien
On est en 1946, et son refus du pouvoir porté par la recherche de la liberté absolue le rapproche du mouvement anarchiste : il participe aux réunions de la fédération anarchiste au sein d’un groupe dans le 15ème arrondissement parisien.
Sous le pseudo de « JO-la-cédille », il tient rubrique dans le journal anarchiste « le libertaire ». lien
Il se produisit d’ailleurs à plusieurs reprises gratuitement pour les galas de la fédération.
Une chanson méconnue exprime bien le caractère anar de l’auteur : « le boulevard du temps qui passe ». lien
A part ses gouts pour l’anarchie, et la chanson, un autre lien l’unit à Léo Ferré : Charles Trenet.
Etrangement, Brassens idolâtrait Trenet.
Ce choix peut surprendre, tant Trenet était tout, sauf révolté. lien
Vian, Boris pour les intimes, était à sa façon un authentique anarchiste, même s’il refusait cette étiquette.
Il suffit de le lire pour s’en apercevoir :
« La guerre est la forme la plus raffinée et la plus dégradante du travail puisque l’on y travaille à rendre nécessaires de nouveaux travaux » ou « le travail est probablement ce qu’il y a sur terre de plus bas et de plus ignoble. Il n’est pas possible de regarder un travailleur sans maudire ce qui a fait que cet homme travaille alors qu’il pourrait nager, dormir dans l’herbe ou simplement lire ou faire l’amour avec sa femme ». ou même « supprimez le conditionnel et vous aurez détruit Dieu ». lien
Ursula Vian-Kübler, sa dernière compagne l’avait compris :
« Boris avait l’espoir que l’humanité deviendrait sage par le progrès. Il voulait combattre avec les armes de l’intellect, non la kalachnikov, je l’appelais le doux anarchiste ». lien
Qui a oublié son déserteur ?, sa java des bombes atomiques ? ou même « on n’est pas là pour se faire engueuler », chanson reprise par un autre anar, à sa manière, Coluche.
En effet, comment ne pas voir en Coluche de son vrai nom Michel Gérard Joseph Colucci, un authentique anarchiste ?
Comment ne pas reconnaitre dans son appel, lors de sa candidature aux présidentielles, une provocation anarchiste ? lien
« J’appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tout ceux qui ne comptent pas sur les hommes politiques à voter pour moi ».
D’ailleurs Antoine de Caunes ne s’y est pas trompé lorsqu’il à réalisé son film « Coluche, l’histoire d’un mec » en le qualifiant d’anarchiste ironique. lien
Ils ont été pourtant peu nombreux à commémorer sa disparition, il y a 24 ans le 19 juin 1986.
Ils ont préféré souffler dans des « vuvuzelas », pour encourager des analphabètes en culottes courtes à la recherche de la gloire et du chèque qui l’accompagne.
Le dernier et non le moindre est bien sur Mouna Aguigui, André Dupont de son vrai nom.
Lui aussi aimait pousser la chansonnette et ne s’en privait pas, en tournant les rouleaux de son orgue de barbarie, mettant à son répertoire les chansons qu’il aimait. Lien
Clin d’œil de l’histoire, c’est le frère de Boris Vian, Alain qui lui procurera les cartes perforées des chansons qu’il choisissait. (Alain Vian avait un magasin à Paris (rue grégoire de tours) et il vendait des orgues de barbarie). lien
Mouna Aguigui se déclarera « non candidat » à la présidentielle de 1974 et aux 3 présidentielles qui suivirent avec un programme choc :
« Des vélos, pas trop d’autos, du gazon, pas de béton, ni de moutons, pas de canons ».
Il haranguait avec humour les passants : « les mass-médias rendent les masses médiocres »…« j’irais cracher sur vos bombes »…« prenez le pouvoir, pas le métro »…
Il faut découvrir le film que Bernard Baissat lui a consacré, et découvrir sa bio écrite par la journaliste Anne Gallois : « Aguigui Mouna, Gueule ou crève ». (Édition aquitaine 2004)
La chanson reliait donc ces 5 révoltés et la violence désabusée, ou ironique qui teintait leurs chansons en a fait sans nul doutes d’authentiques anarchistes.
Ils ne sont heureusement pas seuls, et sur le site « chanson rebelle », on peut découvrir aux cotés des grands anciens, d’autres chanteurs en colère, comme Jean Marc le Bihan, Glenmor ou Gérard Gorsse, créateur du site entre autres.
L’histoire ne dit pas si Diogène, dans son amphore, bien au chaud, disputant sa nourriture aux chiens, ordonnant à Alexandre le Grand : « ôte-toi de mon soleil » s’adonnait lui aussi à la chanson, mais personne n’a oublié que cet anarchiste avant la lettre était surement l’un des premiers à réclamer l’égalité entre l’homme et la femme, la suppression des armes et de l’argent. lien
Car comme disait mon vieil ami africain :
« L’ombre du pygmée est plus grande au soleil couchant ».
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